On a tellement parlé de la COVID-19 depuis deux ans qu’on oublie à quel point, au début, nous étions face à l’inconnu. Devait-on porter un masque ? Des gants ? Quels étaient les modes de contagion ? Devait-on laver ses aliments ? Les mots « distanciation » et « variant » n’étaient pas dans notre vocabulaire, et c’est dans ce climat très inquiétant que les photojournalistes ont commencé à documenter la pandémie.
La Presse
De l’autre côté de la fenêtre
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Au début de la pandémie, je pensais manquer de travail, le soir. Il n’y avait plus de spectacles, plus de sport. On ne faisait plus de portraits de familles, à 17 h, quand tout le monde rentrait à la maison. Je me suis mis à faire des photos de CHSLD. Comme la ville était vide, je pouvais en faire trois ou quatre par soir, parce qu’on pouvait passer de Laval à LaSalle en 20 minutes. Un soir, on allait devant le CHSLD et il y avait 20 lumières allumées. Puis le lendemain, 18. Et 17. On savait que les gens mouraient, sans les voir. On le comprenait. Ça m’a pris du temps à m’en rendre compte, mais il y avait une lourdeur à être témoin de ces lumières qui s’éteignaient.
Olivier Jean, photographe
C’était la nouvelle réalité pour les photographes. Les premiers mois de la crise, les photos se prenaient de l’extérieur.
On n’avait pas accès aux endroits les plus pertinents. Un après-midi, j’étais dans le stationnement de l’hôpital de St Mary pour faire des photos de l’extérieur et un agent de sécurité m’a chassé et a appelé la police. J’avais l’impression qu’on était dans la Corée du Nord de la photo.
Martin Chamberland, photographe
De beaux moments, dans tout ça
À l’intérieur des murs
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La règle des deux mètres, en photos
Les règles sanitaires ont changé, mais dès le début de la pandémie, en mars 2020, s’est imposée cette distance entre les gens qui n’étaient pas de la même bulle. Pour les photographes qui devaient faire des portraits, c’est devenu un défi quotidien. Et que dire de l’obligation de faire les photos à l’extérieur ? La créativité de nos photographes a été largement sollicitée. Cela a donné de bien belles choses.
On était complètement dans l’inconnu. Au début, on portait des masques et on se faisait juger parce que la Santé publique disait que c’était inutile. On demandait aux gens s’ils étaient dans la même bulle et sinon, on s’assurait que nos photos les représentaient avec une distance raisonnable parce que les lecteurs nous le disaient sur les réseaux sociaux si les gens étaient trop proches sur nos photos.
François Roy, photographe
De près ou de loin
« L’absence de rapprochement ou de proximité physique nous limitait beaucoup », confirme Hugo-Sébastien Aubert. Notre photographe fait référence ici aux inévitables limites qui viennent avec un contact à distance et qui diminuent l’intimité avec le sujet, mais aussi aux contraintes techniques. « Ça rapetissait énormément la palette des propositions pour la photo », précise Hugo-Sébastien. Ça n’a toutefois pas été le cas lorsque notre photographe s’est rendu à une manifestation en mai 2020 qui regroupait des travailleurs de la santé au cœur de la tempête COVID depuis plus de deux mois. Là, la distance lui a permis de saisir tout le désarroi des gens qui réclamaient leurs vacances, avec pudeur et respect. Le résultat est éloquent.
À la banque alimentaire
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La colère des gens
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Après plus d’un an de pandémie, La Presse a publié une série de portraits de gens exceptionnels qui ont travaillé pour nous aider à passer au travers de cette crise, ensemble. La série s’appelait « Les guerriers de l’ombre » et notre photographe, Martin Tremblay, avait pris soin de faire de magnifiques portraits de ces personnes dévouées.
Au tour des petits
En se rendant au centre de vaccination de Laval, fin novembre 2021, au début de la vaccination des enfants de 5 à 11 ans, notre photographe Robert Skinner est tombé sur la responsable du centre, Isabelle Parent, qui lui a donné un accès total. Elle lui a lancé ceci en toute simplicité : « Fais-toi plaisir, on n’a rien à cacher ici ! »
C’est le rêve de tout photographe et particulièrement dans ce contexte de pandémie où ce genre de réactions n’a pas été fréquent. Robert a saisi l’occasion et su parfaitement capter l’émotion des petits, parfois celle qui passait entre les enfants et leurs parents. « Je n’ai pas eu à utiliser un mot du speech que j’avais préparé dans ma tête pour convaincre les responsables sur place de l’importance de permettre aux médias de documenter la campagne de vaccination des enfants qui venait de débuter, relate-t-il. Les mots et l’attitude de Mme Parent ont eu l’effet d’un baume, après plusieurs mois à avoir eu à faire face presque systématiquement à de l’hostilité, quand ce n’était pas carrément de l’intimidation de la part d’agents de sécurité et de personnel des CISSS et CIUSSS, alors que l’on voulait documenter la pandémie devant divers centres de dépistage et de vaccination, dehors, dans des endroits publics. » Notre photographe a passé plus de deux heures dans le centre de vaccination, au cœur des familles, sans contrainte. Voici quelques-unes de ses images.