(Québec) Accusée par l’opposition d’avoir « menti » devant la coroner Géhane Kamel, l’ex-ministre de la Santé et des Services sociaux Danielle McCann s’est défendue mercredi d’avoir trop tardé à agir pour préparer les CHSLD à affronter la pandémie. Mais elle a admis dans la foulée que son gouvernement avait d’abord « concentré » ses efforts sur les hôpitaux.

Au lendemain de son dépôt, le rapport dévastateur de la protectrice du citoyen sur la prise en charge de la pandémie dans les CHSLD lors de la première vague a été au cœur de tous les débats à l’Assemblée nationale.

« Ce qui est véhiculé à mon égard dans l’espace public, ça me préoccupe beaucoup. Je suis ici pour rectifier […] certains faits », a lancé Danielle McCann, désormais ministre de l’Enseignement supérieur, qui s’est adressée aux médias mercredi.

Un peu plus tôt, libéraux et péquistes avaient accusé les membres du gouvernement d’avoir « menti » sous serment lors de l’enquête du coroner alors que les acteurs clés de la première vague – notamment Mme McCann – ont affirmé qu’ils avaient alerté le réseau de la santé dès le 28 janvier afin qu’il soit prêt à combattre un nouveau coronavirus.

Le Parti québécois a parlé d’un « mensonge vraisemblablement coordonné » parce que Natalie Rosebush, sous-ministre, Yvan Gendron, ex-sous-ministre, et le DHoracio Arruda, directeur national de santé publique, ont affirmé la même chose. Or, la protectrice du citoyen est venue mardi contredire la version du gouvernement.

Dans son rapport spécial, Marie Rinfret conclut qu’il n’y a eu aucune directive ou initiative de Québec au début de 2020 pour préparer les CHSLD à faire face à cette épreuve. Ce n’est qu’à la mi-mars, au moment où Québec a décrété un confinement, que les CHSLD ont fait partie d’un plan.

J’ai pris connaissance du rapport de la protectrice du citoyen. C’est un rapport dont il faut tenir compte entièrement. Ce que je peux vous dire là-dessus, c’est qu’effectivement, on s’est concentrés sur les hôpitaux, en février, parce qu’on avait peur avec ce qui se passait en Italie et ailleurs, à New York aussi.

Danielle McCann, ex-ministre de la Santé et des Services sociaux

La protectrice du citoyen a démontré que les CHSLD n’étaient pas au centre des préoccupations au début de la crise, parlant d’une conception « hospitalocentriste » dans les préparatifs des autorités.

« Mesure d’urgence »

Danielle McCann maintient sa version des faits devant la coroner, s’appuyant sur un avis envoyé par courriel aux coordonnateurs de sécurité civile des établissements du réseau de la santé et des services sociaux, le 28 janvier. Le document est un résumé des attentes ministérielles concernant le déploiement des mécanismes de sécurité civile.

Elle ne concerne pas les CHSLD ni ne contient une mise à jour d’un plan de lutte contre une pandémie. On y demande « d’activer [la] cellule de sécurité civile en mobilisant les parties prenantes des secteurs concernés par les enjeux en cause ». La protectrice du citoyen a indiqué par ailleurs que cette note était « vraiment très large ».

C’est une mesure d’urgence, on ne prend pas ça à la légère et on ne fait pas ça souvent.

Danielle McCann, ex-ministre de la Santé et des Services sociaux, à propos de l'avis du 28 janvier 2020

« C’est une lettre qui parle des établissements au sens large. Il n’est pas fait mention non plus des hôpitaux […], c’est un plan global. Mais on dit que [les établissements doivent] préparer l’ensemble de [leurs installations] à faire face à une menace qui s’appelle coronavirus », a ajouté Mme McCann.

Le débat a monopolisé la période de questions, mercredi au Salon bleu. Le premier ministre a réitéré qu’il assumait sa part de responsabilité pour l’hécatombe dans les CHSLD et avait « fait de [son] mieux avec les informations » à sa disposition.

« On n’avait pas d’indication avant le mois de mars qu’il y aurait un tel drame dans les CHSLD. Ce qu’on savait, c’est qu’il y avait un virus. Ce qu’on savait, c’est qu’il y avait eu des problèmes en Italie dans les hôpitaux. C’est ça, l’information qu’on avait », a plaidé M. Legault, questionné par la cheffe libérale, Dominique Anglade.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec

Québec solidaire a réclamé le déclenchement d’une enquête publique élargie sur la prise en charge de la pandémie, ce qui inclurait les écoles et l’approvisionnement, notamment. La formation a déposé une motion pour en débattre au Salon bleu.

Rosebush témoignera de nouveau

En fin de journée mercredi, le Bureau du coroner a annoncé qu’il reportait au 10 janvier le « volet représentation » de l’enquête publique sur le décès de personnes âgées dans les milieux d’hébergement lors de la première vague. On a aussi appris que la sous-ministre Natalie Rosebush serait de nouveau entendue le 30 novembre.

Lors de son premier passage devant la coroner Géhane Kamel, le 15 novembre, Mme Rosebush avait affirmé que des visites de contrôle avaient été effectuées dans tous les CHSLD du Québec après le scandale du CHSLD Herron. À la coroner qui lui demandait s’il était possible de consulter les rapports des inspecteurs, Mme Rosebush avait expliqué que ceux-ci formulaient surtout leurs recommandations verbalement.

Et que dans le cas de CHSLD visités plusieurs fois, les précédentes versions des rapports étaient « écrasées » dans le système informatique et pouvaient être difficiles à trouver. Les documents ont finalement été récupérés et remis à la coroner, qui souhaite de nouveau questionner Mme Rosebush. La Dre Jocelyne Sauvé, de l’Institut national de santé publique du Québec, fera aussi une deuxième apparition comme témoin.