(Québec ) Le gouvernement Legault met fin à l’urgence sanitaire plus de deux ans après son entrée en vigueur grâce à l’adoption du projet de loi 28, qui lui permet de conserver certains pouvoirs d’exception jusqu’en décembre 2022. Ces pouvoirs sont excessifs aux yeux des partis de l’opposition, qui ont tous voté contre l’adoption du texte législatif.

Ce sera enfin chose faite : après plus de deux ans de pandémie, Québec lèvera l’état d’urgence sanitaire en vigueur depuis le 13 mars 2020. Le projet de loi 28 sera sanctionné au cours de la journée de mercredi par le lieutenant-gouverneur, ce qui permettra la levée de la mesure.

« Je sais que c’est difficile à entendre, mais on est encore en pandémie, le virus est encore là. Le DBoileau [directeur national de santé publique par intérim] est très clair, il pourrait y avoir une vague d’une certaine importance à l’automne, on aimerait être en condition de vaccination tôt à l’automne, ça veut dire le mois d’août, septembre. Il faut être prêt », a fait valoir Christian Dubé à son arrivée au Conseil des ministres.

On a encore 40, 50 cas par jour qui vont à l’hôpital. […] Nous, la responsabilité qu’on a, c’est d’être prêts, parce qu’il peut y avoir une montée.

Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux

Le gouvernement Legault a adopté mercredi son projet de loi 28 malgré la grogne qu’il suscite chez les partis de l’opposition en raison des pouvoirs exceptionnels accordés en vertu de l’urgence sanitaire qu’il conserve jusqu’en décembre prochain. Le Parti libéral du Québec, Québec solidaire, le Parti québécois ainsi que les députés indépendants ont tous voté contre son adoption.

« On ne va pas voter en faveur d’un projet de loi qui va prolonger l’état d’urgence au Québec », déplorait mardi la cheffe libérale Dominique Anglade.

Le titre du projet de loi a par ailleurs été modifié et s’appelle Loi visant à mettre fin à l’état d’urgence sanitaire tout en prévoyant le maintien de mesures transitoires nécessaires pour protéger la santé de la population, alors que la version initiale indiquait seulement Loi visant à mettre fin à l’état d’urgence sanitaire.

Quatre décrets resteront donc en vigueur malgré la fin de l’urgence sanitaire, comme celui sur l’obligation du port du masque dans les transports en commun et les milieux hospitaliers. Les trois autres décrets touchent des mesures opérationnelles et de ressources humaines pour permettre par exemple à davantage de professionnels, comme les vétérinaires, d’exercer des activités de vaccination et de dépistage.

Selon le ministre Christian Dubé, ces pouvoirs permettront à Québec d’organiser rapidement une campagne de vaccination massive, par exemple en cas de nouvelle vague de la pandémie à l’automne.

« Dans la tête des gens, je pense que la mesure d’urgence était terminée, mais nous, comme responsables, on avait besoin des mesures transitoires », a précisé le ministre Dubé, mercredi.

On permet aussi le maintien de l’autorisation spéciale d’exercice pour les retraités et les étudiants venus prêter main-forte au réseau, les arrêtés encadrant le recours aux agences de main-d’œuvre dans le réseau. Le projet de loi 28 permet aussi le maintien et la prolongation de contrats conclus en vertu de l’urgence sanitaire, c’est-à-dire de gré à gré, jusqu’en décembre 2022.

Ces contrats doivent viser l’entreposage et le transport de biens acquis pendant la pandémie. Cet élément a particulièrement fait tiquer les partis de l’opposition. Le texte législatif a finalement été amendé pour exclure les contrats conclus après le 13 mars 2022, moment où le projet de loi a été déposé à l’Assemblée nationale.

« Cette loi-là était censée mettre fin à la gouvernance par décrets hautement appréciée par la CAQ. Et malheureusement, malgré le travail, je dirais, acharné, de mon collègue Vincent Marissal pour assurer plus de transparence, plus de reddition de comptes, pour assurer une réelle fin de l’urgence sanitaire, il n’y a rien de ça que le ministre a ouvert son esprit pour bonifier », a déploré mardi Manon Massé.

En consultation, le Barreau du Québec avait émis des réserves, affirmant que Québec aurait pu se borner à modifier la Loi sur la santé publique (LSP) pour établir un « cadre clair de transition » vers la fin de l’état d’urgence sanitaire, plutôt que de présenter un projet de loi distinct.

Le ministre de la Santé doit déposer au plus tard le 10 juin, le rapport d’évènement visé à l’article 129 de la LSP. En vertu de la LSP, le gouvernement doit présenter un « rapport d’évènement » dans lequel il doit détailler « les mesures d’intervention mises en œuvre et les pouvoirs exercés ».