(Québec, Montréal) Au moins 27 000 employés du réseau public de la santé et des services sociaux ne sont toujours pas adéquatement vaccinés à une semaine de l’entrée en vigueur de la vaccination obligatoire, le 15 octobre. L’approche de la date butoir sème l’inquiétude dans une trentaine de ressources intermédiaires d’hébergement, en marge du réseau de la santé, où les gestionnaires craignent des ruptures de services.

Mercredi, le réseau public dénombrait encore 27 051 employés qui n’étaient pas adéquatement vaccinés, dont 15 607 qui n’ont reçu aucune dose de vaccin. Ce bilan nouveau en date du 6 octobre inclut désormais les travailleurs qui ne pourront recevoir leur deuxième dose à temps.

Il faut donc comprendre que 11 444 travailleurs ont reçu une première injection. Difficile d’estimer avec précision, cependant, combien parmi eux seront officiellement suspendus sans solde puisqu’il reste deux jours aux travailleurs ayant reçu une première dose de vaccin pour aller chercher la seconde.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) considère un employé comme pleinement protégé sept jours après l’injection de la deuxième dose. Un portrait plus juste de la situation est donc attendu après le 8 octobre, selon nos informations. On peut présumer par ailleurs que ces 11 444 employés seront suspendus en partie temporairement et reviendront au travail après avoir obtenu leur deuxième dose.

Pour l’heure, 91,8 % des travailleurs du secteur public de la santé et des services sociaux sont adéquatement vaccinés, selon l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

À la mi-septembre, le ministre de la Santé, Christian Dubé, estimait à 20 000 le nombre d’employés du réseau qui n’avaient reçu aucune dose de vaccin. Mais à l’approche de la date butoir, Québec comptabilise aussi ceux qui, vraisemblablement, n’auront pas le temps de retrousser leur manche une deuxième fois.

Des 27 051 employés qui ne sont pas encore pleinement vaccinés, 11 763 font partie du personnel soignant, précise-t-on dans le bilan fourni par le MSSS. Si on regarde seulement ceux qui n’ont reçu aucune dose de vaccin, soit 15 607 personnes, 6901 sont en contact avec les patients.

Jeudi dernier, M. Dubé a indiqué qu’il restait 16 000 employés à vacciner, dont un peu plus de 6500 en contact avec les patients, sans préciser leur statut vaccinal. Il excluait donc les 11 444 employés partiellement vaccinés.

Ressources intermédiaires menacées

La date butoir pour la vaccination obligatoire suscite aussi de l’inquiétude dans une trentaine de ressources intermédiaires du Québec, où les menaces de ruptures de services se précisent.

Le 15 octobre, un seul des cinq employés de la ressource intermédiaire (RI) de Karima Sadik à Montréal pourra continuer de travailler auprès des neuf usagers de l’établissement, qui présentent tous un trouble grave du comportement. « Un seul de mes employés est doublement vacciné. Deux refusent. Un est en voyage. Et le dernier aura sa deuxième dose le 18 octobre », explique Mme Sadik, qui redoute la rupture de services.

Comme elle, une trentaine des 1060 ressources intermédiaires du Québec sont menacées de rupture de services le 15 octobre, car plusieurs de leurs employés ne seront pas vaccinés à temps, explique Johanne Pratte, directrice générale de l’Association des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec.

C’est sûr que l’inquiétude est très forte. Car on ne sait pas vraiment ce qui va se passer.

Johanne Pratte, directrice générale de l’Association des ressources intermédiaires d’hébergement du Québec

Les RI avaient jusqu’au 4 octobre pour annoncer combien de leurs employés ne seraient pas vaccinés à la date butoir et pour déposer un plan de contingence à leur CISSS ou leur CIUSSS. « Le CIUSSS pourra peut-être me fournir du personnel. Mais je ne me fais pas d’attente irréaliste : eux aussi ont des difficultés de personnel », note Mme Sadik.

Mme Pratte affirme que déjà, certains établissements de santé ont annoncé qu’ils ne seront pas en mesure de fournir du personnel aux ressources intermédiaires qui se retrouveront en rupture de services le 15 octobre. « C’est notamment le cas des Laurentides et du Centre-Ouest de Montréal », soutient Mme Pratte.

Plusieurs CISSS et CIUSSS joints par La Presse ont indiqué être en train de compiler les données sur le nombre d’employés de leur territoire qui ne seront pas vaccinés au 15 octobre et d’établir leur plan de contingence. Plus de détails seront divulgués la semaine prochaine, nous a-t-on indiqué.

En attendant, Mme Sadik tente intensément de recruter du personnel. « Mais ce n’est pas facile. Mes salaires ne peuvent compétitionner avec ceux qu’offrent les agences privées de placement », dit-elle. Elle souligne aussi que sa clientèle, qui présente un trouble du spectre de l’autisme ou une déficience intellectuelle grave, ne « peut pas être confiée à n’importe qui ».

Report de la date butoir demandée

Le RI ne sont pas les seuls inquiets. Dans une sortie commune, le Parti québécois (PQ) et cinq syndicats du milieu de la santé et des services sociaux ont exhorté mercredi le gouvernement Legault à repousser la date de l’entrée en vigueur de la vaccination obligatoire pour éviter ruptures de services « généralisées » dans le réseau public.

« Nous nous dirigeons dans un mur », a lancé Paul St-Pierre Plamondon, chef du PQ, disant craindre des répercussions « catastrophiques » dans le réseau.

Selon le PQ, le « remède dépasse la maladie », alors que « les risques sur le patient sont plus grands que les bénéfices » engendrés par l’obligation de la vaccination. Une affirmation reprise au Salon bleu par le chef parlementaire, Joël Arseneau, ce que n’a pas raté de souligner le premier ministre.

Le remède serait pire que le mal de mettre la vaccination obligatoire ? C’est quand même grave, un parti qui est censé être progressiste, un parti qui arrive et qui dit que la vaccination obligatoire dans la santé serait une mauvaise idée.

François Legault, en réponse à Joël Arseneau, chef parlementaire du Parti québécois

Québec n’a pas l’intention de reculer sur la date de l’entrée en vigueur de la vaccination obligatoire.

Le premier ministre a par ailleurs affirmé que sur « 1000 établissements, il y en a 5 qui ne donnent pas des services » comme à l’habitude, à l’heure actuelle. Un tableau faisait état des « réorganisations planifiées » vient aussi d’être publié en ligne dans un souci de « transparence », a confirmé le ministre de la Santé sur Twitter, mercredi.

Les syndicats se disent en faveur du maintien de tests de dépistage rapide sur une base régulière pour les travailleurs non vaccinés et pour la poursuite de la sensibilisation, alors que la couverture vaccinale continue de progresser.

27 051 : Nombre d’employés du réseau de la santé et des services sociaux qui ne sont toujours pas pleinement vaccinés en date du 6 octobre, dont 11 763 sont des soignants en contact avec les patients. Source : ministère de la Santé et des Services sociaux.

15 607 : Nombre d’employés du réseau de la santé et des services sociaux qui n’ont reçu aucune dose de vaccin en date du 6 octobre. Source : ministère de la Santé et des Services sociaux

11 444 : Nombre d’employés du réseau de la santé et des services sociaux qui ont reçu une seule dose de vaccin en date du 6 octobre. Source : ministère de la Santé et des Services sociaux