Bien reçues par certains, les mesures sanitaires annoncées mardi par le gouvernement Legault ne font toutefois pas que des heureux. Si le milieu du sport salue les allègements, les gyms, les spas et les restaurants ruent dans les brancards. Les partis de l’opposition, eux, appellent à « redoubler d’efforts » pour protéger les populations.

Un plus pour le sport

« On comprend qu’il faut y aller progressivement, étape par étape », dit la présidente de Sports Québec, Julie Gosselin, pour qui les nouvelles mesures sont un « bon départ ». Les piscines et les arénas rouvriront pour la tenue d’activités libres, en bulle familiale. À l’extérieur, la pratique d’activités physiques sera dorénavant permise à huit. Jusqu’ici, c’était quatre. Son groupe désire toutefois « être ailleurs après la relâche » si la baisse des cas se poursuit d’ici au 8 mars. « On espère qu’on pourra retourner à une pratique en gymnase. Toutes les fédérations sont prêtes et ont des plans précis. Il y a beaucoup d’options et on peut être créatifs », assure Mme Gosselin. Pierre Lavoie, fondateur du Grand Défi qui porte son nom, est aussi de cet avis. « S’il n’y a pas plus d’ouverture après la semaine de relâche, on va mettre beaucoup plus de pression, parce que là, on perd une génération. Ça va faire un an que nos jeunes bougent moins, alors qu’entre 12 et 17 ans, c’est une période très importante pour leur développement. Ça prend un plan pour qu’au début de mars, les mesures arrivent vite et clairement », martèle-t-il.

Des oubliés, des négligés ?

Pour plusieurs, les mesures du gouvernement manquent toutefois de cohérence et de nuances. C’est le cas pour l’Association des spas du Québec, dont les installations ne pourront rouvrir. « L’été dernier, il n’y a eu aucune éclosion de COVID-19 dans nos établissements alors que nous avons accueilli des centaines de milliers de personnes. Pourquoi les piscines et les centres de ski même en zone rouge peuvent ouvrir, tout comme les gyms et salles de spectacles en zone orange, alors que les spas demeurent fermés ? Qu’est-ce que ça prend de plus pour la réouverture ? Peut-on nous fournir des réponses ? », demande sa présidente, Véronique Lemieux. Même son de cloche pour la fondatrice des studios de yoga IDOLEM à Montréal, Melody Benhamou. « Depuis le début, tout est incohérent. Nos membres ne tombent pas malades, et pourtant, on est fermés depuis octobre. Le pire, dans tout ça, c’est qu’on n’a pas de scénario clair de réouverture. On n’arrive pas à planifier nos dépenses, nos projets, rien », déplore l’entrepreneure. « C’est quoi, le barème pour dire qu’on ouvre une piscine, mais qu’on laisse un gym fermé ? Si au moins on avait des réponses claires, on pourrait accepter ce qui se passe », déplore pour sa part le propriétaire du Méga Fitness Gym à Québec, Dan Marino.

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Les piscines pourront rouvrir leurs portes partout au Québec.

La zone orange bien accueillie en Outaouais

La Direction régionale de santé publique de l’Outaouais s’est quant à elle réjouie de son passage en zone orange, alors que « l’amélioration de la situation épidémiologique » depuis quelques semaines, dont la baisse du nombre d’éclosions et d’hospitalisations, a permis cet allègement. Mardi, la région n’a recensé que neuf cas de COVID-19. « Nous accueillons très bien cette annonce », a dit une porte-parole, Patricia Rhéaume, en précisant que la Dre Brigitte Pinard, directrice régionale de santé publique de l’Outaouais, fera le point sur la situation mercredi. Malgré ce changement de palier, la région demande néanmoins à la population locale « de demeurer prudente ». « Il faut continuer à limiter le nombre de contacts sociaux non essentiels. Le respect des mesures sanitaires demeure notre meilleur outil pour prévenir d’autres éclosions », a notamment prévenu le CISSS de l’Outaouais.

« On est au bout du rouleau »

Les restaurants en zone rouge ne pourront rouvrir leurs salles à manger. « C’est malheureux pour nos membres dans la Capitale-Nationale, notamment, qui espéraient beaucoup des changements », dit le vice-président aux affaires corporatives de l’Association Restauration Québec (ARQ), François Meunier. « Il va falloir envoyer un message concret à notre industrie, parce qu’on va perdre beaucoup d’expertise. D’ici quelques semaines, nos travailleurs vont arriver à la fin de leur assurance-emploi. On est tous au bout du rouleau. On ne peut plus laisser les salles à manger fermées indéfiniment, sans donner d’horizon », explique-t-il. Chez Restaurants Canada, le vice-président Québec, Olivier Bourbeau, abonde dans le même sens. « C’est sûr qu’on est déçus, mais on aime mieux attendre ne serait-ce que deux semaines de plus pour ensuite rouvrir pour de bon. Nos membres l’ont démontré : nos établissements sont sécuritaires et on est l’alternative pour ne pas avoir de rassemblements à la maison », avance-t-il.

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Les restaurants en zone rouge ne pourront rouvrir leurs salles à manger, mais la livraison et les repas à emporter restent permis.

Le risque d’un reconfinement

À l’Assemblée nationale, les partis de l’opposition ont réservé un accueil mitigé aux nouvelles mesures. Se réjouissant des allègements pour le sport extérieur, le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a toutefois demandé un suivi serré d’autres mesures. « Jouer au yo-yo avec les mesures de confinement, ce n’est bon pour personne. Il faut redoubler d’efforts pour mieux protéger les populations en zone orange, que ce soit par des contrôles routiers, du dépistage ou plus de vérifications pour les chalets et les restaurants », a insisté le député de Gouin. Chez les libéraux, la critique en matière de santé, Marie Montpetit, a réitéré la nécessité de rester « très prudent face aux variants ». « Le gouvernement doit mettre tout en œuvre pour limiter leur propagation. Il doit revoir et renforcer sa stratégie de dépistage via l’utilisation des tests rapides », a-t-elle dit. Au Parti québécois, le député Joël Arseneau, porte-parole en matière de santé, n’a pas mâché ses mots. « Le gouvernement navigue à vue et il n’a aucun plan de match pour la suite et refuse toujours de dévoiler les critères sur lesquels reposent ses décisions, présentes et à venir », a-t-il dénoncé.