Le premier ministre François Legault aime souvent comparer le Québec à l’Ontario. Il redit sur tous les tons son désir de réduire l’écart de richesse avec la province voisine.

Une suggestion dans cette veine : son gouvernement devrait s’inspirer de ce qui se passe à l’ouest en matière de logement.

Pas sur toute la ligne, bien entendu. Le gouvernement de Doug Ford a commis des fautes graves en voulant dézoner la « ceinture de verdure » autour de Toronto, au point que deux de ses ministres ont dû démissionner. Les volte-face gênantes s’accumulent dans ce dossier.

Mais au-delà des bourdes, l’Ontario a adopté une stratégie musclée et s’est doté de cibles claires pour doper la construction résidentielle.

Un vrai plan de match.

Précisément ce que le Québec devrait mettre en place, alors que la crise du logement atteint des proportions historiques. Or, on semble plutôt nager dans un flou intersidéral, avec des mesures saupoudrées çà et là, sans véritable vue d’ensemble.

Laissez-moi décortiquer pour vous quelques-unes des mesures de relance de l’Ontario, qui mériteraient d’être étudiées par Québec.

Tout d’abord, le gouvernement Ford s’est fixé un objectif chiffré : construire 1,5 million de nouveaux logements d’ici 2031. On parle ici d’appartements abordables, de condos, de maisons unifamiliales, bref, de toute la gamme d’habitations dont le marché a besoin.

La cible est ambitieuse, sans doute trop, mais Queen’s Park a donné aux villes une série d’outils concrets pour au moins tenter de l’atteindre.

Parmi ceux-ci : l’Ontario offrira des bonis aux villes qui se fixent – et atteignent – des cibles en matière de construction résidentielle. Une enveloppe de 1,2 milliard a été prévue à cette fin sur trois ans.

Il s’agit là d’un véritable incitatif à accélérer la délivrance des permis de construction et à simplifier la bureaucratie, qui se traduira en dizaines de millions supplémentaires chaque année pour les villes les plus performantes.

Autre mesure intéressante, quoique controversée : le gouvernement Ford a accordé des « superpouvoirs » aux maires d’une vingtaine de municipalités, dont Toronto et Ottawa. Les dirigeants de ces villes peuvent entre autres les utiliser pour forcer la densification sur leur territoire, même si des citoyens ou des élus s’y opposent.

La mairesse de Mississauga, en banlieue de Toronto, vient tout juste d’invoquer cette nouvelle latitude pour permettre la construction de quadruplex dans des quartiers de maisons unifamiliales1.

L’Ontario a aussi annoncé qu’il emboîtera le pas au gouvernement fédéral en exemptant la construction de nouveaux immeubles locatifs de sa taxe provinciale. Québec est fermé à cette mesure, malgré les hauts cris de l’industrie immobilière.

Cette énumération est loin d’être exhaustive.

Je ne propose pas de faire au Québec un copier-coller grossier des façons de faire ontariennes, on s’entend.

Mais force est de constater que la tendance des mises en chantier pointe dans la bonne direction chez nos voisins, alors qu’elle est sur une pente dangereusement glissante chez nous.

Le contraste est frappant entre les deux métropoles canadiennes.

Toronto a affiché une hausse de 32 % des constructions neuves pendant les six premiers mois de l’année, un record, tandis que Montréal enregistre une baisse de 60 %2.

Le portrait est presque aussi blafard dans l’ensemble du Québec. Et rien ne laisse présager une embellie dans la prochaine année.

La construction est dans un état de crise au Québec, c’est maintenant clair et net. De plus en plus de voix commencent à s’élever pour réclamer un véritable effort de guerre de la part du gouvernement Legault, plutôt que des programmes modestes adoptés à la pièce.

J’en ai discuté jeudi avec Guy Caron, le maire de Rimouski, une ville où sévit l’une des pires pénuries de logements de la province. Sans réclamer des « superpouvoirs » comme ceux accordés par l’Ontario, il juge que Québec devrait donner plus d’autonomie aux dirigeants des municipalités.

Il m’a cité un exemple, fort évocateur.

Rimouski a récemment décidé d’offrir des congés d’impôt foncier de plusieurs années aux promoteurs immobiliers, pour les encourager à construire sur son territoire. La Ville, qui absorbera cette dépense, a dû demander l’autorisation au ministère de l’Habitation et des Affaires municipales… qui a mis des mois à donner son feu vert. « Ça devrait être automatique », croit Guy Caron.

Bien d’accord avec lui.

L’Association de la construction du Québec (ACQ) a pour sa part présenté un mémoire qui contient plusieurs idées pour relancer la construction. Sa principale suggestion : que Québec adopte une loi spéciale, inspirée de la Loi sur l’accélération de certains projets d’infrastructure, afin de faciliter la tâche aux promoteurs en cette période de crise.

L’idée mérite certainement d’être étudiée de près.

La ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, devrait présenter dans les prochains jours les amendements à son projet de loi 31 sur le logement. Certains articles pourraient, peut-être, faciliter les mises en chantier. Il faudra voir.

La mise à jour budgétaire de Québec du 7 novembre prochain contiendra aussi de nouvelles sommes, probablement des centaines de millions supplémentaires, pour financer le logement abordable. C’est une bonne nouvelle.

Mais je crains – et je ne suis pas le seul – que ces mesures soient comme des pansements sur une plaie béante. En ce moment, c’est d’un plan de match ambitieux et concerté que le Québec a besoin pour sortir de la crise.

1. Lisez un article du Toronto Star (en anglais) 2. Consultez le rapport de la SCHL sur les mises en chantier