(Ottawa) Les grandes entreprises incapables d’obtenir du financement traditionnel peuvent maintenant se tourner vers Ottawa pour obtenir un prêt d’urgence de dizaines de millions de dollars. Taux d’intérêt élevé après un an, interdiction de verser des dividendes, poste d’observateur au C.A. : les entreprises devront toutefois respecter de « strictes » conditions pour obtenir ce financement public.

« Je veux être clair, ce n’est pas un chèque en blanc pour les entreprises. On accorde des prêts pour qu’elles puissent traverser la crise », a répété mercredi le premier ministre Justin Trudeau, lors de son allocution quotidienne à Ottawa. L’objectif du Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE) demeure de « protéger les emplois » et de « relancer l’économie », a martelé Justin Trudeau.

Les entreprises peuvent déposer depuis mercredi leur demande de prêt d’urgence. Mais seules les entreprises avec un chiffre d’affaires annuel de 300 millions de dollars – à l’exception de celles du secteur financier – peuvent réclamer ce prêt de cinq ans d’un minimum de 60 millions de dollars.

Ottawa appelle d’ailleurs les grandes entreprises à tenter d’abord d’obtenir du crédit sur le marché international ou par l’entremise des grandes banques avant de cogner à la porte du programme. « Le gouvernement est là comme prêteur de dernier ressort », a rappelé Justin Trudeau.

Il n’y a pas de plafond au prêt offert, puisque chaque demande sera évaluée au cas par cas, selon les besoins de trésorerie de l’entreprise pour la prochaine année, a expliqué le ministre des Finances Bill Morneau. L’argent sera ensuite distribué « aussitôt que possible », a-t-il ajouté, sans donner de date précise.

Le prêt est remboursable à tout moment, sans pénalité. Un cinquième du prêt est considéré comme étant une créance prioritaire et devra ainsi être remboursé en premier en cas de défaut de paiement. Sur la portion non garantie de 80 %, l’intérêt s’élève à 5 % pour la première année, augmente à 8 % l’année suivante, puis de 2 % chaque année. Une hausse qui a pour but d’inciter les entreprises à « trouver leur propre source de capitaux », selon le ministre.

Ottawa obtient également des bons de souscription avec option – un « warrant » – totalisant 15 % du montant du financement. Ainsi, si une entreprise se porte bien à la Bourse, les contribuables « profiteront de cette hausse », a illustré le ministre Morneau. Le gouvernement ne sera pas tenu d’acquérir les actions et pourra simplement encaisser l’argent. Les entreprises qui ne sont pas cotées en Bourse devront fournir une compensation équivalente à des bons de souscription.

Le gouvernement pourra également nommer un observateur au conseil d’administration de l’entreprise, par l’entremise du prêteur, la Corporation de financement d’urgence d’entreprises du Canada. Une mesure « appropriée » pour ce type de financement, a indiqué le ministre Morneau.

Le ministre des Finances assure que de « strictes » mesures seront en place pour que le financement ne serve pas à financer les primes et les salaires élevés des hauts dirigeants des entreprises. En effet, il sera interdit à l’entreprise de verser des dividendes, de procéder à des distributions de capital et de racheter des actions, selon un feuillet d’information.

Si les entreprises ne respectent pas les conditions du prêt, elles seront considérées comme ayant fait défaut, a maintenu le ministre. Les entreprises devront aussi respecter des règles de transparence financière, respecter les conventions collectives et avoir un plan pour faire face aux changements climatiques.

Aide au loyer

Attendu de pied ferme par les petites entreprises depuis la fin d’avril, le programme d’aide d’urgence pour le loyer de petites entreprises sera finalement prêt à recevoir les demandes à compter de lundi prochain, a annoncé mercredi Justin Trudeau. L’argent viendra « peu de temps après », a-t-il affirmé.

Le programme prévoit que les propriétaires pourront recevoir un prêt-subvention pour réduire de 75 % le loyer des petites entreprises qui louent un local dans leur immeuble et qui ont perdu la majorité de leurs revenus, a précisé le premier ministre. Le programme couvre les loyers d’avril, mai et juin et sera appliqué de manière rétroactive.

De pair avec les provinces et territoires, le fédéral couvrira 50 % du loyer. Ottawa « demande aux propriétaires d’immeubles de couvrir 25 % », a noté Justin Trudeau. Le reste sera payé par les locataires, qui peuvent se prévaloir de programmes comme le Compte d’urgence pour les entreprises.

« Pour les plus gros détaillants, on est en train d’élaborer une nouvelle mesure de soutien et on aura plus de détails bientôt. Ensemble, on peut protéger les emplois et agir pour que notre économie revienne en force. Et ça, c’est bon pour tout le monde », a-t-il argué.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) a d'ailleurs publié un sondage mercredi matin qui révélait que pour 55% de ses membres, une aide au loyer était cruciale pour assurer la survie de leur entreprise.