Que ceux qui prétendent l’avoir prédit lèvent la main pour qu’on mesure la longueur de leur nez. Contre toute attente, cette session parlementaire a marqué le retour des vieux partis.

Le Parti québécois domine et le Parti libéral vivote à nouveau.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Aux élections de 2022, le PQ avait récolté 14 % des votes. À l’automne 2023, il obtenait plus de 20 %. Au début de 2024, il dépassait les 30 %. Et alors que s’amorce l’été, il reste au sommet.

Quant aux libéraux, leur hausse est très modeste. Mais la course à la direction, qui commencera l’automne prochain, pourrait donner une petite poussée. Assez pour reconquérir d’anciens châteaux forts en Outaouais et en Estrie, qui étaient passés à la CAQ. Cette division des sièges ne déplaira pas au PQ.

Les libéraux misent sur le retour du débat sur l’indépendance pour rapatrier les fédéralistes, tandis que les péquistes veulent ramener au bercail ceux qui rêvent au projet de pays. Pour la CAQ, la saignée se fait ainsi des deux côtés.

Reste à voir si le PQ n’a pas monté trop haut, trop vite. La pression sera grande. Pour l’instant, Paul St-Pierre Plamondon tient le coup, malgré sa toute petite équipe.

Le décalage est frappant entre la popularité du PQ et ses moyens parlementaires. À l’Assemblée nationale, ils sont seulement quatre députés. Une seule question leur est accordée par jour au salon Bleu. Ils ont trois fois moins d’argent que les solidaires et six fois moins que les libéraux. Ils ont donc moins de recherchistes et de conseillers. Ils ne peuvent pas approfondir leur réflexion sur tous les sujets. Ils doivent refuser des demandes d’interviews. Ils peinent aussi à rencontrer tous les groupes d’intérêts.

Bref, à Québec, leur petite équipe est brûlée. Particulièrement le chef qui a trois jeunes enfants.

PHOTO KAROLINE BOUCHER, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pascal Bérubé, Joël Arseneau, Paul St-Pierre Plamondon et Pascal Paradis

Mais le parti, lui, domine dans le financement populaire. Il n’a plus de dettes et sa nouvelle permanence dans Hochelaga lui coûte moins cher. Cela lui permet de lancer des publicités et de préparer lentement la prochaine campagne.

À ceux qui l’accusent de ne pas s’occuper des problèmes du quotidien, M. St-Pierre Plamondon répond qu’il priorise aussi des batailles concrètes comme la lutte contre les écrans.

Reste que plus le temps avancera, plus le travail du PQ sera difficile.

Le chef pourrait surfer sur l’insatisfaction à l’endroit du gouvernement caquiste pour prendre le pouvoir. Mais il ne veut pas gouverner une province. Inspiré par l’Écosse, il présentera un long document pour répondre à toutes les questions précises sur son projet de pays.

Ses adversaires fédéralistes ont hâte. Ils miseront sur la peur de l’indépendance, mais aussi sur la peur des conséquences d’une défaite, ou tout simplement sur la lassitude face à ce débat.

Le déficit de 11 milliards dans le dernier budget a créé une occasion pour le PLQ. Aucun parti ne défendait le conservatisme fiscal.

Les libéraux veulent parler de productivité, un sujet aride mais important. Ils gagneraient toutefois à avoir un chef qui maîtrise ces enjeux. Leur porte-parole en économie, Frédéric Beauchemin, a de l’expérience à titre d’ancien cadre à la Banque Scotia, mais il se démarque surtout par son ton hyperpartisan.

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Marc Tanguay et André Fortin

Un de leurs meilleurs moments de la session est venu quand leur député André Fortin a déstabilisé le ministre de la Santé en démontrant que c’était mission quasi impossible d’obtenir un rendez-vous avec un médecin généraliste.

Les députés Marwah Rizqy et Monsef Derraji sont devenus des valeurs sûres, et de nouveaux visages prennent du galon, comme Virginie Dufour et la jeune Madwa-Nika Cadet.

Dans la configuration actuelle à cinq partis, les libéraux profitent aussi du mode de scrutin. En 2022, à peine un point de pourcentage les séparait des péquistes, des solidaires et des conservateurs. La distribution des sièges : 21 pour le PLQ, 11 pour QS, 3 pour le PQ et 0 pour le PCQ…

Québec solidaire a été éprouvé par la démission fracassante de sa co-porte-parole Émilise Lessard-Therrien. On s’attend à ce que Ruba Ghazal brigue le poste. Le parti serait désormais représenté par deux Montréalais. Cela ne facilitera pas la reconquête des régions, où le parti de gauche a perdu des appuis en 2022.

Un gros débat se prépare à l’interne avec l’actualisation du programme et la rédaction de la prochaine plateforme.

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Gabriel Nadeau-Dubois

Gabriel Nadeau-Dubois aimerait que QS se déleste des aspects les plus doctrinaires, inapplicables et invendables de son programme. Pour accepter ces compromis, les membres voudront avoir l’impression qu’ils se rapprochent du pouvoir.

L’aile parlementaire a crié victoire quand le gouvernement caquiste a fait une volte-face pour adopter un moratoire de trois ans sur les évictions de logement. Ces gains concrets montrent l’importance du travail des députés, qui relaient les mouvements sociaux à l’Assemblée nationale.

Mais si les sondages ne bougent pas, des militants pourraient se dire que tant qu’à être condamné à l’opposition, mieux vaut y défendre l’entièreté de ses idéaux. Et ce ne sont pas les vieux partis qui s’en plaindront.