Des tests vraisemblablement fournis gratuitement à la population sont vendus illégalement

Ils s’envolent comme des petits pains chauds. Avec les nouvelles consignes limitant l’accès aux tests PCR, des tests rapides provenant vraisemblablement de boîtes fournies gratuitement à la population dans les écoles ou dans les pharmacies sont vendus illégalement à l’unité dans des sachets de plastique, sans facture et comptant, grâce aux réseaux sociaux.

La Presse a pu acheter mercredi deux de ces kits d’autodiagnostic 20 $ l’unité, dans un commerce de vêtements de la rue Chabanel, dans le nord de Montréal.

Le revendeur, qui annonçait son produit à 15 $ en matinée sur la plateforme Marketplace de Facebook, a subitement augmenté ses prix en cours de journée. « Ça a augmenté car il en reste plus du tout au Québec », a-t-il expliqué dans un échange sur Messenger, assurant cependant pouvoir faire la livraison gratuite pour tout achat de cinq tests ou plus.

« Le prix, c’est le même, peu importe la quantité que tu prends, parce qu’il n’y en a pas [de disponibles]. Là, actuellement, il m’en reste juste 50 », a-t-il dit dans une autre série de messages.

À première vue, il s’agit exactement des mêmes tests de marque Rapid Response que ceux distribués par milliers, en boîte de cinq, aux élèves du primaire, juste avant la période des Fêtes. La seule différence notable : le mode d’emploi a à l’évidence été imprimé avec une photocopieuse monochrome plutôt que sur papier glacé aux couleurs de la boîte originale, et les composantes ont été rassemblées individuellement dans un sac de plastique qui ne comporte aucun détail sur sa provenance.

« Illégal » et « regrettable », dit le MSSS

La position du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) est sans équivoque : « C’est illégal de vendre un tel produit sans y être dûment autorisé. Nous trouvons évidemment regrettable que des personnes tentent de faire un profit avec un produit distribué gratuitement », a déploré la porte-parole du MSSS, Marjorie Larouche.

« Nous condamnons une telle pratique et nous concentrons nos efforts sur la distribution de tests rapides en quantité suffisante pour la population. »

« C’est épouvantable », lance Pierre Archambault, directeur général d’ABC Médical, un distributeur accrédité de produits médicaux. Selon lui, le prix de gros pour une boîte de cinq tests rapides est d’environ 45 $.

On ne sait pas si le produit a été entreposé à côté d’un radiateur ou dans un réfrigérateur. Si ça se trouve, ça pourrait même être une ampoule avec de l’eau stérile, et personne ne le saurait.

Pierre Archambault, directeur général d’ABC Médical

Dans le commerce où nous nous sommes rendus pour en acheter deux exemplaires, un employé a affirmé que les tests venaient de l’entreprise BTNX, de Toronto. Or, sur son site web et au téléphone, BTNX affirme ne pas vendre de tests directement au public. Seuls les distributeurs accrédités et les agences de santé peuvent en faire l’acquisition et la distribution.

« Même si ce n’est pas un médicament, il y a des règles très rigoureuses à respecter pour distribuer des produits médicaux. Nous, quand un camion vient nous livrer des produits, on doit prendre en note la température de la marchandise, illustre M. Archambault. Ces gens-là n’ont certainement pas des pratiques aussi sérieuses. C’est tellement frustrant. »

Le président de l’Ordre des pharmaciens, Bertrand Bolduc, qualifie quant à lui la situation de « malheureuse ». Il est cependant peu probable que son syndic intervienne. « Notre syndic fait enquête lorsque de la revente de médicaments est constatée sur l’internet ou dans des commerces non autorisés. Mais dans ce cas-ci, comme il s’agit d’un test rapide qui est aussi distribué gratuitement dans les écoles, ça me surprendrait que ça mène à grand-chose », commente-t-il.

C’est peut-être plus à la Santé publique ou au gouvernement d’intervenir.

Bertrand Bolduc, président de l’Ordre des pharmaciens

Même si le gouvernement québécois fournit officiellement une boîte de cinq tests par mois à tous les citoyens, les distributeurs autorisés titulaires d’une licence accordée par le gouvernement fédéral peuvent les revendre. Les prix aperçus mercredi à l’unité sur différents sites tournaient autour de 10 $ à 17 $ le test.

Lorsque nous avons demandé au téléphone au revendeur de la rue Chabanel où exactement il avait trouvé les siens, il nous a offert une réponse plutôt courte : « Allez vous faire foutre ! »