Si les bulles sont respectées dans les classes, c’est une autre histoire dans certains bus scolaires. Plusieurs chauffeurs du Grand Montréal sont fatigués de faire régner la discipline auprès des écoliers réfractaires aux consignes sanitaires.

« Change de place pendant le trajet », griffonne Marie-Pier Rouleau sur sa pile d’avis disciplinaires, en cochant la case « sécurité compromise ». La veille, c’était « enlève son masque » qu’elle écrivait en lettres cursives pour le même élève. Elle en rédige parfois neuf par jour en matinée seulement.

Il est 8 h et les cris stridents des enfants de l’école François-de-Laval, dans l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, résonnent. Débordants d’énergie malgré l’apparente lourdeur de leurs sacs à dos bourrés de livres qui courbent leurs silhouettes, ils sortent des bus en furie.

Faire respecter les consignes donne bien des migraines aux conducteurs des véhicules jaunes. Ils doivent garder les yeux sur la route et s’assurer que les enfants portent le couvre-visage et restent assis bien sagement sur la banquette qui leur a été assignée.

« Le bus, c’est un lieu où on peut attraper la COVID-19 aussi. Mais on est complètement oubliés. On oublie les détails. [Les enfants] ne vont peut-être pas être malades, mais ils peuvent la transmettre », plaide Mme Rouleau. Et ils sont parfois tannants, ajoute-t-elle avec un sourire en coin.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Marie-Pier Rouleau, chauffeuse d’autobus scolaire

On est payés 24 000 $ par an. On n’a pas de primes COVID, nous autres, mais plus de responsabilités qu’avant.

Marie-Pier Rouleau, chauffeuse d’autobus scolaire

Mme Rouleau a dû entrer dans l’école à trois reprises depuis la rentrée pour expliquer la situation au personnel.

Un chauffeur de bus qui a requis l’anonymat en raison d’une entente de confidentialité signée avec son employeur est actuellement en arrêt de travail. « C’est chaotique le matin. Les plus jeunes ne se souviennent jamais de leur place assignée. Ils se déplacent tout le temps. Ça rend le traçage très compliqué. Le concept de bulle, ça marche peut-être, mais pas dans mon bus », décrit l’homme de 43 ans.

Des jeunes récalcitrants

C’est sans compter les récalcitrants. Depuis la rentrée, un jeune de 14 ans dans le bus refuse de mettre son masque. Le conducteur a beau interpeller la mère du garçon, la travailleuse sociale et la direction de l’école, rien ne change. « Je suis stressé. On me demande de surveiller et de faire la discipline en plus de conduire », se désole l’homme de 43 ans.

Les chauffeurs de bus scolaires sont autorisés à donner des avis disciplinaires. Si plusieurs s’accumulent, l’élève est privé de transport pendant une période variant de quelques jours à une semaine. « C’est bien beau d’ouvrir les écoles, mais la transmission se fait dans le bus aussi. Il faut nous donner les moyens de faire respecter les consignes », laisse tomber le résidant de Mascouche.

Un petit 15 minutes de route se transforme en parcours risqué où on passe son temps à s’arrêter pour les avertir. Si je leur dis de remonter leur masque, ils me traitent de mouton. Ils me disent : “Eille, l’gros, ma mère dit que la COVID, c’est un mensonge.”

Un chauffeur d’autobus scolaire qui a requis l’anonymat

Des situations comme celles des deux chauffeurs, on en rapporte beaucoup, admet Carole Laplante, présidente de Transco Montréal et vice-présidente du Secteur transport scolaire de la FEESP-CSN. Stopper son véhicule pour avertir un élève qui retire son masque, c’est la routine. « C’est vraiment dans le quotidien de beaucoup d’employés. Ça crée de l’épuisement. »

La collaboration avec les écoles « pourrait être meilleure », ajoute-t-elle.

Plaintes au sujet des chauffeurs

Le centre de services scolaire de Montréal affirme ne pas avoir reçu de plaintes de chauffeurs. « Par contre, nous avons reçu des plaintes de la part de nos écoles au sujet de conducteurs qui ne respectaient pas les directives de la [Santé publique], entre autres en ce qui concerne le port du masque », rétorque Alain Perron, responsable des relations de presse.

Il n’y a pas eu jusqu’ici d’intervention pour des problématiques graves de santé publique. « COVID ou pas, la gestion disciplinaire de l’autobus relève du conducteur », ajoute M. Perron.

Le document « numérotation des places » fourni par les centres de services scolaires détermine où les écoliers doivent s’asseoir.

Si un élève contracte la COVID-19, la décision d’isoler des élèves passagers du même autobus se fait conformément aux recommandations de la Santé publique en fonction de la situation spécifique. « On ne peut faire une règle générale puisque plusieurs facteurs influencent la décision, c’est du cas par cas. Nous laissons les experts de la Santé publique prendre les décisions et nous collaborons avec ces autorités. »