Québec sonne l’alarme : les 16 000 services de garde et centres de la petite enfance (CPE) de la province doivent cesser immédiatement l’utilisation des masques MC9501, car ceux-ci sont « non conformes ». Un courriel a été envoyé mardi soir à tous les gestionnaires, qui dénoncent une situation « aberrante » et inquiétante.

« L’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en Sécurité du travail (IRSST) a déterminé que les masques MC9501 sont non conformes, lesquels ont été fournis par le ministère de la Santé et des Services sociaux et distribués dans le réseau des services de garde éducatifs à l’enfance (SGEE) entre les mois de mai et novembre derniers », écrit le ministère de la Famille dans un avis interne dont La Presse a obtenu copie.

D’après les chiffres du gouvernement. un million de masques par semaine ont été requis pour le réseau pendant cette période: 31,1 millions de masques « non conformes » ont donc été distribués au total.

Une analyse de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), a en effet conclu « qu’un des trois critères d’analyse » ne « rencontrait pas entièrement les exigences ». Le facteur en cause est celui de la filtration aérienne; le masque MC9501 a en effet « démontré une variation de qualité de filtration pour certaines tailles de particules », indique le ministère. Les deux autres exigences, soit la pulvérisation et la respirabilité, étaient respectés.

Il vous est demandé de cesser immédiatement l’utilisation des masques MC9501. De l’information suivra sur la façon dont vous devrez en disposer.

Extrait du courriel interne du ministère de la Famille

Néanmoins, le ministère précise que les masques livrés entre le 14 et le 16 décembre dernier « doivent être utilisés ». « Ces nouveaux masques sont sécuritaires et ils rencontrent toutes les exigences de l’IRSST », avance-t-on. Entre-temps, les autorités assurent qu’elles veilleront à ce que tous les services de garde « aient à leur disposition suffisamment de masques de procédure pour les prochains mois », et ce dès la prochaine livraison, qui est prévue à la mi-janvier 2021.

De vives réactions

Pour Claudia Lupien, éducatrice au CPE La Prairie, sur la Rive-Sud de Montréal, il s’agit d’une « vraie farce ». « Ces masques venaient du gouvernement. On était supposés pouvoir s’y fier. J’ai eu un rire jaune en voyant ça. J’ai cru à une farce, à une mauvaise blague », raconte la professionnelle sans détour.

« Il n’y a plus rien qui nous étonne honnêtement. C’est complètement aberrant », ajoute-t-elle, en précisant néanmoins que les cas d’infection demeurent stables dans le réseau. « On se protège bien, on met beaucoup de mesures de protection en place, donc heureusement, on se sent en sécurité », insiste Mme Lupien. À la Fédération de la Santé et des Services Sociaux (FSSS-CSN), la vice-présidente Lucie Longchamps abonde dans le même sens.

C’est très préoccupant, surtout avec la hausse des cas. On a des travailleuses qui sont inquiètes de rentrer au boulot présentement, puisqu’elles ne savent pas si ce qu’elles se mettent dans le visage est conforme et les protège adéquatement.

Lucie Longchamps, vice-président de la FSSS-CSN

« On va surveiller de près ce qui se passe, incluant l’arrivage des nouveaux masques et le suivi des normes. Tous les syndicats pourront faire les vérifications et interpeller l’employeur ou encore la CNESST », ajoute Mme Longchamps, pour qui la courte pause du temps des Fêtes devrait permettre au réseau de s’ajuster, de manière progressive.

Le père de famille Olivier Drouin, qui a fondé le groupe de signalement citoyen COVID Écoles Québec, est du même avis. « C’est inquiétant que le gouvernement, qui a un mandat de protéger le public et des employés, fournisse des couvre-visages qui ne rencontrent pas les normes », martèle-t-il.

Il réitère qu’il est urgent les autorités reconnaissent « le rôle prédominant de la transmission par aérosols et qu’ils commencent à mettre à jour leurs normes, ce qui occasionnerait beaucoup de changements dans les protocoles » en milieu de travail, dans les écoles et les services de garde.

« On ne fera aucun compromis », promet le ministre

Joint par La Presse, le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, assure qu’il entend les préoccupations des éducatrices. « Je veux leur dire qu’on ne fera pas de compromis avec leur santé et leur sécurité. Depuis le début, on se fait même critiquer par les travailleurs du réseau parce que nos mesures sont trop rigides. Ça a toujours été une priorité », lance-t-il.

C’est sûr que ça peut semer le doute dans l’esprit des travailleuses et je trouve ça dommage. Par contre, le message à retenir, c’est qu’on a agi très rapidement.

Mathieu Lacombe, ministre de la Famille

L’élu caquiste souligne que le bilan de la COVID-19 est « excellent » dans les services de garde, même si le nombre de cas augmente. On y compte 951 cas depuis le début de la crise, dont 504 enfants et 447 membres du personnel. « On va garder notre plan tel quel, parce qu’il fonctionne. Il n’y a pas de propagation incontrôlable dans les services, donc je ne pense pas que ces masques non conformes aient causé de graves conséquences », soutient-il.

M. Lacombe se réjouit aussi que le hasard fasse bien les choses, car d’autres types de masques devaient de toute façon être utilisés au retour des Fêtes. « Au début de la pandémie, on était dans une course aux masques, donc le gouvernement a fait des achats en gros. Dans mon ministère, on en avait jusqu’en décembre, donc il fallait se réapprovisionner de toute façon », insiste-t-il. « Il y a déjà des services de garde qui ont reçu les nouveaux masques. Pour les autres, on est en train de voir comment ils pourront s’en procurer rapidement », conclut le ministre.