Après avoir utilisé un test rapide, nombre de Québécois ont finalement passé les Fêtes loin de leur famille, mais s’estiment chanceux d’avoir évité de transmettre le virus à leurs proches. Si chaque éclosion prévenue est une bonne nouvelle, disent les experts, les autotests se font encore trop rares dans les pharmacies. Et très peu sont attendus avant la nouvelle année…

« On devait voir la famille immédiate le 24 décembre, dont deux couples de grands-parents, raconte Mélisande Gélinas-Fauteux. Je devais voir aussi mon père, et on n’a vu personne, finalement. » Le 21 décembre, sa fille de 8 ans a obtenu un résultat positif après avoir fait un test rapide. Le fait d’avoir eu une trousse d’autotests est « une chance », étant donné que la famille avait prévu d’aller voir une personne vulnérable ce jour-là, relate la musicienne du groupe Mélisande [électrotrad].

La semaine dernière, de nombreuses personnes ont fait la file devant les pharmacies afin de mettre la main sur l’une des trousses d’autotests avant les rassemblements des Fêtes. Au Québec, près de 10 millions de tests rapides ont été distribués jusqu’à maintenant. Mercredi dernier, le gouvernement fédéral a annoncé l’arrivée « de dizaines et dizaines de millions » de tests rapides dans les prochaines semaines.

Pour l’instant, en revanche, presque tous les tests rapides distribués en pharmacie ont été écoulés, indique Benoit Morin, président de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires. En ce qui concerne l’arrivée de nouvelles trousses, il dit ne rien avoir « sur son radar » pour l’instant.

Nous sommes en attente de développements au sujet des approvisionnements du mois de janvier, qui devraient être beaucoup plus importants.

Hugues Mousseau, directeur général de l’Association québécoise des distributeurs en pharmacie

Dans les prochains jours, autour de 60 000 trousses additionnelles devraient être distribuées dans quelques centaines de pharmacies, ajoute M. Mousseau. Certaines pharmacies n’avaient pas reçu la totalité des tests rapides la semaine dernière, explique Benoit Morin.

Or, si la vague due au variant Omicron perdure, davantage d’autotests seront nécessaires rapidement au Québec, fait valoir M. Morin. Les centres de dépistage n’arrivent pas à répondre à eux seuls à la demande.

Après le résultat positif de sa fille, Mélisande Gélinas-Fauteux a d’ailleurs tenté de trouver un rendez-vous dans une clinique de dépistage. Sans succès. La seule plage horaire disponible n’était que huit jours plus tard. Depuis la semaine dernière, elle est confinée avec ses deux enfants et son conjoint, qui ressentent tous des symptômes. « On n’est pas en pleine forme, alors ce n’est pas idéal pour animer la famille. On a écouté beaucoup de films de Noël », dit-elle en riant.

Laurence Andrée Lavigne a aussi renoncé aux rassemblements familiaux en raison de symptômes, malgré plusieurs tests rapides négatifs faits la semaine dernière. « On ne pouvait pas prendre le risque d’aller dans un party et de donner ça aux parents de mon conjoint, qui sont quand même âgés », dit-elle. Le 23 décembre, elle a finalement obtenu un test positif.

« Quand on a des symptômes, il faut être vigilant », soutient Mme Lavigne, enseignante au secondaire. Son conjoint, sa fille de 12 ans et son fils de 9 ans ont aussi été malades, raconte-t-elle.

Chantal Paradis ne s’est pas rendue à son souper de Noël, après avoir obtenu un résultat positif le matin même. « J’ai passé les Fêtes seule, mais je n’ai pas de regrets, raconte-t-elle. Je suis contente d’avoir eu la possibilité de m’autotester et d’éviter de contaminer d’autres personnes. »

Des tests demandés « bien avant » les Fêtes

« Les gens qui ont eu un diagnostic positif aux tests rapides alors qu’ils les ont faits par prévention ont sûrement contribué à éviter des éclosions supplémentaires dans leur famille », indique la Dre Amélie Boisclair, intensiviste à l’hôpital Pierre-Le Gardeur, à Terrebonne. Elle rappelle que ces autotests sont un outil de prévention, mais qu’un résultat négatif « n’est pas un passe-droit ».

Les tests rapides ont été « bénéfiques pendant le temps des Fêtes », mais ils auraient pu jouer un rôle bien avant, estime le DJoseph Dahine, intensiviste à l’hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval.

Il y a beaucoup d’experts qui demandaient depuis plusieurs mois de libérer les tests rapides pour ajouter cet outil à l’arsenal du contrôle de la pandémie.

Le DJoseph Dahine

Le but d’un test rapide est d’être accessible et utilisé fréquemment, souligne le DDonald Vinh, infectiologue-microbiologiste au Centre universitaire de santé McGill. « On sait très bien que beaucoup de gens ne sont pas capables d’obtenir ces tests », dit-il.

Quant à l’effet de l’utilisation des autotests sur le nombre de cas, cela demeure difficile à estimer, selon le DVinh. « La Santé publique n’a pas de moyen de savoir qui a utilisé ces tests et quels sont les résultats », soutient-il. Malgré le manque de précision de ces autotests, ils demeurent utiles pour savoir rapidement si l’on est contagieux, dit le médecin. « Aucun test en médecine ne fonctionne à 100 %, fait-il valoir. Il y a aussi la question à savoir si le test a été bien utilisé. »

Avec la collaboration d’Alice Girard-Bossé, La Presse