Stéphanie Prévost n’avait encore jamais porté de masque avant samedi. « Je le porte parce que c’est obligatoire. Sinon, je ne l’aurais pas mis », dit-elle dans la file d’attente du Metro de Saint-Jovite, où tous les clients s’adaptaient sans rechigner aux nouvelles règles du jeu.

À Mont-Tremblant, que ce soit à Saint-Jovite, dans le vieux village ou à la station touristique au pied de la montagne, les gens semblent accepter ce monde où le masque est devenu la nouvelle norme du vivre-ensemble.

« La pandémie, c’est pas fini, ajoute Mme Prévost. Pour que ça arrête à un moment donné, il faut faire des concessions. »

Les résistances viennent plutôt des commerçants sur qui repose le fardeau de faire appliquer le règlement. Au Metro, les clients qui ne respectent pas les consignes se font offrir un masque à l’entrée. « On va en donner pendant une semaine », explique Roxanne Bourget, préposée à l’accueil, qui n’en avait distribué que deux, à 10 h, deux heures après l’ouverture.

Les nouvelles règles exigeront néanmoins une certaine période d’ajustement. C’est, par exemple, le cas du café de la boutique Cybercycle, dans le vieux village de Tremblant, où s’arrêtent de nombreux cyclistes qui n’ont souvent pas pensé à glisser un masque dans la poche de leur maillot.

« Un client sur trois ne porte pas de masque, précise Cyril Paul, copropriétaire du café. On peut leur en vendre un à 2 $. Mais s’ils refusent, les clients n’entrent pas. Ils vont ailleurs. »

Mathieu Leblanc, propriétaire du restaurant voisin, La Sandwicherie, déplore de devoir jouer à la police avec les clients délinquants. « On nous dit d’en mettre, on va en mettre. Je ne suis pas médecin. Je suis qui pour parler ? Mais, après, on ne vit pas tous la même situation partout. Montréal, c’est autre chose, ce n’est pas Tremblant. »

Paul Lebel, propriétaire du Mille Pâtes, un restaurant qui offre aussi des plats pour emporter, s’inquiétait moins de l’impact du nouveau règlement sur ses clients que sur son personnel.

« Le contact avec la clientèle est très difficile à faire. On devait porter le masque. Là, c’est le masque et la visière obligatoires. On a déjà des échos que des gens vont quitter le monde du service parce qu’ils ne peuvent pas travailler dans ces conditions-là. On comprend la situation, mais c’est difficile et ça va être encore plus difficile en cuisine parce qu’il fait chaud. »

Les affaires reprennent « timidement », constate M. Lebel, dont les clients préfèrent de loin la terrasse à la salle à manger. « Oui, ça affecte la business, mais on est là. On va s’adapter. »

De son côté, la propriétaire de Saucisses et Saucissons, Louise Berthiaume, a collé une affiche dans la fenêtre de son commerce : « Si vous n’avez pas de masques, vous pouvez vous en procurer pour 2 $ chacun. Si vous ne désirez pas porter de masque, nous prendrons votre commande à l’extérieur (argent comptant). Merci pour votre compréhension. »

Gaspésie : une opération qui se passe bien

PHOTO GILLES GAGNÉ, COLLABORATION SPÉCIALE

Elena, une Sherbrookoise de passage dans l’atelier-boutique de Marie-Hélène Beaulieu, trouve le masque un peu chaud, mais elle comprend que c’est pour le bien de la société.

Carleton – La Gaspésie connaît un achalandage insoupçonné cet été en dépit de la pandémie et l’entrée en vigueur du port du masque obligatoire dans les espaces fermés s’est bien passée, samedi, si les échos recueillis à Carleton-sur-Mer sont fidèles à la réalité.

Les prochains jours, avec l’affluence découlant du congé de la construction, révéleront peut-être une autre facette, mais les commerçants sondés par La Presse sont très satisfaits de l’ouverture des clients. Tous sont toutefois entrés au travail avec appréhension.

Marie-Hélène Beaulieu, propriétaire de l’atelier-boutique Le Bar rayé, est la seule à avoir vu un homme virer les talons quand elle lui a dit qu’il fallait un masque. « Je pense qu’il cherchait un endroit pour manger. Les gens collaborent vraiment. Ils sont détendus quand ils viennent ici, peut-être parce que ce n’est pas un service essentiel. Et je vends des masques à la pelletée. »

Une cliente sherbrookoise, Elena, y a justement complété son attirail de masques. « Je trouve que c’est chaud, mais je comprends que c’est pour le bien de la société. Mes beaux-parents sont âgés aussi. »

Christian Rivière et Jacinthe Déziel, propriétaires de l’épicerie fine Chope sur Mer, entrevoyaient la journée de samedi avec appréhension. « Toutes les fois que je me réveillais, [la nuit précédente], je demandais aux clients de mettre leur masque. Je jouais à la police. Ce n’est pas le cas », dit M. Rivière.

« Ce qu’on voit, par contre, ce sont des gangs de six ou sept personnes qui passent dix minutes et ressortent sans rien prendre alors qu’une seule personne doit entrer et qu’on limite l’accès à deux groupes de deux clients à la fois », explique Mme Déziel.

Sébastien Valade, de la boulangerie artisanale La Mie Véritable, avait commencé d’avance à demander à la clientèle de porter le masque.

« Déjà, beaucoup de monde le portait vendredi, peut-être 75 %, même s’il n’était pas obligatoire. On vend des masques jetables à 1 $ et on n’en a pas vendu un seul », note M. Valade.

Outaouais : bien adopté, malgré quelques crises

PHOTO MARTIN ROY, LE DROIT

Dans certains commerces du Vieux-Hull, des clients récalcitrants ont donné du fil à retordre aux employés.

Gatineau – Le masque obligatoire est arrivé à Gatineau près de deux semaines après qu’il eut fait son apparition à Ottawa, de l’autre côté de la rivière des Outaouais. Si, dans la majorité des cas, la mesure suscite l’adhésion, dans certains commerces du Vieux-Hull, des clients récalcitrants ont donné du fil à retordre aux employés.

« Regarde, j’en tremble encore », lâche Johanne, commis au marché Monette, rue Eddy, en montrant ses mains gantées. « En général, les gens vont mettre leur masque quand on le leur rappelle, mais j’en ai eu deux ou trois qui ont piqué des crises. Il y en a un qui s’est mis à gueuler et qui a pitché des choses dans le magasin », relate-t-elle.

À deux pas de là, au dépanneur Chez Ti-Coune, la pancarte rappelant l’obligation du port du masque est dorénavant en évidence, beaucoup plus que celle disant « pas de gilet, pas de service ». Jae, le commis, estime que depuis le début de la journée, 70 % de ses clients étaient masqués. Et pour ceux qui refusent de respecter la consigne, et qui lui imposent leur courroux, il ne voit pas l’utilité d’appeler la police. « Ils ont le temps de partir bien avant que les policiers arrivent », explique-t-il.

C’est ce qui s’est produit dans trois des quatre situations où le Service de police de la Ville de Gatineau (SPVG) a été appelé pour intervenir, selon le sergent Simon Gélinas-Therrien. « Dans l’autre cas où on a reçu un appel pour régler une mésentente, la personne a fini par accepter. On en est vraiment plus à l’étape de la sensibilisation », a-t-il spécifié à La Presse.

Objet de convoitise pour certains

Les boutiques des Promenades Gatineau sont peu achalandées en ce samedi chaud et humide. À l’intérieur, Kamilla et Angelina font une pause. Installées sur un banc, les deux jeunes femmes expriment toutes deux un avis mitigé concernant la mesure. D’abord parce que « les gens jettent les masques partout », mais aussi parce que « beaucoup ne les utilisent pas correctement », exposent-elles, dans l’ordre.

Chez Simons, où l’on donnait samedi des masques pour dépanner les clients, Marjolaine n’a pas attendu le 18 juillet pour porter un couvre-visage. « J’en porte un depuis le mois de mars », s’exclame la dame avant de dire toute son indignation face à ceux qui rechignent à se couvrir le nez et la bouche. « Pour moi, ce n’est pas une question de niveau d’éducation. C’est à cause de l’individualisme de notre société », dénonce-t-elle.

Dans la file de la boutique Starbucks du centre commercial, Amélia ne porte pas de masque – la blondinette de 4 ans n’est pas visée par la contrainte sanitaire. Et elle jalouse ceux qui doivent s’y plier. Le sien, elle le veut « mauve et bleu », prend-elle soin de noter sous le regard de sa maman au couvre-visage rouge avec des pois.