En décembre 2011, François Legault touchait le pouvoir du bout des doigts. « Sondage CROP : plus de 100 sièges pour Legault », titrait Le Soleil. L’attente fut plus longue que prévu.

Il n’est pas le seul à avoir monté trop vite vers la stratosphère. En août 2002, Mario Dumont frappait lui aussi aux portes du pouvoir. Son Action démocratique du Québec dominait avec 38 % des intentions de vote, selon un sondage SOM–Radio-Canada. On connaît la suite.

Cette fois, c’est le Parti québécois (PQ) qui se détache. Le nouveau sondage Léger–Le Journal de Montréal le place en tête, à 31 %.

Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) ne se plaindra certainement pas d’être au sommet. Il n’y a pas si longtemps, quand on débattait de l’avenir de son parti, c’était pour spéculer sur la date de ses funérailles.

Ce que le chef a accompli est spectaculaire. Tous les autres chefs échangeraient leur place avec lui. N’empêche que la question se pose à nouveau : le meneur poursuivra-t-il son ascension, ou risque-t-il plutôt de manquer de carburant et de perdre de l’altitude ?

Quand on l’examine à la loupe, le sondage est encore plus étonnant.

Première surprise : le PQ mène dans la Capitale-Nationale, où il a historiquement eu des difficultés. Par exemple, lors de sa dernière victoire en 2012, il n’y avait gagné que 2 de ses 11 sièges.

Deuxième surprise : c’est chez les 35-54 ans que l’avance du PQ est la plus grande (27 %, contre 20 % pour la Coalition avenir Québec et 21 % pour le Parti conservateur du Québec).

Troisième surprise : chez les 18-34 ans, le PQ arrive deuxième, derrière Québec solidaire (QS) mais devant la Coalition avenir Québec (CAQ). Ce n’est pas tout à fait le « parti générationnel » des baby-boomers.

Dernière source d’étonnement : les péquistes mènent aussi dans le Grand Montréal.

Bien sûr, la prochaine campagne électorale aura lieu dans presque trois ans. Quelques séismes politiques ont le temps de survenir d’ici là. Mais à tout le moins, on peut anticiper un phénomène : le retour du débat sur l’indépendance.

Les anciens chefs du PQ ont tous été confrontés à ce dilemme : promettre un référendum et risquer de perdre, ou maintenir un flou artistique pour rallier aussi ceux qui veulent un « bon gouvernement » ?

PSPP rompt avec l’ambiguïté. Avec lui, c’est clair. À la prochaine campagne électorale, il s’engagera à tenir une consultation sur l’avenir du Québec.

Sa feuille de route est déjà connue. Cet automne, il a déposé son budget de l’An 1. Les étapes suivantes : définir la politique d’immigration et la citoyenneté québécoise et publier un document complet « questions-réponses » sur le projet de pays.

Ce document s’inspirera de celui de l’Écosse, où la consultation fut un modèle de clarté.

Voilà l’engrenage que relancerait PSPP. Sa démarche est transparente, mais risquée. Car la montée du PQ ne s’explique pas par un regain d’enthousiasme pour l’indépendance. Là-dessus, les chiffres ne bougent pas. À peine le tiers des Québécois la souhaite. On est loin de la majorité rêvée.

Dans le passé, cette tiédeur faisait frémir les stratèges péquistes. Mais l’ère du bipartisme est terminée. Avec cinq partis compétitifs, si le PQ fait le plein d’indépendantistes, il pourrait se faufiler jusqu’à la victoire.

L’autre frein historique pour le PQ était la confiance en la possibilité de gagner le référendum.

Là encore, les sondages ont peu bougé. Seulement 55 % des indépendantistes y croient, selon Léger. Mais si ces chiffres restent stables, ils ne sont plus interprétés de la même façon. Avec l’évolution de la démographie québécoise, des péquistes ont l’impression que cette fenêtre qui s’ouvre sera leur dernière occasion.

Une troisième défaite du camp du Oui entraînerait un terrible recul pour le Québec, a déjà mis en garde Lucien Bouchard. Mais entre une défaite au combat et un abandon, certains voudront tenter leur chance.

Les libéraux et les caquistes inciteront aussi le PQ à aller jusqu’au bout.

Les fédéralistes sont plus confiants que jamais. À peine 5 % d’entre eux croient que le Oui pourrait gagner un éventuel référendum.

Bien sûr, cela ne signifie pas qu’ils souhaitent que cette consultation ait lieu. Au contraire, la possibilité d’un référendum motiverait 48 % des sondés à ne pas voter pour le PQ. Seulement 12 % feraient le chemin inverse.

Même si QS se dit indépendantiste, ses sympathisants sont encore plus fédéralistes que ceux de la CAQ. Parmi les électeurs solidaires, 65 % appuient le Non. Pour les caquistes, c’est 54 %.

Durant la partielle dans Jean-Talon, PSPP avait reporté le dévoilement de son budget de l’An 1. Ce n’était pas une élection nationale, plaidait-il. Reste que s’il croyait que ce budget l’aiderait à gagner, il en aurait parlé davantage.

Les libéraux rêvent que cela redevienne le sujet du jour. La résurrection du PQ leur donne espoir. Le plancher peut se transformer en trampoline. Mais malheureusement pour les rouges, il y a congestion sur le front fédéraliste, avec les conservateurs et les caquistes.

François Legault a déjà dit qu’il se présenterait aux élections de 2026, à condition que sa santé le lui permette et que les Québécois l’appuient encore. Si ces conditions sont réunies, il pourrait devoir jouer le rôle de celui qui mise sur la peur d’un référendum. Si cela l’enthousiasme, bien sûr.

Consultez le sondage Léger