Après avoir refusé de donner son feu vert pendant des semaines, le gouvernement Legault autorise finalement le déploiement au Québec de l’application de notification du fédéral, Alerte COVID.

« [C’est une] simple application qui existe, qui est disponible, qui est payée par le gouvernement fédéral. Donc c’est pour ça qu’on a décidé d’aller de ce côté-là », a expliqué mardi le premier ministre François Legault, qui se montre inquiet de la hausse des hospitalisations en ce début de deuxième vague de la pandémie.

Au cours des dernières semaines, le gouvernement Legault a étudié l’idée qu’une firme québécoise développe une telle application plutôt que de retenir la solution fédérale, développée bénévolement par des employés de l’entreprise ontarienne Shopify. « Mais lorsqu’on a pris tous les facteurs en considération, notamment le temps de développement qu’une firme québécoise aurait dû prendre pour être prête, je pense qu’on a pris la bonne décision d’aller avec l’application qui est déjà prête avec le fédéral », a affirmé le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé.

Il a précisé qu’une annonce sera faite dans les prochains jours, après discussion avec l’opposition. Il espère « un certain accord » avec les autres partis. Mais cet accord ne sera manifestement pas indispensable, puisqu’il a garanti que « oui, on va l’avoir, l’application ».

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le gouvernement autorise finalement le déploiement au Québec de l’application de notification du fédéral, Alerte COVID.

Québec solidaire et le Parti québécois maintiennent leur opposition. « L’efficacité n’est pas démontrée, à la différence des risques importants qu’elle comporte, a réagi le député péquiste Martin Ouellet. Le gouvernement va à l’encontre de l’avis des parlementaires, dont une majorité de son propre parti. »

En août, une commission parlementaire réunissant des députés de tous les partis, y compris du gouvernement, a produit un rapport remettant en doute l’efficacité et la fiabilité de ce type d’application.

Le premier ministre avait décidé le 25 août de ne pas aller de l’avant avec l’application fédérale « pour l’instant ». « Pour de bonnes et de mauvaises raisons, il y a une bonne partie de la population qui craint cette application » et « il y a quatre partis à l’Assemblée nationale qui sont contre ce qu’on appelle [du traçage] ou de la notification », avait-il expliqué. Il disait toutefois avoir l’intention de tester la robustesse de l’application pour être éventuellement prêt à l’utiliser en cas de deuxième vague.

De son côté, le Parti libéral soutient que le recours à l’application fédérale risque d’être « contre-productif » et d’entraîner une « congestion » dans les cliniques de dépistage, comme l’ont fait valoir des experts en commission parlementaire.

S’ils veulent l’essayer, qu’ils l’essaient. Mais ça nous prend des conditions gagnantes. Ça ne sert à rien d’avoir une application qui nous dit d’aller se faire tester et que la machine n’est pas prête.

La députée libérale Marwah Rizqy

Ottawa s’est réjoui du feu vert donné par Québec. Dans une lettre ouverte publiée le 19 septembre, la ministre fédérale de la Santé, Patty Hajdu, et le leader parlementaire du gouvernement, Pablo Rodriguez, avaient fait pression sur Québec. « Alerte COVID n’est pas une solution miracle, mais avec le port du masque, la distanciation physique et le lavage des mains, il s’agit d’un outil de plus qui s’ajoute au dépistage traditionnel pour lutter contre le virus », écrivaient-ils. Ils précisaient que « l’application n’utilise aucune technologie de géolocalisation et ne garde aucun renseignement personnel ».

Une notification est envoyée à l’utilisateur si une personne avec qui il a été en contact pendant au moins 15 minutes lors des 14 derniers jours obtient un résultat positif. On ne révèle pas l’identité de la personne infectée. L’application utilise la technologie Bluetooth pour échanger des codes aléatoires entre les abonnés.

Québec prépare un « plan de communication » pour inciter la population à adopter l’application. Il est non seulement important de la télécharger, il faut aussi accepter, si l’on a la COVID-19, d’inscrire un code fourni par la Santé publique pour que les autres utilisateurs avec qui l’on a été en contact reçoivent une notification, a expliqué Christian Dubé.

Selon Ottawa, près de 3 millions de Canadiens ont téléchargé l’application. En plus de l’Ontario, le Nouveau-Brunswick, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador l’ont adoptée.

Appel aux jeunes

En conférence de presse, François Legault a lancé un appel aux jeunes pour « casser » la deuxième vague. « Une bonne partie de la solution est entre vos mains, et il y a des vies qui sont en danger », a-t-il dit, rappelant que la moitié des nouveaux cas de COVID-19 sont observés chez les 30 ans et moins.

Les autorités de santé publique ont rapporté mardi 799 nouvelles infections à la COVID-19, auxquelles s’ajoutent 7 morts. On observe aussi un bond significatif de 35 hospitalisations. Le Québec frise maintenant le seuil des 250 hospitalisations. De ce nombre, 41 personnes se trouvent aux soins intensifs.

En une semaine seulement, le Québec a donc connu une hausse marquée de 69 nouvelles hospitalisations. Celles-ci ont été en constante augmentation depuis la mi-septembre, même si dans les deux derniers jours, des réductions mineures de leur nombre avaient été observées.

Au lendemain de l’annonce de leur passage en zone rouge dès mercredi à minuit, les régions de Montréal et de Québec ont de nouveau recensé un nombre élevé d’infections. La métropole rapporte 234 cas à elle seule. C’est tout près de 500 infections en deux jours, alors que lundi, 245 autres avaient été signalées. La Capitale-Nationale, elle, enregistre 169 nouveaux cas. C’est une hausse par rapport à la veille, où on avait relevé 125 infections. Fait à noter : la Montérégie connaît aussi un bond important et rapporte 121 nouvelles infections, alors qu’elle n’en avait signalé que 81 la veille.

Interventions policières

François Legault annoncera mercredi les mesures qui seront déployées pour que les policiers fassent respecter les consignes sanitaires. « Que ce soit les barrages routiers, que ce soit la surveillance dans les maisons, que ce soit les actions qu’ils vont poser en manifestation s’il y a des gens qui n’ont pas leur masque », a énuméré le premier ministre. Il n’est pas question de permettre aux policiers d’entrer sans mandat dans les résidences. Ils pourront toutefois donner sur-le-champ des amendes à ceux qui organisent des partys ou accueillent à la maison un nombre plus important de personnes que la limite permise.

Le premier ministre a réitéré qu’une aide financière sera annoncée dans les prochains jours pour donner de l’oxygène aux commerces forcés de fermer dans les zones rouges – bars, salles à manger de restaurants, cinémas et salles de spectacle, notamment.