À partir de ce lundi, l’accès aux régions de l’Outaouais (sauf pour les passages d’Ottawa à Gatineau), du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de l’Abitibi-Témiscamingue et de l’agglomération de La Tuque, en Mauricie, sera permis.

Or, des citoyens inquiets dans ces régions ont multiplié les messages à leurs élus et les pétitions ces derniers jours pour demander un report du retrait des contrôles policiers. Ils craignent que la présence de visiteurs entraîne une hausse du nombre de cas de coronavirus dans leur région respective et un engorgement des établissements de santé, alors que dans certains cas, leurs infrastructures sont fragiles.

« Mes boîtes vocale et courriel débordent de messages de gens inquiets ; leur répondre est une job à temps plein, raconte Chantal Lamarche, préfète de la MRC de la Vallée-de-la-Gatineau, en Outaouais. On a une population vulnérable et vieillissante, puis on n’a pas les infrastructures de santé pour passer à travers une vague. »

Mme Lamarche ne « comprend pas » pourquoi les gens de la région de Montréal ont le droit de venir dans sa région, alors que ceux d’Ottawa, eux, ne peuvent toujours pas ; surtout lorsqu’on compare la gravité de la situation de la pandémie dans ces deux grandes villes. « On aurait aimé que les contrôles routiers soient maintenus pour les gens de la région de Montréal jusqu’à la fin de leur confinement ou au moins, qu’ils aient l’obligation de se rapporter au poste de la Sûreté du Québec local lorsqu’ils viennent à leur chalet ou dans une pourvoirie de notre territoire », indique-t-elle.

Le territoire de sa MRC compte 42 pourvoiries et 2 ZEC.

Même s’ils amènent leur épicerie, un moment donné, ils vont avoir besoin d’une pinte de lait.

Chantal Lamarche, préfète de la MRC de la Vallée-de-la-Gatineau

À plusieurs centaines de kilomètres de la Vallée-de-la-Gatineau, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, des citoyens ont des préoccupations similaires.

Cindy Dufour, de Saint-Félicien, a lancé une pétition réclamant le maintien des barrages routiers destinés à limiter les entrées et les sorties de sa région minimalement jusqu’à la fin de juin ou le début de juillet. La jeune femme – qui avait récolté plus de 14 000 signatures dimanche – craint un « exode massif » des grands centres vers sa région.

« Ce n’est pas dirigé contre personne, a-t-elle expliqué à La Presse dimanche. Regardez ce qui s’est passé en France et en Italie : les gens qui se sont sentis en danger ont eu le réflexe de quitter les grands centres pour aller dans des régions plus sécuritaires, sauf que ce faisant, ils ont propagé le virus. »

Mme Dufour dirige une manufacture de vêtements qui s’est mise à fabriquer des masques durant la pandémie. Elle souligne que l’économie « reste fragile en région ». « Nous devons faire en sorte de pouvoir repartir notre propre machine économique sous peu en évitant une deuxième vague fatale », écrit-elle dans sa pétition lancée, précise-t-elle, à titre personnel.

Accès limité

On observe le même mouvement de pétition citoyenne en Abitibi-Témiscamingue, où une élève de cinquième secondaire, Jade Routhier, avait récolté plus de 10 000 signatures dimanche en faveur de conserver les barrages routiers aléatoires dans sa région.

« Pourquoi risquer d’apporter de nouveaux cas de COVID-19 dans une zone contrôlée alors qu’on pourrait rester “isolé” et diminuer le confinement plus rapidement entre nous ? », demande la jeune fille de 17 ans en introduction de sa pétition sur le site change.org. La Presse a tenté de la joindre dimanche, sans succès.

Le maire de Val-d’Or, Pierre Corbeil, estime qu’il faudra être « patients, prudents et vigilants ». Depuis une semaine déjà, les déplacements entre Val-d’Or et Rouyn-Noranda – ville la plus touchée par l’épidémie dans la région – ont repris, signale-t-il, et tout se déroule bien.

Le maire de Val-d’Or ne croit pas que l’ouverture de la région ce lundi va entraîner une arrivée massive de gens en raison de sa situation géographique – « on est quand même à 500 km de Montréal », souligne-t-il. De plus, son accès demeure limité, puisque les liaisons par autocar et par avion n’ont pas repris.

Je comprends, et c’est légitime d’avoir un certain niveau d’anxiété et d’inquiétude, mais si les gens suivent les consignes sanitaires, j’ai confiance qu’on va garder la situation sous contrôle.

Pierre Corbeil, maire de Val-d’Or

Dans une semaine, le lundi 18 mai, ce sera au tour du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine et de la Côte-Nord (sauf pour les MRC de la Minganie et du Golfe-du-Saint-Laurent) ainsi des municipalités régionales de comté de Charlevoix et de Charlevoix-Est d’être à nouveau accessibles.

Dans le Bas-Saint-Laurent, plusieurs élus militent pour que l’accès à leur territoire demeure restreint. Une pétition en faveur du maintien des barrages y circule aussi.

Une forte majorité de membres de la Table régionale des élus régionaux du Bas-Saint-Laurent (17 sur 18) souhaitent le maintien de la fermeture d’ici à ce que les six conditions pour un déconfinement sécuritaire établies par l’Organisation mondiale de la santé* (OMS) soient réunies, explique Michel Lagacé, président de cette table régionale et maire de Saint-Cyprien.

« Ne vous y méprenez pas, nous avons hâte d’accueillir tout le monde, mais il faut d’abord que toutes les conditions soient réunies, précise-t-il. Nous avons l’impression qu’elles ne le sont pas lorsqu’on observe la situation à l’ouest de notre territoire. »

Ces élus aimeraient que l’ouverture de la région se fasse de manière progressive, en donnant d’abord la priorité aux propriétaires de résidence secondaire, à condition que ces derniers se soumettent à une quatorzaine à leur arrivée sur le territoire.

Dans cette région, seul le maire de Rimouski, Marc Parent, a affirmé sa dissidence, soulignant qu’il faisait confiance à la Direction de santé publique de la province quant à la date de la levée des barrages.

* Les six conditions pour un déconfinement sécuritaire, selon l’OMS

L’épidémie est contrôlée.

Avoir la capacité de détecter, de tester et d’isoler les cas.

Les risques dans les milieux vulnérables sont minimisés.

Des mesures préventives sont implantées dans les lieux de travail.

Le risque de cas provenant de l’extérieur est bien géré.

Les communautés sont mobilisées.