Pendant que les pays se pressent pour mettre en place des mesures destinées à réduire la propagation du nouveau variant Omicron, des scientifiques du monde entier, dont des chercheurs de Pfizer-BioNTech et de Moderna, tentent de déterminer si les vaccins existants fonctionneront toujours contre ce variant. Voici comment ils s’y prendront.

La structure du virus

À première vue, le variant semble préoccupant. « Le variant Omicron a une cinquantaine de mutations, dont 32 mutations juste sur la protéine de surface », soutient Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialisé en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). À titre de comparaison, le variant Delta possédait seulement neuf mutations à sa surface.

« Il y a certaines mutations présentes dans le variant Omicron qui, dans le passé, semblaient être associées à une baisse de l’immunité vaccinale », ajoute le DGaston De Serres, épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et membre du Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ).

Pour infecter l’humain, la protéine de surface est essentielle, puisqu’elle permet au virus de s’attacher aux récepteurs des cellules humaines et d’y injecter son matériel génétique.

Les vaccins actuels permettent de développer des anticorps qui reconnaissent la protéine de surface du virus, ce qui l’empêche de se fixer aux cellules. « Si le virus change, on pourrait s’attendre logiquement à ce que les anticorps soient moins efficaces », résume M. Lamarre.

En laboratoire

Une fois le virus observé, les chercheurs effectuent un test de neutralisation en laboratoire. Pour ce faire, ils devront d’abord reproduire le variant Omicron en laboratoire, afin d’en avoir une bonne quantité.

« Ensuite, on va prendre des sérums de gens vaccinés, qui sont entreposés dans des banques, et vérifier s’ils sont capables ou non de neutraliser le virus », indique M. Lamarre. Si les anticorps créés par les vaccins ont perdu de leur efficacité, le virus va être capable d’infecter les cellules.

C’est une méthode assez rapide, puisqu’elle permet d’obtenir des résultats en deux semaines environ. Elle n’est toutefois pas complète. « Le système immunitaire, c’est beaucoup plus que seulement des anticorps, donc le test en laboratoire en neutralisation ne nous donne pas toutes les informations nécessaires », dit M. Lamarre.

Il faut donc procéder à une autre étape. « Après les études en laboratoire, on doit confirmer avec des mesures d’efficacité sur le terrain », soutient la Dre Maryse Guay, médecin-conseil à la Direction régionale de santé publique de la Montérégie et à l’INSPQ.

Sur le terrain

Les études épidémiologiques effectuées sur le terrain sont très fiables, mais exigent beaucoup plus de temps et de ressources. « La technique idéale est de faire une étude où on compare la prévention des infections causées par le variant Omicron chez les personnes vaccinées et chez les personnes non vaccinées », explique le Dre Guay.

Pour effectuer ces recherches, les scientifiques doivent avoir accès à un grand nombre de personnes infectées par le nouveau variant Omicron. « Au Canada, on ne peut pas faire ces études, parce qu’on n’a pas assez de cas », affirme le DDe Serres.

Ces études pourraient toutefois se faire en Afrique du Sud, où le virus se propage davantage. La faible couverture vaccinale en Afrique du Sud, qui se chiffre à seulement 24 %, risque toutefois de compliquer les études, précise M. Lamarre.

Bien que ces études ne puissent pas se faire immédiatement au Canada, elles pourraient s’effectuer dans les prochains mois, si le nombre de cas du variant Omicron augmente, comme ce fut le cas avec le variant Delta. « Avec les données du Québec, on a pu mesurer que les vaccins qu’on a reçus protègent bien contre le variant Delta », indique la Dre Guay.

Créer un nouveau vaccin

Si, après ces étapes, l’efficacité des vaccins actuels avec le variant Omicron ne se révèle pas suffisante, les sociétés pharmaceutiques devront développer de nouveaux vaccins adaptés au code génétique du variant Omicron.

« On devra mettre, dans le vaccin, la recette pour que notre corps produise des anticorps contre la [protéine de surface] du nouveau variant », explique la Dre Guay.

Le développement de ce nouveau vaccin prendra environ trois mois avec les technologies d’ARN messager, comme Pfizer et Moderna, soutient M. Lamarre. « Ça risque de prendre un peu plus de temps avec les autres vaccins, comme AstraZeneca », ajoute-t-il.

Selon le spécialiste, une dose de rappel devrait être suffisante, puisque les personnes vaccinées ont déjà en mémoire une bonne partie de la réponse immunitaire, qui pourrait être stimulée par une dose de rappel.

Malgré le peu de données disponibles actuellement sur le nouveau variant, les chercheurs sont unanimes : avant d’obtenir des résultats sur l’efficacité vaccinale, la population doit continuer à se faire vacciner. « En ce moment, c’est encore le variant Delta qui circule le plus au Québec et le vaccin est très efficace contre le variant Delta », rappelle M. Lamarre.