Si la tendance se maintient, la voie Camillien-Houde qui donne accès au mont Royal par l’est sera réaménagée. Je dis « si la tendance se maintient », parce qu’il s’agit d’une « vieille » idée, qui remonte à plusieurs décennies. On verra si le projet verra le jour.

Coût annoncé du projet : 90 millions.

Donc, si on traduit en québécois : ça va coûter plus que 90 millions !

L’idée de base, c’est d’agrandir le parc du Mont-Royal. Interdire aux voitures une des deux grandes voies d’accès (l’autre étant le chemin Remembrance) pour « verdir » les lieux, en bouffant l’espace réservé aux autos. Un peu comme le chemin Olmsted – ouvert aux vélos, aux skieurs de fond, aux joggeurs et aux marcheurs – accessible via l’entrée de l’avenue du Parc, près de la statue de George-Étienne Cartier.

Le projet de verdir Camillien-Houde et d’en faire une partie intégrale du parc a été relancé par la mort du cycliste Clément Ouimet, en 2017, tué quand un automobiliste a effectué un demi-tour illégal. Ça explique en partie pourquoi le débat se fait sous le prisme de la place de la voiture dans cette ville.

D’abord, je le souligne, la montagne sera toujours accessible en voiture, par Remembrance : ce sera l’unique façon d’y accéder en voiture et en transports en commun. Par Camillien-Houde : marche et, si vous avez vraiment de bonnes cuisses, en vélo (j’explique pourquoi ci-dessous).

Sur le fond, je trouve que c’est un projet louable, fondé sur une idée qui se défend : agrandir le parc du Mont-Royal, un joyau de Montréal.

Mais dans la forme, je dois dire que Projet Montréal fait encore une fois semblant de jouer le jeu de la consultation… avant de s’en ficher complètement.

L’équipe de Mme Plante a refait avec le mont Royal ce qu’elle a fait avec le boulevard Saint-Laurent dans la Petite Italie et avec les parcomètres du centre-ville : faire semblant de consulter. C’est un travers détestable qui s’assimile à une forme de dissimulation.

Il y a cinq ans, l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) a sondé les Montréalais-zé-les-Montréalaises sur l’avenir de Camillien-Houde. Des milliers de personnes ont soumis leur point de vue. Et l’OCPM a recommandé un réaménagement de la voie d’accès… avec de l’espace pour les voitures.

Je crois que verdir Camillien-Houde est une bonne idée, dans l’absolu. Mais je crois aussi que si nous avons un Office de consultation publique, le politique ne devrait pas court-circuiter ses recommandations quand elles ne font pas son affaire.

Le verdissement de Camillien-Houde est évidemment irritant si vous aviez l’habitude de prendre votre auto pour aller stationner sur la montagne afin d’en profiter. Irritant, dans le sens où il faudra désormais contourner le mont Royal et passer par le chemin Remembrance.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Le belvédère Camillien-Houde, à Montréal

Il faut le dire : ce sera toujours possible d’accéder à la montagne en char. Ce sera juste plus compliqué. C’est une tendance lourde dans plusieurs grandes villes du monde : le temps de transit des automobilistes n’est plus la variable cardinale dans la planification de l’espace urbain.

Pour dénoncer le projet de 90 millions, des voix se sont élevées pour mettre la mairesse en contradiction avec les critiques qu’elle adresse au gouvernement du Québec en matière de lutte contre l’itinérance. Comme tous les maires du Québec, Mme Plante, elle trouve que les 15 millions annoncés par le gouvernement pour épauler les villes, ce n’est pas suffisant…

On la traite d’hypocrite : mettez donc ces 90 millions sur l’itinérance !

Mon point de vue : c’est un mauvais procès.

S’occuper de la misère sociale, ce n’est pas à proprement parler le travail des villes. C’est celui du gouvernement du Québec. Les villes le font parce qu’elles vivent viscéralement les problèmes reliés à l’itinérance. En théorie, les municipalités ne devraient pas embaucher des travailleurs sociaux et construire des « ressources » pour accueillir des sans-abri. C’est le job de Québec.

Mais le parc du Mont-Royal, c’est la responsabilité unique de la Ville de Montréal. La gestion et la préservation des parcs – incluant son parc le plus emblématique, le parc du Mont-Royal –, c’est sa responsabilité.

Traduction : si la Ville de Montréal ne s’occupe pas du parc du Mont-Royal, personne ne va s’en occuper.

Le vélo, maintenant.

Ça me fait sourire quand le projet de verdissement est dénoncé comme une autre façon de faire de la place au vélo dans cette ville. Camillien-Houde, ce n’est pas une pente pour les cyclistes du dimanche.

Ce n’est pas une voie de transit pour le cycliste lambda. C’est juste assez à pic par bouts pour rendre le trajet très désagréable si vous n’êtes pas un bon athlète. Tu ne montes pas Camillien-Houde en BIXI, genre…

Le chemin Olmsted : c’est à la portée de (presque) tous les mollets, même des cyclistes du dimanche. Vous allez suer si vous le montez à bonne vitesse. Sur Camillien-Houde, vous allez souffrir.

Ensuite, selon mes espions (pour parler comme Hugo Dumas), une des moutures du plan de verdissement ne prévoyait pas de voie pour les véhicules d’urgence. La voie pour les cyclistes dans la mouture présentée par la Ville est aussi celle des véhicules d’urgence. Ceux-ci devront se tasser à la vue d’une ambulance.

L’idée derrière le plan, c’est d’agrandir le parc, d’abord et avant tout. On peut en penser ce qu’on veut, mais ce n’est pas une façon d’encourager la pratique du vélo…

Pas cette fois.

Sinon, la question posée par le verdissement de Camillien-Houde est la suivante : est-ce normal qu’un parc de l’envergure du Mont-Royal soit traversé par une route qui est majoritairement utilisée pour faciliter la vie des automobilistes qui veulent rallier l’est ou l’ouest de la ville ?

Qu’importe votre réponse à cette question, ce n’est pas une question particulièrement extrême.