(Québec) La mise en place d’un passeport vaccinal cet automne pour garantir l’accès à certains services non essentiels aux personnes qui ont reçu deux doses d’un vaccin contre la COVID-19 est accueillie favorablement par des industries visées. Certains espèrent que cette opération logistique, « pas évidente », sera évitée grâce à la campagne vaccinale, alors que d’autres plaident pour que les passeports soient rapidement en vigueur.

Le président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), Charles Milliard, estime que l’annonce faite jeudi par le gouvernement est « un incitatif supplémentaire » pour se faire vacciner. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a affirmé qu’un passeport vaccinal serait requis « si et seulement si » une éclosion combinée à une transmission importante de la COVID-19 dans un secteur précis le justifiait.

D’ici à l’automne, « ça nous donne le temps de nous préparer », a affirmé M. Milliard, rappelant que « personne ne [souhaitait] utiliser le passeport vaccinal, ni le gouvernement ni nous ».

À l’opposé, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) s’est dite « très déçue que le gouvernement n’encourage pas les entreprises qui le désirent à utiliser dès maintenant le passeport vaccinal pour accueillir les citoyens doublement vaccinés ».

« On devrait à cet égard s’inspirer de ce qui se passe au Danemark et en Israël, qui ont adopté cette approche pour accélérer la réouverture des activités économiques et inciter la population à obtenir rapidement sa seconde dose. […] Le passeport vaccinal pour les services non essentiels doit devenir une mesure phare et courante qui facilitera la reprise pleine et entière des activités économiques », a déclaré le président et chef de la direction de la Chambre, Michel Leblanc.

Et les employés non vaccinés ?

Le vice-président aux affaires fédérales et au Québec de Restaurants Canada, Olivier Bourbeau, estime que le gouvernement Legault doit tout de même clarifier ce qui sera demandé aux entreprises visées pour les employés qui n’auraient pas reçu deux doses d’un vaccin contre la COVID-19.

Je ne vous apprends rien en vous disant qu’il y a une grande pénurie de main-d’œuvre au Québec. Avant même la pandémie, il manquait 60 000 travailleurs dans l’industrie de la restauration au Canada. Aujourd’hui, c’est pire.

Olivier Bourbeau, vice-président aux affaires fédérales et au Québec de Restaurants Canada

Le ministre du Travail, Jean Boulet, a affirmé que « dans l’hypothèse de l’utilisation du passeport vaccinal, les mesures sanitaires en milieu de travail [continueraient] de s’appliquer. [Cela] signifie que les employés pourraient continuer d’exécuter leurs tâches sur les lieux de travail malgré leur statut vaccinal ».

Utilisation des tests rapides

L’analyste principal des politiques pour la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), Francis Dubé, se réjouit pour sa part que le gouvernement « trouve des alternatives pour garder l’économie ouverte ». Il craint toutefois que la mise en place d’un passeport vaccinal n’alourdisse le fardeau qui pèse sur les petites et moyennes entreprises (PME).

À supposer qu’un secteur de l’économie est visé par l’utilisation de ce passeport, estime M. Dubé, Québec devrait avoir recours aux tests rapides avant d’exclure de leur milieu de travail les employés qui ne seraient pas adéquatement vaccinés.

Dans l’industrie des gyms, la présidente d’Énergie Cardio, Claire Tremblay, a de son côté accueilli l’annonce comme une bonne nouvelle. Pour elle, cela confirmait que Québec n’avait pas l’intention de fermer l’industrie en raison d’une quatrième vague de COVID-19.

S’il arrive que l’on doive utiliser le passeport vaccinal, comme entreprise, on s’est toujours adaptés. Donc on va continuer à suivre les règles et à s’adapter.

Claire Tremblay, présidente d’Énergie Cardio

De son côté, la Ligue des droits et libertés (LDL) craint que l’introduction d’un passeport vaccinal ne se fasse « sans réel débat public ».

« Le gouvernement québécois préconise actuellement un passeport vaccinal sous la forme de code QR à faire numériser dans certains lieux publics pour obtenir des services non essentiels. Or, cette technologie peut ouvrir la porte à l’intrusion dans la vie privée des individus notamment concernant la protection de leurs données personnelles », a affirmé la porte-parole Alexandra Pierre.

Réactions des partis d’opposition

Les partis de l’opposition ont accueilli l’annonce du ministre Christian Dubé en émettant des réserves, jeudi. Certains souhaitent discuter des enjeux que crée l’utilisation d’un passeport vaccinal en commission parlementaire, plus tard cet été.

La porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé, Marie Montpetit, a reconnu que « le passeport vaccinal [faisait] partie de l’éventail de mesures pertinentes qui visent à favoriser la vaccination et minimiser, voire éviter, une quatrième vague à l’automne ».

Toutefois, l’approche proposée par la CAQ est simplement conditionnelle aux éclosions possibles. Nous espérons que le plan travaillé par le gouvernement d’ici septembre sera plus précis et en action, plutôt qu’en réaction.

Marie Montpetit, porte-parole de l’opposition officielle en matière de santé

Selon Vincent Marissal, de Québec solidaire, « le passeport vaccinal peut être pertinent pour certains contextes, mais il ne doit pas devenir un outil de chantage ou de discrimination ».

« Les enjeux éthiques et les possibilités d’abus sont nombreux », a affirmé le député de Rosemont, ajoutant que « le ministre devra[it] avoir un œil sur les effets collatéraux, car il serait inquiétant que des propriétaires exigent une preuve vaccinale pour avoir accès à un logement ou encore des employeurs pour un milieu de travail même si l’outil n’a pas été créé pour ça ».

Joël Arseneau, du Parti québécois, a de son côté salué l’approche choisie par Québec, affirmant qu’il s’agissait à première vue d’une mesure « ciblée, seulement si nécessaire, et en fonction de la situation épidémiologique ».

« Toutefois, la proposition gouvernementale doit faire l’objet d’une consultation élargie et d’un encadrement législatif, dès la rentrée parlementaire. Des consultations publiques en commission parlementaire pourraient même se tenir dès la mi-août, car les implications sur les droits et libertés des citoyens sont importantes », a dit le député des Îles-de-la-Madeleine.