L’administration de Valérie Plante vient d’annoncer un plan de compressions budgétaires pour faire face à un manque à gagner pouvant atteindre plus d’un demi-milliard de dollars en raison de la pandémie de COVID-19. Il s’agit d’une première étape « difficile et nécessaire », a prévenu la mairesse de Montréal.

Au moyen d’une première série de mesures imposées tant à la ville-centre qu’aux arrondissements, la Ville tentera d’économiser 123,4 millions. Ainsi, 85,7 millions devront être retranchés dans les dépenses prévues par les services centraux. L’effort demandé aux arrondissements s’élève à 28,7 millions, soit 3,1 % des dépenses prévues au budget 2020.

Dans les prochaines semaines, chaque service municipal et chaque arrondissement devra présenter son propre plan de redressement budgétaire. D’ici là, la Ville impose un gel des embauches, un gel des honoraires professionnels, un gel général des achats et le gel de 9 millions des dépenses de contingences. « Ayons en tête que ce n’est qu’un début, le premier pas dans la bonne direction pour assurer que les finances de la Ville de Montréal restent saines malgré la crise. Toutefois, ça ne va pas suffire », a affirmé jeudi Valérie Plante lors d’une conférence de presse virtuelle.

Les ravages financiers de la COVID-19

À ses côtés, le président du comité exécutif, Benoit Dorais, a expliqué que la crise sanitaire faisait pression à plusieurs égards, évoquant par exemple la diminution du nombre de transactions immobilières (et donc des revenus de droits de mutation) et de permis de construction, la baisse des revenus tarifaires pour le stationnement et, surtout, la chute des droits de passage dans les transports en commun. La portion du manque à gagner budgétaire provenant de la Société de transport de Montréal (STM) pourrait se situer entre 154 millions et 244 millions, a indiqué M. Dorais.

S’ajoutent les pertes de revenus (entre 93 millions et 281,3 millions) et une augmentation des dépenses de la Ville en raison de la COVID-19, qui se chiffrent au bas mot à 104,8 millions, et à 294,1 millions dans un scénario pessimiste. M. Dorais a rencontré tous les maires et mairesses des arrondissements jeudi matin. Pour l’opposition officielle à l’hôtel de ville, le plan de l’administration Plante-Dorais n’est pas suffisant compte tenu de l’ampleur des ravages de la pandémie sur les finances montréalaises.

Le chef de l’opposition, Lionel Perez, estime que la Ville doit prendre un virage plus important immédiatement plutôt que de remettre à plus tard les décisions déchirantes. La situation lui fait craindre que l’administration décide de se diriger vers un déficit, ce qui n’est pas permis légalement. « Ce n’est pas une situation viable ni responsable », affirme M. Perez.

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Le chef de l’opposition, Lionel Perez

Éviter le naufrage financier

La mairesse Plante a précisé que des discussions « sur le lourd poids qui pèse sur Montréal » étaient en cours avec les gouvernements provincial et fédéral. « On travaille sur un plan de relance et c’était important pour nous, dans une première étape, de mettre de l’ordre dans la maison. […] On voulait montrer l’exemple et faire des efforts considérables pour trouver des sommes pour rester à flot », a expliqué Mme Plante. « Mais on ne pourra pas y arriver sur le long terme sans l’aide de Québec et d’Ottawa », a-t-elle insisté. Montréal n’est d’ailleurs pas la seule ville au pays à se retrouver dans une situation précaire.

Pour éviter le naufrage financier qui leur pend au bout du nez, les municipalités du pays, grandes et petites, ont cogné jeudi directement à la porte du gouvernement fédéral. Elles réclament une aide d’urgence de 10 milliards. De cette somme, au moins 7,6 milliards devraient être versés en affectations directes aux municipalités, tandis que 2,4 milliards seraient versés en plus aux municipalités qui exploitent des réseaux de transport collectif. De plus, le transfert de base devrait être bonifié pour les municipalités confrontées à la tâche énorme d’assurer l’isolement et le bien-être des populations vulnérables.

« Les élus municipaux transforment des arénas en refuges, reportent les impôts fonciers et travaillent d’arrache-pied pour aider nos concitoyens à traverser cette pandémie », a affirmé le président de la Fédération canadienne des municipalités (FCM), Bill Karsten. « Mais les municipalités voient leurs revenus fondre, leurs coûts imprévus s’accumuler et il leur est légalement interdit d’enregistrer des déficits. Elles en sont au point où il leur faut des fonds de toute urgence pour maintenir les services essentiels », a ajouté M. Karsten, qui est aussi conseiller municipal à la Municipalité régionale d’Halifax. La FCM a fait parvenir une lettre au gouvernement fédéral dans laquelle elle explicite sa requête. M. Karsten, Don Iveson, maire d’Edmonton et président du Caucus des maires des grandes villes de la FCM, et Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau et président du Caucus des maires des grandes villes de l’Union des municipalités du Québec, ont expliqué l’ampleur de la crise qui guette les municipalités au cours d’une conférence de presse.

Réaction prudente à Ottawa

Durant son point de presse quotidien, le premier ministre Justin Trudeau a réagi prudemment à la demande de la FCM. « Nous respectons les compétences des provinces par rapport aux municipalités. Nous allons continuer de travailler avec les provinces sur la question des municipalités et dans plusieurs cas avec les municipalités directement quand c’est approprié », a-t-il dit. Selon les données que la FCM a recueillies, le déficit des municipalités pourrait atteindre un minimum de 10 à 15 milliards à court terme à cause des pertes financières irrécupérables liées à la pandémie de COVID-19. Cette estimation comprend les pertes en impôts fonciers, en factures de services publics et en frais d’utilisateur. Il comprend également les pertes liées aux droits de passage pour les villes ayant un réseau de transport collectif, qui sont à elles seules estimées à 400 millions par mois.

Qui plus est, les municipalités doivent prendre des mesures sans précédent pour préserver la santé publique et la sécurité. Contrairement aux provinces et au gouvernement fédéral, les municipalités ne peuvent pas faire de déficit. Selon la FCM, la somme d’urgence de 10 milliards permettrait aux municipalités d’éviter une crise financière sans précédent pour le monde municipal.