Le passage d’une région en zone rouge ne sera pas notable dans les écoles du Québec, où rien ne change pour l’instant. « Je veux tout faire pour que ce soit le plus normal possible dans les écoles », a affirmé lundi le premier ministre François Legault. Sur le terrain, on ne demande que ça.

« Je ne comprends pas que les gens ne comprennent pas. » Au bout du fil, l’exaspération de la présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES) se fait sentir. Le réseau de l’éducation est « mis à rude épreuve » au fur et à mesure que les cas de COVID-19 se multiplient dans la population, et Hélène Bourdages se demande quand ça va « se calmer ».

La présidente de l’AMDES avertit que « le filet de sécurité qu’est l’école est mis en péril par l’augmentation des cas ». « Les profs qui n’ont jamais enseigné à distance sont obligés de l’apprendre. Il y a une portion d’enfants qui, s’ils ne sont pas à l’école, n’ont pas le suivi adéquat pour permettre la persévérance scolaire », énumère Hélène Bourdages.

Selon le plus récent bilan du gouvernement, il y avait dans la province 475 classes fermées. « La grande majorité des enfants, 99 %, peuvent suivre leurs cours et il faut que ça reste comme ça », a déclaré lundi le premier ministre Legault. Les nouvelles mesures mises en place par Québec dans les zones rouges ont un objectif avoué : protéger les écoles.

Un message clair

« On dit que l’éducation est une priorité, on vient d’avoir un message clair et c’est correct », estime le président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE), Nicolas Prévost. « Il faut avoir une pensée pour les gens qui travaillent dans les écoles », ajoute-t-il.

À l’instar du réseau de la santé, celui de l’éducation vit concrètement l’augmentation des cas de COVID-19. Quand un élève ou un membre du personnel reçoit un diagnostic positif, c’est « lourd », dit la présidente de l’AMDES. « En ce moment, les [directions] nous disent que lorsqu’il y a un cas qui tombe dans une école dans la journée, ils ne font que ça », dit Hélène Bourdages.

Ce qui prend du temps, ce n’est pas tant fermer une classe ou une école que l’enquête qui est faite de concert avec la Santé publique pour chaque cas de COVID-19 se déclarant, explique le président de la FQDE. Entre les « bulles » du transport scolaire, du service de garde, des sports étudiants, des cours à options, c’est un travail fastidieux.

« Ça demande beaucoup, beaucoup de temps. C’est du temps qui n’est pas mis ailleurs », dit Nicolas Prévost en citant par exemple les besoins des élèves vulnérables.

Une école secondaire fermée à Longueuil

Lundi, les 1735 élèves de l’école secondaire Gérard-Filion, à Longueuil, ont appris qu’ils devront faire l’école de la maison jusqu’à la mi-octobre en raison d’une flambée de cas de COVID-19. Avec une clinique de dépistage mobile qui s’installe dans l’école cette semaine, plus d’une quarantaine d’élèves qui n’ont pas accès à l’internet de la maison et de l’équipement informatique à distribuer à plusieurs autres, la directrice de cette école a admis lundi qu’elle avait du pain sur la planche.

« On va communiquer avec les familles. Nous allons faire nous-mêmes les démarches auprès d’un fournisseur internet pour qu’on puisse trouver une solution abordable », a déclaré Nadia Caron.

Le président de la FQDE juge que l’état de fatigue des directrices et directeurs d’école est « préoccupant ». « On vit un deuil de ce pour quoi on a été engagés. On est beaucoup dans l’administratif, dans l’opérationnel, et très peu dans le pédagogique », poursuit M. Prévost.

« Il y a des limites humaines à la situation actuelle, et on les sent partout. Je représente du monde à bout », conclut la présidente de l’AMDES, Hélène Bourdages.

– Avec Mayssa Ferah, La Presse

Un « risque calculé », dit Legault

Si elle se réjouit que les écoles restent ouvertes, la présidente de l’Alliance des professeures et des professeurs de Montréal dénonce une certaine « incohérence » dans les mesures annoncées lundi par Québec. Comment expliquer aux professeurs que l’on ferme les restaurants et les théâtres, mais que l’on entasse plus de 30 élèves dans une même classe, demande Catherine Beauvais-St-Pierre. « Tout ce qui est distanciation, les bulles, ça ne fonctionne pas », poursuit la présidente de l’Alliance. Le syndicat d’enseignants aurait souhaité qu’on oblige les élèves à porter le masque lorsqu’ils s’approchent des enseignants, par exemple. « Les élèves de 16-17 ans, s’ils vont à l’épicerie, ils vont avoir un masque », dit Mme Beauvais-St-Pierre. Le premier ministre François Legault a voulu se faire rassurant auprès des parents qui se poseraient les mêmes questions. « Oui, il y a un risque, mais c’est un risque qui est calculé. Il faut comprendre qu’il y a un risque encore plus important si on garde les enfants à la maison. Les enfants ont besoin de socialiser », a-t-il affirmé.