(Ottawa) Un expert américain de premier plan en matière de santé félicite le Canada de ne pas avoir succombé au « nationalisme vaccinal » en raison de ses efforts en faveur d’une distribution mondiale équitable d’un vaccin contre la COVID-19.

Thomas Bollyky, directeur du programme de santé mondiale au Council on Foreign Relations, un groupe de réflexion indépendant établi à Washington, soutient que cela distingue le Canada des États-Unis et des pays européens qui prennent des mesures pour préacheter des quantités massives de remèdes potentiels pour leurs propres populations.

M. Bollyky, qui enseigne également le droit à l’Université Georgetown, est d’avis que le « nationalisme vaccinal » saperait les efforts visant à neutraliser la COVID-19 dans les pays riches comme dans les pays pauvres.

« Le Canada a un bilan dont il peut être fier dans cette pandémie », a déclaré Thomas Bollyky dans une entrevue.

Son propre gouvernement doit cependant faire beaucoup mieux, a co-écrit M. Bollyky dans un essai qui sera publié le mois prochain dans la revue Foreign Affairs.

Sa prise de position intervient alors que le gouvernement Trudeau est confronté aux questions de certains experts de la santé au sujet de son approche sur un éventuel vaccin.

Plusieurs s’interrogent sur les raisons pour lesquelles Ottawa n’en fait pas davantage pour financer la recherche nationale sur un vaccin afin d’éviter que les Canadiens n’aient à faire la file d’attente, potentiellement pendant des mois, pour accéder à un éventuel vaccin de fabrication étrangère.

Un sénateur et certains professionnels de la santé se demandent pourquoi le gouvernement Trudeau n’a pas encore pris de décision sur la proposition de 35 millions visant à financer Providence Therapeutics. Cette proposition a pour objectif de commencer les essais sur des humains d’une nouvelle technologie de vaccin expérimental qui a été largement financée aux États-Unis.

Providence Therapeutics, une entreprise de Toronto, a déclaré qu’elle partagerait son expertise à l’échelle internationale et pourrait potentiellement fournir cinq millions de doses d’un vaccin aux Canadiens d’ici la mi-2021, mais elle ne peut pas aller de l’avant avec les essais ou la fabrication sans financement.

Thomas Bollyky a déclaré qu’il ne connaissait pas la proposition de Therapeutics Providence, mais il est d’avis que les pays doivent partager au moins une partie de toute production de vaccin viable créé sur leur sol pour le bien d’éradiquer la pandémie dans le monde.

« Si le Canada investit dans cette entreprise… le fait qu’une partie de cet approvisionnement soit utilisée pour répondre à ses propres besoins est très bien », a déclaré M. Bollyky lors d’une entrevue.

« La question est la suivante : le Canada utiliserait-il tous ses premiers approvisionnements pour vacciner les membres à faible risque de sa population et accumulerait-il un stock de vaccin à cet égard ? Ou participerait-il à une sorte de mécanisme d’allocation qui permettrait de répondre à d’autres besoins prioritaires dans d’autres pays avant de répondre à des besoins moins prioritaires sur son sol ? »

Le PDG de Providence Therapeutics, Brad Sorenson, a déclaré que son entreprise serait ouverte à partager son expertise en matière de vaccins à l’échelle internationale, mais il se dit frustré que le gouvernement n’ait pas répondu à sa proposition depuis mai.

« Si nous obtenions le soutien du gouvernement canadien, nous développerions le vaccin au Canada », a déclaré Brad Sorenson dans une interview.

« Nous chercherions à investir davantage et nous chercherions à approcher d’autres pays semblables à la taille du Canada et aux capacités du Canada et nous chercherions à établir des partenariats et à accroître la disponibilité de cette technologie, et transférer cette technologie vers d’autres pays. »

Dans un essai que Thomas Bollyky a co-écrit, un chercheur principal au Peterson Institute for International Economics, rejette l’argument du « masque à oxygène » avancé par l’administration de Donald Trump pour soutenir la vaccination des Américains en premier.

La pratique bien connue demande aux passagers des compagnies aériennes de mettre d’abord leurs propres masques à oxygène dans un avion dépressurisant, afin qu’ils puissent aider les autres, en particulier les enfants.

« La différence majeure, bien sûr, est que les masques à oxygène des avions ne tombent pas seulement en première classe-ce qui est l’équivalent de ce qui se passera lorsque les vaccins seront finalement disponibles si les gouvernements tardent à partager avec des personnes dans d’autres pays », ont écrit Thomas Bollyky et le chercheur Chad P. Bown.

John Power, porte-parole de Navdeep Bains, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, a déclaré que le gouvernement « travaillait sur tous les fronts possibles pour fournir aux Canadiens des traitements et des vaccins sûrs et efficaces contre la COVID-19 ».

« Cela comprend des investissements dans le renforcement des capacités de fabrication de vaccins canadiens, un soutien financier aux vaccins candidats canadiens dans le cadre de la contribution du Canada à l’effort mondial pour trouver un vaccin et les partenariats avec les candidats internationaux les plus prometteurs. »

Le Canada a également investi plus d’un milliard de dollars dans divers efforts de coopération internationale pour trouver un vaccin. L’un d’eux est l’initiative COVAX de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dans lequel les pays « partageront les risques en accédant à un large portefeuille de vaccins candidats », a déclaré John Power.

COVAX est le seul programme d’achat de vaccins groupé au monde, et son objectif est de fournir deux milliards de doses de vaccins sûrs, efficaces et approuvés par l’OMS d’ici la fin de 2021, a-t-il déclaré.

John Power a déclaré que les vaccins seraient livrés à tous les pays participants, proportionnellement à leur population, et les travailleurs de la santé en seront les bénéficiaires.

Après cela, l’accès aux vaccins serait élargi pour couvrir 20 % de la population des pays participants, a-t-il déclaré.

« D’autres doses seront ensuite rendues disponibles en fonction des besoins, de la vulnérabilité et de la menace de la COVID-19 dans un pays », a expliqué John Power.