Certains sont pour, d’autres contre, mais tous sont inquiets : restaurateurs, commerçants et acteurs du milieu culturel veulent à tout prix éviter de nouvelles fermetures, mais sans avoir à jouer à la police.

L’instauration du passeport vaccinal est une bonne nouvelle chez Allô ! Mon Coco, à l’angle du boulevard Pie-IX et de la rue Bélair. « On veut que les gens se fassent vacciner pour éviter une quatrième et une cinquième vague », assure Rose Kodeih, propriétaire. Le restaurant, qui a ouvert ses portes le 3 mars 2020, a traversé une année difficile. « Ça nous inquiète plus de refermer que de perdre quelques clients récalcitrants », résume la restauratrice.

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Rose Kodeih, propriétaire du restaurant Allô ! Mon Coco, boulevard Pie-IX

« Les mesures sont prises pour une raison, et je ne suis pas contre », ajoute Célina Larouche, employée du salon de coiffure Fuschia Elle et Lui, à Saint-Léonard. « On est dans l’inconnu complet », déplore-t-elle cependant.

La copropriétaire de l’établissement, Sonia Bucci, n’est ni pour ni contre le passeport. « Tout le monde est le bienvenu et nous n’avons aucune intention de vérifier les renseignements personnels de notre clientèle », affirme-t-elle.

D’autres commerçants sont cependant totalement opposés à cette mesure. C’est le cas de Richard Goulet, propriétaire de la boutique d’accessoires neufs et vintage Le 63, sur l’avenue du Mont-Royal. « C’est sûr que ça va causer des problèmes, croit-il. Surtout pour notre clientèle, les gens ne seront pas contents. »

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Manuel Paul, propriétaire de Paul’s Boutique, sur l’avenue du Mont-Royal Est

Sur la même avenue, Manuel Paul, propriétaire de Paul’s Boutique, est catégorique : « Je ne ferai jamais ça [vérifier le passeport], j’ai autre chose à faire ! »

Responsabilités supplémentaires pour les restaurateurs

« Il y a beaucoup de questions sans réponse en ce moment », indique François Meunier, vice-président de l’Association Restauration Québec (ARQ). Si l’ARQ ne se prononce pas contre le passeport vaccinal, elle s’inquiète des responsabilités supplémentaires pour les restaurateurs.

Ce n’est pas marqué dans le front qu’on est doublement vacciné, alors c’est nous, à la fin, qui devrons effectuer le contrôle [de la population]. On ne veut pas jouer à la police.

François Meunier, vice-président de l’Association Restauration Québec

Même son de cloche du côté du Conseil québécois du commerce détail (CQCD), où on se questionne sur l’aspect logistique du projet (qui va effectuer la vérification, de quelle façon, etc.). « Les détaillants veulent surtout rester ouverts, mais il n’y a pas tant de gens disponibles, explique Jean-Guy Côté, directeur général du CQCD. Il pourrait y avoir un enjeu de main-d’œuvre s’il fallait ajouter du contrôle », précise-t-il.

L’industrie culturelle veut rester active

Du côté culturel, les salles de spectacle ont accueilli favorablement l’annonce de Québec. « Les gens ont encore un peu peur de revenir en salle. Notre défi pour la prochaine année, c’est qu’ils se sentent assez en sécurité chez nous. Le passeport vaccinal pourrait aider », affirme David Laferrière, directeur général du Théâtre Gilles-Vigneault et président de RIDEAU, qui regroupe plus de 200 salles de spectacle au Québec.

Ce que lui et les autres propriétaires de salle qu’il a sondés souhaitent à tout prix, c’est éviter un autre confinement.

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David Laferrière, directeur général du Théâtre Gilles-Vigneault et président de RIDEAU, qui regroupe plus de 200 salles de spectacle au Québec

Sur le plan logistique, le passeport vaccinal ne s’annonce pas simple, mais on s’arrangera. Notre milieu veut poursuivre, on ne veut surtout pas refermer nos portes.

David Laferrière, directeur général du Théâtre Gilles-Vigneault et président de RIDEAU

Qu’en sera-t-il des grands rendez-vous comme le Festival de jazz et les Francos, prévus à l’automne à Montréal ? Là aussi, le passeport vaccinal sera-t-il imposé ? Pour l’instant, les organisateurs sont dans le noir. « Et à partir du moment où il y a un passeport vaccinal — s’il y en a un —, est-ce que ça voudrait dire qu’on pourrait assouplir certaines mesures sur le site comme les zones [pour respecter la distanciation physique] ? », se demande Martin Roy, président-directeur général du Regroupement des évènements majeurs internationaux.

Malgré le peu de détails révélés jusqu’à présent, son groupe se dit favorable au passeport vaccinal. « C’est ce qui nous apparaît comme la bonne décision. Notre modèle d’affaires repose sur l’achalandage. Je ne vois pas d’autre solution que celle-là pour ramener la foule », affirme M. Roy.

Plusieurs acteurs du milieu culturel, comme le Musée des beaux-arts de Montréal et l’Association des propriétaires de cinémas du Québec, n’ont pas voulu commenter l’annonce à ce stade-ci.

Dans une version précédente de cet article, nous avons écrit par erreur que Célina Larouche était la propriétaire du salon de coiffure Fuschia Elle et Lui, à Saint-Léonard. Le salon appartient à Sonia Bucci et à sa sœur Nadia Bucci.