Près de 120 détenus de l’Établissement de détention de Montréal – communément appelé Bordeaux – sont actuellement atteints de la COVID-19, soit plus de 10 % des 1100 personnes incarcérées qu’abrite la prison en ce moment.

C’est ce qu’indiquent des statistiques fournies mardi à La Presse par le ministère de la Sécurité publique du Québec.

Il y a quelques jours, le nombre de détenus infectés a grimpé jusqu’à 182, selon une note interne de la directrice de la prison, mais ce plafond a commencé à s’abaisser.

Le précédent nombre record de détenus infectés à Bordeaux remonte à février dernier avec 129.

En plus de 118 détenus actuellement infectés, 23 agents correctionnels et employés de la prison sont contaminés. Sans compter la quarantaine de gardiens et les autres employés qui ont été renvoyés en confinement à la maison, par mesure préventive.

Le président du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec, Mathieu Lavoie, est sidéré par la vitesse avec laquelle la COVID-19 s’est propagée.

« Durant la fin de semaine du 12 décembre, on était à 37 cas et hier, huit jours plus tard, on était rendus à 182. Ça nous frappe de plein fouet mais ce qui est pire, c’est la rapidité avec laquelle le coronavirus se propage », décrit M. Lavoie.

« Durement touché »

Dans sa note interne envoyée aux employés et que La Presse a obtenue, la directrice de la prison, Isabelle Mailloux, écrit que l’Établissement de détention de Montréal est « durement touché » par l’éclosion de COVID-19 qui sévit actuellement.

« La situation entourant cette cinquième éclosion est ainsi particulièrement difficile à vivre pour tous. Le manque de personnel tend à alourdir et à complexifier la tâche de ceux et celles qui œuvrent directement auprès des personnes incarcérées », énonce notamment la directrice.

Mme Mailloux rappelle aux employés que même en cette période des Fêtes, il leur est interdit de se rassembler et de partager des repas. Le port du masque est obligatoire, et elle leur demande également d’éviter les déplacements inutiles dans la prison.

Mais Mathieu Lavoie appréhende le pire pour les Fêtes.

« Il manque 25 % d’effectifs à la grandeur du Québec et ceux qui travaillent sont épuisés. Seulement l’an dernier, au Centre de détention Rivière-des-Prairies, les agents sont passés de 56 000 à 88 000 heures supplémentaires », dit-il.

Le syndicat demande à ce que le ministère de la Sécurité publique impose de nouveau des mesures mises en place au début de la pandémie et qui ont été abandonnées l’été dernier, à la suite d’une intervention de la Protectrice du citoyen et de plaintes de membres de familles de détenus : le confinement obligatoire de 14 jours pour les nouveaux prévenus qui arrivent dans une prison et la fermeture des secteurs où se produit une éclosion.

« À partir du moment où un nouveau détenu arrive, ça se propage à une vitesse grand V. Il va falloir revenir à l’ancien protocole : isoler les secteurs où il y a des cas positifs et confiner les nouveaux pour éviter la propagation », affirme M. Lavoie, qui requiert également que les activités soient réduites dans les prisons durant les Fêtes « pour pallier [le] manque de personnel ».

Des conjointes inquiètes

Le Ministère réplique que plusieurs mesures ont été mises en place, tels le dépistage massif, l’isolement en cellule, la fin des transferts inter-établissements, les repas en cellule, le port du masque et la suspension des programmes et des activités.

Il n’a pas l’intention de rétablir le confinement de 14 jours pour les nouveaux détenus et mise plutôt sur une évaluation, un test de dépistage rapide et des mesures de prévention appropriées.

L’éclosion actuelle à Bordeaux a débuté dans le secteur C, l’un des plus grands de la prison centenaire avec 180 places. Ce secteur et le secteur E seraient actuellement isolés.

La conjointe d’un détenu incarcéré à l’Établissement de détention de Montréal a écrit à La Presse et déploré ses conditions de détention.

« Les détenus de son secteur sont confinés seuls, dans leur cellule, 24 h sur 24, sans possibilité de sortir. Ils sont coupés de tout contact humain, excepté les gardes qui leur apportent leurs repas directement à leur cellule. Ils sont aussi privés de douches.

« Nous sommes plusieurs femmes qui n’avons reçu aucune nouvelle de nos conjoints depuis jeudi, malgré nos nombreux appels au Protecteur du citoyen.

« Nos conjoints ont peut-être commis des crimes, mais ils sont des humains et ont quand même des droits. Nous voulons seulement que ces droits soient respectés. Nous craignons pour leur santé mentale. Être livré à soi-même, coupé de tout contact humain, est cruel. Ne pas avoir de nouvelles de nos conjoints est aussi une épreuve pour nous, nos enfants et nos familles », écrit notamment cette femme.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.