Les prisonniers devraient obtenir un accès prioritaire au vaccin contre la COVID-19, selon des experts, puisque les prisons sont des milieux à haut risque de transmission du virus et que les maladies chroniques sont fréquentes dans cette population.

« Je ne crois pas qu’ils devraient être les premiers dans la file, mais je pense qu’ils ne devraient pas perdre la place qui est la leur seulement parce qu’ils sont en prison », a affirmé la directrice générale de la Société John Howard du Canada, Catherine Latimer.

Le Service correctionnel du Canada a indiqué qu’il y avait 276 cas actifs de COVID-19 dans les pénitenciers fédéraux en date du 22 décembre. La majorité d’entre eux étaient concentrés dans des établissements correctionnels de l’Ontario et de la Saskatchewan.

Plusieurs éclosions ont aussi été constatées dans des prisons de juridiction provinciale.

Pour Martha Paynter, une infirmière de Halifax qui travaille auprès des détenus, le mauvais état des systèmes de ventilation et les soins d’hygiène qui sont peu accessibles en prison sont des problèmes considérables pour la santé des détenus, même en temps normal.

Le roulement élevé des détenus dans les centres de détention provisoire et les nombreuses allées et venues du personnel sont aussi des facteurs qui favorisent la transmission du virus, selon elle. Les détenus « sont très souvent confinés, mais ils sont tout de même très à risque de transmettre la maladie », a expliqué Mme Paynter, qui est aussi candidate au doctorat à l’Université Dalhousie.

Par ailleurs, les détenus de 50 ans et plus représentent le quart de la population carcérale fédérale. Certaines personnes qui militent pour les droits des détenus ont aussi tenu à rappeler que le corps d’une personne vieillit plus rapidement derrière les barreaux, et que les détenus sont en moins bonne condition physique que le reste de la population générale.

« C’est évident que ces personnes devraient avoir accès très rapidement au vaccin », selon Mme Paynter, qui a cependant ajouté que certains détenus pourraient être méfiants au moment de recevoir le vaccin s’ils ont eu de mauvaises expériences avec les soins de santé fournis en prison dans le passé.

Selon l’infirmière, le nombre important de personnes emprisonnées représente un autre enjeu important.

« Pourquoi avons-nous toujours recours à la police ? Pourquoi choisissons-nous toujours d’apposer des étiquettes de criminels aux gens ? » se demande-t-elle.

Les Autochtones surreprésentés

De son côté, la professeure associée à l’Université de la Colombie-Britannique Anita Ho a souligné que les Autochtones sont surreprésentés dans le système correctionnel.

« En général, les personnes autochtones du Canada sont dans un moins bon état de santé, en raison de plusieurs facteurs sociaux », a-t-elle expliqué.

Le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) recommande que les adultes dans les communautés autochtones soient vaccinés dans la phase initiale de déploiement du vaccin. Il recommande que les résidents et le personnel de tous les autres milieux de vie collectifs, comme les prisons, soient vaccinés dans la deuxième phase.

Les premiers vaccins ont été administrés plus tôt en décembre parmi les personnes des groupes prioritaires, comme les résidents des maisons de soins de longue durée et les travailleurs de la santé.

La docteure Joss Reimer, médecin-hygiéniste à l’Office régional de la santé de Winnipeg, a indiqué que « les établissements carcéraux » seront ajoutés à la liste des endroits où le vaccin sera administré au début de 2021, mais elle n’a pas précisé si les doses seront destinées aux détenus, au personnel ou aux deux groupes.

Les autres provinces n’ont pas dévoilé leur plan.

En Ontario, le ministère du Solliciteur général a affirmé qu’il prendra ses décisions en fonction du nombre de doses disponibles, et que l’ordre de distribution du vaccin sera « fondé sur les recommandations des médecins et sur les données scientifiques les plus récentes ».

Le ministre de la Santé de la Saskatchewan, Paul Merriman, a de son côté précisé qu’il prendra ses décisions « en fonction des besoins à un moment précis […] et de la quantité de vaccins qui seront mis à la disposition de la province ».

En Alberta, la médecin hygiéniste en chef, Deena Hinshaw, a soutenu que la province prendra en considération « une dimension éthique très importante ».

Aux États-Unis, certaines personnes ont exprimé des réticences quant au fait que des détenus soient vaccinés en priorité.

« Il n’y a aucune chance que des prisonniers soient vaccinés avant des personnes qui n’ont commis aucun crime », a affirmé le gouverneur du Colorado, Jared Polis. Son plan de déploiement du vaccin a été fortement critiqué.

Selon le bioéthicien à l’Université de Toronto Kerry Bowman, s’il y avait un consensus autour des personnes qui devaient recevoir le vaccin en premier, planifier la suite de l’opération sera plus difficile.

« Cela peut créer un dangereux précédent dans une société si vous commencez à dire que certaines vies humaines valent plus que d’autres. »

— Avec des informations de Fakiha Baig à Edmonton et de Shawn Jeffords à Toronto