Des lecteurs de dioxyde de carbone (CO2) ont été installés dans des écoles, et depuis qu’elles ont rouvert, des enseignants s’inquiètent de voir que la mesure affichée dans leur classe est bien supérieure à la limite fixée par le gouvernement.

Québec indique dans ses documents que la concentration moyenne quotidienne de CO2 devrait être inférieure à 1500 ppm (parties par million) pour un « confort adéquat ».

Jeudi, une enseignante du primaire de la région de Montréal a rapporté qu’avant l’arrivée des enfants, le lecteur de sa classe affichait une mesure d’environ 500 ppm. Ce taux est monté jusqu’à 1800 ppm une fois les élèves assis en classe.

Selon les normes de Québec, quand la concentration de CO2 mesurée est entre 1500 et 2000 ppm, le personnel doit « intensifier l’ouverture des fenêtres et de la porte du local, sans égard à la température ».

PHOTO FOURNIE

Lecteur de CO2 photographié dans une classe d’une école secondaire de la région de Montréal après trois périodes, mercredi. Une fenêtre de la classe, dit l’enseignant, était ouverte.

Or, relate l’enseignante, quand les fenêtres sont ouvertes dans sa classe, la température oscille autour de 14 à 16 °C. « On est gelés, on a froid », dit la femme, qui a demandé à ne pas être nommée de crainte de représailles de son employeur.

L’école où elle enseigne date de plusieurs décennies, et depuis que les lecteurs de CO2 ont été installés, les enseignants « paniquent un peu ». Malgré tout, elle a décidé jeudi de ne pas ouvrir les fenêtres pour assurer une température agréable à ses élèves.

Fenêtres ouvertes par grand froid

Ils sont plusieurs dans les écoles à avoir rapporté dans les derniers jours que le taux de CO2 dans leur local dépassait la norme recommandée.

Fin décembre, une enseignante du secondaire s’inquiétait auprès de La Presse que dans sa classe, dans une école construite dans les années 1960, si deux fenêtres et la porte ne demeuraient pas ouvertes, le taux de CO2 pouvait monter jusqu’à 3100 ppm… sans élèves dans la classe.

« La ventilation se résume à ouvrir les fenêtres », disait-elle.

Jusqu’ici, le mois de janvier ne collabore en rien pour donner un coup de pouce aux enseignants qui doivent aérer leurs classes. Encore jeudi matin, le mercure avoisinait les -20 °C, et on ne s’attend pas à ce que les températures remontent vendredi.

En France, les autorités de santé avisent qu’une concentration en CO2 supérieure à 800 ppm « doit conduire dans tous les cas à ne pas occuper la salle » et à agir en matière d’aération ou de réduction du nombre de personnes présentes dans un local.

À Québec, le ministère de l’Éducation précise que c’est l’évaluation des concentrations « moyennes quotidiennes de CO2 [sur la période d’occupation] » qui importe.

« Il est important de comprendre que la concentration de CO2 peut dépasser 1500 ppm, voire 2000 ppm ponctuellement au courant de la journée sans que la moyenne dépasse 1500 ppm sur la période d’occupation », indique Bryan St-Louis, porte-parole du Ministère.

Un plan « crédible » réclamé

Lors d’une séance d’information technique sur la ventilation dans les écoles tenue la semaine dernière, le gouvernement a estimé que « normalement », la température ne devrait pas descendre en deçà de 20 °C dans une classe.

Des travaux aux fenêtres pour permettre des ouvertures plus graduelles ont été réalisés dans certaines écoles, a précisé Caroline Imbeau, sous-ministre adjointe à la gouvernance des infrastructures au ministère de l’Éducation.

« C’est juste une petite ouverture de la fenêtre qu’on va pouvoir faire au moment opportun, ça ne sera plus une situation où on ouvre les fenêtres grandement pour aérer complètement la pièce », a expliqué Mme Imbeau.

Or, même en ouvrant les fenêtres lorsque les élèves sont à la récréation, le taux de CO2 descend très lentement, a témoigné une enseignante.

Jeudi, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui représente plus de 50 000 enseignants, a demandé au gouvernement de rendre publiques toutes les données recueillies par les lecteurs de CO2 et que cette mesure soit rétroactive au moment de leur installation.

La FAE réclame en outre un plan « crédible et ambitieux » relativement à la qualité de l’air dans les écoles.

Rouvrir les écoles était la « chose à faire », dit François Legault

Rouvrir les écoles cette semaine était la « chose à faire », a estimé jeudi en point de presse le premier ministre François Legault. « Les Québécois sont d’accord pour dire : avant d’enlever n’importe quelle mesure, on doit à nos enfants leur place à l’école », a déclaré M. Legault. « On me dit que ça se passe bien », a-t-il ajouté. Quand les élèves pourront-ils reprendre leurs activités parascolaires, notamment les sports ? Le directeur national de santé publique par intérim s’est dit « extrêmement sensible » à cette question. « On doit y aller d’une façon dosée, parce que ce qu’on observe actuellement, c’est que le système de santé est mis à sa limite », a déclaré le DLuc Boileau.