L’explosion du nombre de cas de COVID-19 chez les enfants d’âge scolaire est nettement plus forte au Québec qu’en Ontario. En tenant compte du fait que la province voisine est plus populeuse, le rythme des infections chez les jeunes est quatre fois plus marqué au Québec qu’en Ontario.

Depuis le début de la pandémie, on a recensé 19 627 cas dans les écoles québécoises et 9111 dans les établissements ontariens. En date de jeudi, Québec faisait état de 4657 cas actifs dans le réseau scolaire.

Ce phénomène contribue à faire en sorte que le Québec est la province qui compte le plus grand nombre de nouveaux cas par rapport à sa population.

Avec un taux moyen de cas confirmés dans les sept derniers jours de 15,1 pour 100 000 habitants, non seulement le Québec est en tête de liste des provinces, mais il est également très au-dessus de la moyenne canadienne de 8,6 cas pour 100 000 habitants, selon les données colligées par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

« On était très bons après la deuxième vague. Incroyables à la troisième vague. À la quatrième, on faisait mieux que d’autres. Mais en ce moment, on se situe très mal », affirme le virologue Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Jeudi, par exemple, on rapportait 1807 nouvelles infections. Le même jour, l’Ontario en rapportait 1290. Toutes proportions gardées, il y a 2,4 fois plus de cas au Québec qu’en Ontario.

La ventilation, une différence marquée

Comment expliquer cette montée des cas, unique au Canada, et plus particulièrement la forte incidence dans les écoles ?

Il peut y avoir plusieurs explications à ce phénomène. Selon des experts interrogés par La Presse, une des causes de la transmission plus marquée dans les écoles pourrait être l’absence d’échangeurs d’air dans les classes au Québec.

« C’est surtout depuis la rentrée scolaire qu’on se distingue de l’Ontario », constate André Veillette, professeur de médecine et directeur de l’Unité de recherche en oncologie moléculaire à l’Institut de recherches cliniques de Montréal. « Je ne peux pas croire que nos enfants sont plus tannants que ceux de l’Ontario. Les taux de vaccination sont à peu près pareils. Les mesures sanitaires sont les mêmes. Mais d’après ce que je comprends, ils ont mis des purificateurs d’air dans leurs écoles. »

En plus d’assurer une meilleure ventilation dans les classes, l’Ontario mise sur l’utilisation de tests rapides depuis des mois. Québec n’a annoncé que jeudi la distribution prochaine de tels tests aux élèves.

Mais du côté de la qualité de l’air, les 90 000 lecteurs de CO2 promis ne seront pas livrés d’ici la fin de l’année. Au centre de services scolaire de Montréal (CSDM), à peine 18 % des écoles ont reçu des lecteurs de CO2.

« En Ontario, on a vraiment essayé de mettre toutes les couches de protection dans les écoles : on a des masques universels, on a optimisé la ventilation et la filtration et on a des tests rapides », note le DJérôme Leis, chef de la prévention et du contrôle des infections de l’hôpital Sunnybrook, à Toronto.

« C’est difficile de dire que l’écart est lié à une ou plusieurs de ces couches, mais il faut essayer de mettre le plus de couches possible. »

« Si j’avais une recommandation à faire pour les écoles, c’est de mettre des échangeurs d’air, ajoute André Simard, professeur associé à l’École de médecine du nord de l’Ontario et spécialiste en immunologie. Ici, à Sudbury, le conseil scolaire en a acheté pour chaque salle de classe. Dans les écoles plus vieilles, où il n’y a pas une bonne aération, on voit plus de cas. »

Le DJesse Papenburg, pédiatre et infectiologue-microbiologiste à l’Hôpital de Montréal pour enfants, reconnaît que la ventilation des classes peut aider à réduire la transmission dans les écoles.

« Est-ce qu’on pourrait faire mieux au Québec en termes d’aération ? Est-ce qu’on aurait dû en faire plus ? Probablement. Mais est-ce que c’est ça qui explique les différences de taux d’incidence ? Je serais mal à l’aise de faire ce lien », explique-t-il.

Selon lui, les mesures sanitaires ne sont pas les seules en cause. Il explique, par exemple, que l’école n’est pas nécessairement le foyer de la propagation du virus. Et que le vrai problème, c’est peut-être la transmission communautaire, c’est-à-dire que les enfants introduisent à l’école le virus contracté ailleurs.

« Il y a plus de transmission communautaire en ce moment au Québec qu’en Ontario, observe-t-il. La tranche d’âge la plus affectée, c’est les enfants de moins de 10 ans parce qu’ils n’ont pas encore été vaccinés. Donc, ce n’est pas surprenant. Mais ça ne veut pas dire qu’il y a de la transmission dans les écoles. »

En avance sur les autres ?

Une autre façon de voir les choses, c’est de dire que si le Québec compte plus de cas, c’est parce qu’il est en avance sur les autres provinces et qu’il a été frappé avant les autres.

Je pense que ce qu’on vit, l’Ontario va le vivre d’ici à deux semaines. Cette cinquième vague va inévitablement frapper tout le monde. On ne connaît pas encore bien la saisonnalité de ce virus.

Le DJesse Papenburg, pédiatre et infectiologue-microbiologiste à l’Hôpital de Montréal pour enfants

« Il semblerait que les vagues durent de 8 à 10 semaines, en général, mais ce n’est pas juste parce qu’on met en place des mesures et qu’on les enlève, ajoute-t-il. On ne contrôle pas le virus, même avec une proportion importante de la population qui est vaccinée. »

Le DJérôme Leis constate que le taux de transmission communautaire est déjà à la hausse en Ontario, où « le taux de reproduction effectif est de presque 1,2 ».

Quoi qu’il en soit, il faut rappeler que ces éclosions en milieu scolaire, même si elles sont spectaculaires, n’ont pas les mêmes impacts que les flambées de cas des vagues précédentes. Parce que les enfants résistent généralement bien au virus, même quand ils ne sont pas tous vaccinés. À ce jour, le tiers des jeunes de 5 à 11 ans ont reçu leur première dose. Le vaccin pouvant prendre deux semaines avant d’agir pleinement, l’impact de la vaccination risque de se faire sentir davantage au début de 2022.

L’augmentation des cas chez les enfants a toutefois des conséquences sociales et communautaires. « Plus de 60 % des éclosions surviennent en milieux de garde et scolaires », rappelle Olivier Drouin, qui regroupe toutes les données sur les cas de COVID-19 en milieu scolaire sur covidecolesquebec.org.

Et même si leurs parents, qui sont le plus souvent vaccinés, ne tombent pas gravement malades quand ils contractent le virus, les infections de leurs enfants entraînent une foule de perturbations de la vie familiale et professionnelle, des quarantaines, de l’absentéisme au travail, et un casse-tête pour les parents, les écoles et les enseignants qui sont en première ligne.

Avec la collaboration de Pierre-André Normandin, La Presse

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Hausse du nombre de cas chez les enfants de moins de 10 ans sur une semaine, au Québec, une tendance qui ne semble pas fléchir.