Au lieu de se trouver bons en regardant ce qui se passe en Floride et au Texas, on devrait s’arranger pour ne pas les imiter.

Cette pandémie a l’air en vacances, mais elle ne fait pourtant que commencer.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Plusieurs clients qui ont récemment passé une soirée au Mile Public House du Quartier DIX30, à Brossard, ont reçu un diagnostic positif à la COVID-19.

Alors l’action est encore requise.

Quand il est question de vie ou de mort, on ne peut pas s’en remettre seulement à « l’éducation » et à la « sensibilisation ».

C’est plate à dire, c’est plate à faire, mais ça fait pas mal trop longtemps qu’on tergiverse. Assez longtemps qu’on éduque. C’est le temps d’imposer. 

Les retardataires comprendront plus tard, ou jamais, l’important, c’est le résultat.

Lundi, la Ville de Montréal annonçait l’obligation du port du masque dans les lieux publics… dans trois semaines. Pourquoi trois semaines ? C’est maintenant que ça compte.

Imposer le « couvre-visage » dans les lieux publics fermés, c’est une évidence.

Mais ce n’est pas assez. On a probablement rouvert les bars et les restaurants intérieurs trop vite.

Mais comme faire marche arrière est un aveu d’erreur, les autorités les laisseront ouverts… jusqu’à ce qu’on voie des courbes aux allures floridiennes.

S’il y a un endroit où il ne faut pas aller, c’est pourtant bien dans un lieu fermé, plus ou moins bien aéré, où on se met des choses dans la bouche en présence d’inconnus.

Oui, même dans les endroits qui respectent scrupuleusement les règles. Parce que les scientifiques disent de plus en plus fort que ce virus est probablement aéroporté.

Et ça change beaucoup de choses…

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On a fait grand état des délinquants qui ne respectent pas les règles de distanciation dans les rassemblements ou dans leur estaminet préféré. On a vu des scènes de rassemblements sur les plages et sur les cours d’eau, entre plaisanciers. Ça choque l’œil. Mais ce n’est pas forcément ce qu’il y a de pire. Il faudrait se demander ce qui se passe derrière les portes closes…

J’aimerais vous parler du Harper’s, un resto-bar du Michigan, un endroit bien tenu qui respectait les règles, de l’avis des inspecteurs de l’État. En quelques jours en juin, on a dénombré 138 cas d’infection reliés à ce seul établissement.

Pourquoi ?

Peut-être parce que ce coronavirus se répand non seulement par les gouttelettes, mais aussi par l’air ambiant.

PHOTO TIRÉE DE GOOGLE MAPS

Le resto-bar Harper’s, au Michigan

C’est une hypothèse qui ne fait pas encore l’unanimité, mais qui fait son chemin chez les experts. Ça voudrait dire quoi ?

Ça voudrait dire qu’on n’a pas besoin de tousser, de cracher ou de renifler. Une personne infectée, sans symptômes, envoie dans l’air du virus simplement en respirant ou en parlant. Des particules microscopiques. Dans un endroit fermé, sans vent, sans l’effet des rayons UV du soleil, le virus reste là à flotter sournoisement, à s’accumuler. Il n’irait pas s’écraser par terre à moins de deux mètres avec les gouttelettes.

Un groupe de 239 scientifiques vient de demander à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de reconnaître officiellement que le virus se transmet par « aérosols ». Il serait donc beaucoup plus contagieux qu’on a pu le penser dans le public.

L’affaire est délicate. D’autant que la principale recommandation de l’OMS et des autorités de santé publique, à part la distanciation, a été de se laver les mains. 

Ce n’est pas une mauvaise chose, bien sûr, mais les études laissent voir que pour le commun des mortels, c’est très peu en touchant des surfaces qu’on s’infecte.

Il y a, selon ces 239 scientifiques de 32 pays, assez d’indications que le virus se transmet par aérosols pour qu’on applique un « principe de précaution » en conséquence.

Selon certaines évaluations, cette transmission dans l’air fait qu’on est de 10 à 20 fois plus susceptibles d’être contaminé par le virus dans un endroit clos qu’à l’extérieur, où il se disperse plus facilement.

Ajoutez de l’alcool et ouvrez les bouches…

Est-ce vraiment mieux de prendre une bière, fenêtres fermées, au bar du coin, plutôt que d’aller à un spectacle avec un masque dans une grande salle aérée ?

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On observe la première vague américaine remonter avec un mélange d’effarement et de satisfaction secrète. C’est terrible de voir ces records dans les grands États du Sud et de l’Ouest… Mais, hé, on l’a l’affaire, nous autres ! On a aplati la courbe !

Ah oui ?

C’est ce que disait le gouverneur de la Floride au mois de mai, quand il a « rouvert » l’État.

Pendant tout le mois de mai, qui a été un mois de déconfinement rapide, le nombre de cas y était stable, 600-700 nouveaux par jour. Tout était sous contrôle dans cet État qui a deux fois et demie la population du Québec.

Vendredi, la Floride a enregistré 11 000 nouveaux cas. C’était 726 le 1er juin. C’est plus de 15 fois plus en cinq semaines.

Tant qu’il n’y a ni vaccin ni traitement véritable, les mêmes causes créent les mêmes effets. De nos 75 ou 100 cas quotidiens, on peut revenir rapidement à 200, 500, 1000.

On était cet hiver au jour zéro… Il y a eu un jour avec un seul cas… Vous vous souvenez ? Ça peut repartir aussi vite.

Si nos hôpitaux sont à nouveau surchargés, si le personnel médical est malade, aura-t-on les conditions suffisantes pour rouvrir les écoles à l’automne ?

On va devoir prendre des risques, c’est entendu. Mais prenons-les pour les activités essentielles.

Déconfiner, oui. Mais ça doit se faire avec rigueur.

Qu’on ferme les bars sera peut-être nécessaire pour, finalement, protéger les écoles. Qu’on porte des masques le plus possible pour pouvoir tout rouvrir le plus possible, y compris les commerces… sans devoir les fermer dans un mois.

Le temps n’est pas au confinement. Mais justement, pour ne pas y retourner, le temps n’est pas non plus aux sympathiques « recommandations » plus ou moins fortes.

Parce qu’on veut continuer à déconfiner, le temps est à l’imposition de règles simples mais plus rigoureuses de précautions.

Tout de suite.