(Ottawa) Des réfugiés arrivés récemment au Canada et les personnes ou les groupes qui acceptent de les parrainer estiment que le gouvernement fédéral doit se pencher sur les défis supplémentaires que leur pose la pandémie de COVID-19.

Le télétravail et les cours en ligne ont privé plusieurs nouveaux arrivants d’une routine quotidienne qui leur aurait normalement permis de s’intégrer davantage à leur communauté et d’obtenir le support nécessaire durant leurs premières années au pays.

Le nombre de réfugiés qui se sont installés au Canada a dégringolé cette année en raison des restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19. Le Canada planifiait l’accueil de 20 000 réfugiés parrainés en 2020, mais à la fin septembre seulement 3500 d’entre eux avaient foulé le sol canadien.

À cela s’ajoutent des milliers de réfugiés dont la période de parrainage d’un an au Canada est arrivée à échéance en pleine pandémie.

Âgé de 31 ans, Ali Mansour est l’un de ces derniers arrivants. Le Syrien est arrivé le 16 mars, sur l’un des derniers vols à pouvoir atterrir au pays.

Cette semaine-là, de nombreuses provinces canadiennes se sont placées en confinement. Les banques ont réduit leurs horaires, les cours communautaires ont été annulés ou mis en ligne. Toutes les ressources fournies par sa « marraine » d’accueil, Aleya Hassan, sont disparues.

Selon Mme Hassan, qui s’est impliquée dans le programme de parrainage des réfugiés depuis 2014, l’objectif est de faire en sorte que la personne nouvellement arrivée soit autonome dès que possible, mais la pandémie a compliqué les choses.

Le désir de voir Ali Mansour devenir autonome a été remplacé par la peur de le voir tomber malade. Et Mme Hassan a dû à le conduire partout.

C’est tellement étrange quand on n’a pas de plan et que personne ne sait ce que peut être ce plan.

Aleya Hassan, « marraine » d’accueil

Heureusement pour lui, M. Mansour a pu se trouver un emploi dès le premier mois de son arrivée. Toutefois, il ne sait pas quand il pourra retourner à l’école pour continuer sa formation d’ingénieur. Les réseaux sociaux étroits qu’il a laissés en Syrie sont impossibles à recréer, son anglais ne s’améliore pas aussi vite qu’il en a besoin et sa vie n’est plus qu’un trajet aller-retour vers son travail, tous les jours.

Un isolement

L’ancien réfugié Yazan Alhajali craint d’ailleurs pour la santé mentale de ces nouveaux réfugiés en raison de l’isolement et de la situation financière difficile auxquels ils ont été confrontés. Il s’inquiète aussi des effets que le contexte actuel pourrait avoir sur ces réfugiés dans leur intégration à long terme.

« Ils sont enfermés à la maison. Ils ne peuvent voir personne. Ils ne peuvent pas apprendre correctement l’anglais », mentionne-t-il.

Les réfugiés, déjà aux prises avec des traumatismes, ne peuvent pas accéder aux services de santé mentale ou même aux services de base, ajoute-t-il.

Dans l’ensemble, les aides ont été réduites de manière si importante que cela soulève des questions au sujet de la période d’adaptation de ces réfugiés, observe M. Alhajali. Lui-même dit qu’il lui a fallu trois ans pour se sentir vraiment chez lui au Canada, et ce, malgré tous les avantages dont il a pu bénéficier.

L’une des raisons pour lesquelles le programme de parrainage privé du Canada est célébré à l’échelle mondiale est le soutien que les commanditaires offrent tout au long de l’année. Des études ont montré que cela permettait à ces nouveaux arrivants de mieux s’intégrer que ceux qui ne peuvent compter que sur le gouvernement.

Mais, en ces temps de pandémie, le soutien privé s’est estompé. Et pour ces réfugiés de l’an 2020, ce point d’ancrage ressemble davantage à un saut dans un abîme.

Laura Beth Bugg dit que la famille qu’elle a parrainée a postulé en vain pour 80 emplois. Elle continue de lui donner de l’aide financière, car les soutiens sociaux existants ne suffisent tout simplement pas.

Mme Bugg et M. Alhajali font partie des dizaines de personnes qui tentent de convaincre le gouvernement fédéral de fournir un soutien financier supplémentaire de six mois aux réfugiés.

Jusqu’à présent, le gouvernement a montré peu d’intérêt, déplorent-ils.

Le Canada avait prévu d’accueillir 20 000 réfugiés parrainés par le secteur privé cette année, mais à la fin de septembre, seuls 3500 étaient arrivés. Le temps qu’il faudra pour le reste reste incertain.

Un porte-parole du ministre de l’Immigration, Marco Mendicino, a déclaré que l’ensemble du système d’immigration a été et continue d’être mis au défi par la pandémie, soulignant entre autres la nécessité de trouver et de fournir des espaces de quarantaine pour les arrivants.

« Alors que de nombreux pays ont fermé leurs portes aux réfugiés, nous continuons d’accueillir les plus vulnérables du monde, malgré ces contraintes », a déclaré Alexander Cohen dans un courriel.

Selon Kaylee Perez, associée à la migration et à la réinstallation du Comité central mennonite en Ontario, le gouvernement et les parrains restent déterminés à réinstaller les réfugiés. La question est de savoir comment y arriver.

« Il y a toujours des gens qui ont l’argent, mais pas le temps, et il y a des gens qui ont le temps, mais pas l’argent, dit-elle. Comment pouvons-nous les rassembler ? Cela fait partie de ce que nous allons essayer de faire en 2021. »