Un Noël « plus calme » et « plus contrôlé » s’annonce. Devant la hausse marquée du nombre de cas de COVID-19, Québec a changé son fusil d’épaule jeudi en interdisant les rassemblements en zones rouges pendant les Fêtes. Si certains citoyens accueillent bien la nouvelle, saluant la prudence des autorités, d’autres craignent que ces règles ne soient que peu ou pas respectées.

« Ça s’annonce difficile psychologiquement, surtout quand on a des petits-enfants comme moi », soupire Michel Gauthier, un ingénieur de formation rencontré rue Sainte-Catherine, à Montréal. « On va multiplier les Zoom, se voir à deux quand c’est possible, bref se dire bonjour comme on peut, prendre des nouvelles », ajoute-t-il.

D’après lui, le sacrifice en vaut toutefois entièrement la peine, surtout pour soutenir ceux et celles qui sont au front. « Ma conjointe est une professionnelle de la santé. Je le fais pour elle aussi. Si nos hôpitaux deviennent débordés, ils vont être obligés de faire des choix horribles, et personne ne voudrait vivre ça. Je pense qu’on leur doit ça », raisonne M. Gauthier.

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Michel Gauthier

Ce n’est pas la première crise que les humains traversent. Mais aujourd’hui, on a la science de notre bord. On peut se considérer comme très privilégiés.

Michel Gauthier

Installée au Québec pour le travail, la Française de naissance Mathilde Acosta avoue qu’elle trouve la situation « un peu dure » sur le moral. « C’est une grosse déception pour tout le monde, surtout qu’ils ont commencé par dire que potentiellement, les gens pourraient célébrer à certaines conditions. Là, c’est un peu la désillusion », dit la jeune femme. Pour les vacances, elle retournera en France. « Juste d’être en famille, ce sera déjà beau, mais c’est sûr que je m’inquiète pour mes amis qui restent ici », ajoute-t-elle.

Pour Maeva Lebegue, elle aussi ressortissante française, la vie d’expatrié est en effet très difficile depuis le début de la crise. « Notre réalité fait en sorte qu’on n’a souvent pas de famille ici. Quand on n’a pas de colocs ou de proches, on se retrouve seul, et c’est compliqué. Bien souvent, ici, notre famille, ce sont nos amis », avance-t-elle, en disant espérer que la situation s’améliore rapidement.

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Maeva Lebegue

Autant que possible, se restreindre

À Noël, Luc Carmel a l’habitude comme bien des Québécois de recevoir ses enfants et leurs conjointes, ainsi que sa petite-fille. Mais cette année, « tout ça sera annulé ». « C’est une situation exceptionnelle et extraordinaire. Ça s’annonce difficile, mais il faut que tout le monde fasse un effort malgré tout. Moi, je vais passer les Fêtes seul, tout simplement », lance-t-il.

Le père de famille avoue toutefois que la crise affecte de plus en plus son bien-être. Il espère pouvoir respirer bientôt. « Dans les deux dernières semaines, ça a été assez lourd. Il fallait que je me force pour sortir marcher, faire des activités. On est tous très touchés par ce qui se passe », raconte-t-il.

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Luc Carmel

Quand je vois les hospitalisations qui montent, la perte de contrôle au Canada, je me dis qu’il faut se restreindre le plus possible maintenant, en attendant le vaccin.

Luc Carmel

M. Carmel affirme que l’annonce du gouvernement Legault ne l’a pas surpris dans le contexte actuel. « Je suis dans la fine minorité qui n’aime pas trop Noël, donc ça me va quasiment au fond », lance-t-il sur le ton de l’humour.

Pour plusieurs, les mesures difficiles témoignent aussi qu’on récolte ce que l’on sème depuis quelques mois. « Si tout le monde était complètement responsable, on n’en serait sûrement pas là. Le problème, c’est qu’il y a beaucoup de gens qui ont défié les consignes, sans porter le masque, sans pratiquer de distanciation », déplore Nicole, qui compte célébrer les Fêtes « en toute simplicité ».

« Le soir de Noël, ça sera mon amoureux et moi, et peut-être ma fille, mais sans plus. Et pour le Nouvel An, on s’est loué une chambre d’hôtel en ville. On se fera un bon souper, avec du bon vin. Ce sera différent, très calme, mais tout autant agréable », remarque la mère de famille, avec le sourire.

Beaucoup de réfractaires ?

Comme beaucoup d’autres, Evangelos Argiriou appréhende un non-respect « assez important » des consignes. « J’ai le sentiment que les gens vont passer outre et continuer de se rassembler, malheureusement », dit celui qui est propriétaire de la boutique Elysee Fourrures, qui roule sa bosse depuis 1988 à Montréal.

À ses yeux, les prochains mois risquent d’être particulièrement éprouvants. « Si on ne prend pas ça collectivement au sérieux, on pourrait se buter à d’autres restrictions qui auront un coût encore plus important pour nous tous », avertit le commerçant. « Décembre sera un mois difficile, mais on doit se fier à ce que nous disent les experts, sinon, quoi, ce sera le chaos », ajoute-t-il.

« Je n’inviterai personne chez moi cette année. C’est 100 % plus sécuritaire comme ça. J’espère que la plupart des gens feront de même », conclut M. Argiriou.

Questionné au sujet de l’adhésion aux mesures jeudi, le premier ministre François Legault a émis le même son de cloche. « Est-ce qu’il y a des gens qui ne vont pas respecter les restrictions ? On espère qu’il y en aura le moins possible. Le message, c’est que c’est dangereux. Regardez le nombre de morts qu’il y a dans les derniers jours, partout dans le monde. C’est sérieux », a-t-il martelé.

« Pour aider à comprendre les décisions difficiles qu'on prend aujourd'hui, je vous donne juste l'exemple des hospitalisations. À chaque jour, on dit : c’est cinq ou 10 hospitalisations de plus Mais la réalité, c'est qu'il y a 80 personnes qui sont rentrées dans l'hôpital puis il y en a 70 qui sont sorties. Ça veut dire qu'à chaque jour, il rentre 60, 70, 80 personnes dans nos hôpitaux pour soigner la COVID », a aussi martelé le ministre de la Santé, Christian Dubé, en mêlée de presse.