Devant la hausse marquée du nombre d’infections, les MRC des Laurentides et des Pays-d’en-Haut passeront lundi au palier rouge, ce qui forcera Saint-Sauveur et Mont-Tremblant à fermer leurs restaurants, souvent prisés des gens de l’extérieur. Si la Santé publique pousse un soupir de soulagement, des élus accueillent moins bien la nouvelle.

« On a eu 104 cas aujourd’hui. C’est beaucoup. Nous n’avions jamais vu ça depuis le début de la crise », a expliqué vendredi le directeur de santé publique des Laurentides, Éric Goyer. Il affirme que le passage au palier d’alerte maximale était « nécessaire pour mieux contrôler l’augmentation des cas et les éclosions actives ».

Entre le 29 novembre et le 5 décembre, le nombre de cas a doublé dans les deux MRC visées par les nouvelles mesures, dont, par ailleurs, 30 % des résidants sont des personnes âgées de 65 ans et plus. « Comme la population est plus à risque, ça ne nous prenait pas des chiffres astronomiques pour trouver la situation inquiétante », illustre M. Goyer. Ce dernier affirme que la situation dans les hôpitaux de Sainte-Agathe, de Saint-Jérôme et de Saint-Eustache est maîtrisée, mais délicate, avec 20 hospitalisations jusqu’ici.

On n’observe pas de débordement. Cependant, on sait qu’on a un équilibre très fragile. Il faut maîtriser la hausse, puisqu’on a une capacité limitée dans la région.

Le DÉric Goyer, directeur de santé publique des Laurentides

Plus tôt, vendredi, le premier ministre François Legault avait de son côté été plus sévère, affirmant que « les hôpitaux du coin, entre autres [à] Saint-Jérôme, Sainte-Agathe, se retrouvent surchargés ». « On le sait : dans les Laurentides, il y a beaucoup de tourisme, à Sainte-Adèle, à Saint-Sauveur, à Tremblant », a-t-il ajouté.

Ces dernières semaines, des restaurants de la région toujours ouverts étaient en effet très fréquentés, souvent par des gens venus de zones rouges. « Les Laurentides, c’est qu’il y a beaucoup de mouvement entre la grande région de Montréal, en raison de la proximité », a d’ailleurs reconnu le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé.

La Santé publique des Laurentides affirme qu’elle partage cette préoccupation. « Le message à retenir, c’est que si vous venez dans les Laurentides, parce que ce n’est pas interdit même si c’est non recommandé, vous devez respecter les mesures à la lettre », avance Éric Goyer. « On n’est pas dans une situation précaire, mais on veut que ça reste comme ça. Les Laurentides ne sont pas à l’abri de la COVID-19 », illustre-t-il.

Un maire déçu

Depuis plus de deux mois maintenant, le maire de Saint-Sauveur, Jacques Gariépy, réclame que la Sûreté du Québec dresse de vrais barrages routiers pour contrôler les allées et venues dans la région. « On ne veut vraiment pas avoir à faire fermer tout le monde », disait-il à La Presse en octobre dernier. Joint à ce sujet vendredi, l’élu s’est dit vivement déçu par le passage annoncé de sa municipalité en zone rouge.

C’est très décevant pour nos commerçants, pour notre population aussi qui a fait de nombreux efforts depuis plusieurs mois. Il va y avoir des pertes énormes. On ne voulait pas se rendre là.

Jacques Gariépy, maire de Saint-Sauveur

Il déplore que son administration n’ait « jamais été consultée ». « J’entends le gouvernement dire depuis des années qu’il considère les villes comme des gouvernements de proximité, qui connaissent leurs réalités. On voit que c’est juste une théorie de livre qui n’est jamais mise en pratique », dénonce-t-il.

À l’approche du week-end, le maire s’attend à un « fort achalandage » pour les deux derniers jours avant le passage au palier rouge. « On a prévu des agents de sécurité. On va contrôler ce qu’on peut contrôler, surtout sur la rue Principale », confie-t-il, ajoutant que la Sûreté du Québec aura aussi « plus d’agents » sur place.

Un bilan qui s’alourdit

Le bilan de la COVID-19 a continué de s’alourdir vendredi au Québec, avec 53 nouveaux décès et 1713 cas supplémentaires, ce qui s’inscrit dans une tendance claire à la hausse. Calculée sur sept jours, la moyenne est actuellement de 1735 nouveaux cas par jour, soit une hausse de 25 % en une semaine. La moyenne des décès sur sept jours, elle, atteint 36 ; elle était de 28 la semaine précédente.

On comptait vendredi 871 personnes hospitalisées, soit 23 de plus que la veille. Le nombre de personnes aux soins intensifs a aussi augmenté de 10, pour s’établir à 123.

Dans la seule région de la Mauricie–Centre-du-Québec, on a recensé 19 décès. La situation s’explique par le fait que 17 décès ont dû être ajoutés d’un coup au bilan, alors qu’ils étaient survenus entre le 30 novembre et le 8 décembre, précise toutefois l’agent d’information du CIUSSS de la région, Guillaume Cliche. Depuis deux semaines, la Mauricie et le Centre-du-Québec enregistrent de 80 à 100 cas. Les décès y sont particulièrement nombreux, ajoute M. Cliche, parce que des éclosions sont déclarées dans des résidences pour personnes âgées. Quatre d’entre elles sont touchées en Mauricie, dix dans le Centre-du-Québec.

Montréal a enregistré 12 décès. On dénombre par ailleurs six décès dans la Capitale-Nationale, cinq en Montérégie, quatre dans Lanaudière, trois au Saguenay–Lac-Saint-Jean, deux en Estrie et un en Outaouais.

Face à la récente hausse de cas, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) a évalué que le nombre de personnes à risque d’être hospitalisées avait augmenté de 18 %, dans un rapport paru vendredi. « Les projections démontrent que le nombre de lits désignés pour les patients de la COVID-19 devrait être suffisant pour le mois à venir, mais un dépassement des capacités ne peut être exclu dans certains hôpitaux », conclut l’organisme gouvernemental.

Pour le Grand Montréal, « le nombre de nouvelles hospitalisations projetées demeure élevé », mais cela ne devrait pas entraîner de débordement. Hors de la métropole, on constate que 60 % des lits désignés pour les patients atteints de la COVID-19 sont déjà occupés. « Des dépassements des limites planifiées ne peuvent être exclus », conclut-on. Seul signe encourageant : la récente hausse marquée des cas est surtout concentrée chez les moins de 18 ans, qui sont moins à risque de complications. Ce groupe a vu ses cas augmenter de 32 %. En comparaison, la hausse est de 11 % chez les 80 ans et plus.

— Avec Pierre-André Normandin et Louise Leduc, La Presse

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