Après huit mois à composer avec la COVID longue, Virginie Gagnon peine à « retrouver sa vie normale ». Cette dernière tente de faire reconnaître que son fils de 13 ans, aux prises avec « les pires maux de tête » de sa vie, souffre lui aussi de cette maladie. Si le syndrome est encore mal défini, il existe et peut toucher les adolescents, estime un expert.

20 janvier 2021. Le fils de Virginie Gagnon, Thomas, est revenu de classe, en « pleine forme » et heureux d’être de retour sur les bancs d’école depuis une semaine. Vers 19 h 30, tout a basculé. « Il était gris, je n’avais jamais vu un teint comme ça », raconte la mère. Inquiète des chutes de pression et des vertiges subis par l’adolescent, la famille est allée consulter plusieurs médecins.

« On n’a pas été pris au sérieux, se rappelle Mme Gagnon. Certains disaient que c’était psychologique, qu’il créait lui-même des symptômes. » À l’époque, la mère de Thomas avait appelé la ligne COVID-19, pour savoir si un test de dépistage était nécessaire. « Ils ont dit que ça n’avait rien à voir avec les symptômes du virus », relate Virginie Gagnon.

Une dizaine de jours plus tard, elle-même s’est mise à ressentir des symptômes. Après avoir passé un test de dépistage, le résultat est tombé : elle avait contracté la COVID-19. « Le lendemain [vendredi], j’ai perdu l’odorat. Le samedi, en l’espace de 15 minutes, je n’ai plus été capable de respirer », raconte-t-elle.

Les mois suivants ont été pénibles pour Virginie Gagnon, mise en arrêt de travail en raison de symptômes persistants. Son fils, lui, a dû s’absenter deux mois de l’école. Hospitalisé à deux reprises en février, ce dernier a finalement reçu un diagnostic de fatigue post-virale. Selon les spécialistes qui suivent toujours l’adolescent, cet état est « en train de se chroniciser », rapporte Mme Gagnon.

« Ça va prendre du temps »

Même si elle n’a pas pu faire tester son fils, la mère croit qu’il souffre du syndrome post-COVID comme elle. Trop de choses demeurent inexpliquées, fait-elle valoir. « Deux mois après avoir été malade, il a fait de la fièvre pendant un mois », raconte-t-elle.

Virginie Gagnon soutient que la pédiatre refuse de prononcer les mots « COVID longue », mais compare tout de même l’état de son fils au sien.

« [La pédiatre] me dit que pour Thomas, ça va prendre du temps comme moi pour qu’il s’en remette », relate Mme Gagnon.

Mal connue, cette maladie se définit par des symptômes qui persistent des semaines après une infection primaire, explique André Veillette, professeur de médecine et directeur de l’Unité de recherche en oncologie moléculaire à l’Institut de recherches cliniques de Montréal. Selon les données disponibles, la COVID longue toucherait moins les enfants que les adultes.

Cette maladie affecterait près de 30 % des individus qui n’ont pas été hospitalisés lors de leur COVID-19, souligne Alain Piché, microbiologiste-infectiologue au CIUSSS de l’Estrie–CHUS. Si ces études proviennent de l’étranger, « il n’y a pas de raison de croire que la prévalence est différente au Québec ».

À l’hôpital Sainte-Justine, une équipe multidisciplinaire prend en charge les patients avec des symptômes possibles de cette maladie, explique Valérie Lamarre, pédiatre-infectiologue. « Il y a certainement beaucoup plus d’adolescents qui ne sont pas bien en raison des conditions de vie des 18 derniers mois que d’adolescents qui souffrent de COVID longue, précise-t-elle. Départager les deux est un grand défi. »

« Je ne sais pas si je vais y arriver »

Aujourd’hui, Thomas commence à remonter la pente, mais vit toujours avec « les pires maux de tête » de sa vie, en plus d’éprouver une fatigue intense et d’avoir des problèmes de concentration. « Il n’est jamais redevenu l’enfant qu’il était, se désole sa mère.

Il est mieux, mais a un choc post-traumatique en lien avec la COVID-19. Il a peur d’être malade et vit avec la culpabilité de me l’avoir donnée.

Virginie Gagnon, à propos de son fils Thomas

De son côté, Virginie Gagnon essaie de retrouver sa vie normale. « Je ne sais pas si je vais y arriver », souffle-t-elle. Auparavant en excellente santé, cette dernière vit maintenant avec des troubles cardiaques et pulmonaires. « Je tousse à m’arracher les poumons », ajoute-t-elle.

Virginie Gagnon est perplexe devant l’opposition au port du masque dans les écoles. « Vivre avec la culpabilité d’avoir contaminé un parent qui reste malade et qui passe près de mourir, pour un enfant, c’est beaucoup plus traumatisant », souligne-t-elle.

Si l’on en connaît peu au sujet de la COVID longue à ce jour, André Veillette soutient qu’elle sera « la pandémie après la pandémie ». « Il va y avoir des gens qui ont eu la COVID-19 et qui seront amochés », explique-t-il, en pointant les problèmes médicaux, sociaux et économiques possibles découlant de cette situation. « Chaque personne infectée risque de développer [ce syndrome] », prévient ce dernier.