Des centres de vaccination de plusieurs endroits au Québec doivent composer avec des tentatives apparemment frauduleuses de jeunes adultes qui tentent d’obtenir un passeport vaccinal en faisant homologuer de faux certificats de vaccination censés provenir de l’Ontario.

Selon une source confidentielle, des dizaines de personnes ont utilisé le même stratagème depuis vendredi dernier dans un site de vaccination montréalais. Des codes QR leur auraient été délivrés par les responsables du site de vaccination malgré les doutes qui planaient sur l’authenticité de leurs documents, en attendant que les autorités mènent leur enquête.

La Presse a pu voir plusieurs images de faux « récépissé[s] de vaccination contre la COVID-19 » prétendument délivrés par le ministère de la Santé de l’Ontario qui ont été utilisés dans le cadre du stratagème. Certains de ces faux documents affichaient, pour différents demandeurs, exactement les mêmes dates et heures de vaccination, la même ville de vaccination située à 550 km de Montréal et les mêmes noms de vaccinateurs. Les numéros de lot de vaccins étaient vraisemblablement des faux, selon notre source. Les documents comportaient par ailleurs des erreurs de caractères dans la portion francophone du document.

IMAGE TIRÉE DE TELEGRAM

Specimen d'un faux document de vaccination ontarien vendu illégalement sur la plateforme Telegram

Ce n’est pas la première fois que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) est informé de l’existence d’un stratagème similaire, par lequel un individu se présente dans un centre de vaccination pour faire homologuer une vaccination administrée à l’extérieur du Québec.

« Le ministère de la Santé et des Services sociaux est sensibilisé au risque de tentative de fraude et nous sommes effectivement au courant de ce stratagème, a affirmé la porte-parole Marie-Hélène Émond. Nous assurons, par l’entremise du ministère de la Sécurité publique, le suivi des cas possibles qui nous sont rapportés. »

« Des validations complémentaires sont enclenchées lors d’attestations d’origine douteuse », a ajouté Mme Émond. Les informations de vaccinations ne sont alors pas enregistrées dans le registre provincial et le code QR n’est pas fourni « tant que tous les doutes n’ont pas été dissipés ». « Ces vérifications peuvent par contre entraîner des délais », a précisé Mme Émond.

Selon une source policière, des corps policiers enquêteraient de concert (en coordination) sur le stratagème utilisant ces faux documents émanant de l’Ontario.

Des corps de police auraient fait des demandes au MSSS afin d’obtenir des informations sur le statut vaccinal de certains suspects, mais se seraient fait répondre de demander à la justice une ordonnance de communication émise par un juge puisqu’il s’agit d’informations protégées par la Loi sur la protection des renseignements personnels, a expliqué notre source.

Le MSSS affirme qu’« aucune information de cette nature n’a été portée à [son] attention ».

« Assez facile » à modifier

Selon la spécialiste en analyse juridique de documents Shabnam Preet Kaur, examinatrice chez DocuFraud Canada, ce type de fraude est très fréquent. « C’est assez facile de modifier ces documents [de vaccination], car ce sont des PDF. Ça ne demande pas de grandes connaissances en informatique », a-t-elle affirmé à La Presse.

Bien des vendeurs proposent de tels documents de contrefaçon sur les plateformes de messagerie SnapChat, Telegram et Instagram. Leurs prix varient de 200 $ à 2000 $.

En septembre dernier, La Presse avait questionné le MSSS au sujet de l’un de ces vendeurs qui proposait sur SnapChat, moyennant 1000 $ payé en cryptomonnaie, de faire homologuer un faux certificat de vaccination américain. « Je te crée ton passeport, et tu viens avec moi au centre de vaccination. Ils approuvent ton passeport et c’est fait », promettait ce vendeur.

De nombreuses tentatives ont été signalées dans la région de Gatineau, située à la frontière de l’Ontario, affirme notre source policière.

« Nous tenons à vous assurer que cette situation est prise très au sérieux. Par ailleurs, si jamais des personnes devaient utiliser ou tenter d’utiliser un faux passeport vaccinal, elles s’exposeraient à des sanctions importantes pouvant entraîner des poursuites. Des mesures de contrôle ont également été prévues à cet effet », avait alors averti le MSSS.

Le cabinet du ministre Christian Dubé n’a pas voulu commenter nos informations, nous renvoyant plutôt au MSSS.

202 000 doses homologuées

Selon les données officielles du gouvernement, plus de 202 000 doses administrées hors Québec ont été homologuées depuis le début de la campagne de vaccination. Les personnes qui en font la demande dans un centre de vaccination sont tenues de présenter une pièce d’identité et de fournir une preuve.

« Les informations inscrites sur la preuve seront validées afin qu’on s’assure qu’il s’agit d’un vaccin approuvé par l’Organisation mondiale de la santé et que l’intervalle entre les doses a été respecté », précise le site d’information du gouvernement.

« Advenant le cas où les renseignements indiqués sur la preuve ne sont pas conformes, le citoyen sera avisé et invité à reprendre sa vaccination au centre de vaccination ou à prendre un rendez-vous pour se faire vacciner ultérieurement. »