Jeudi après-midi, il fait beau. J’écoute la radio. C’est quoi, ce bruit ? On dirait un vieux modem qui essaie de se brancher à l’internet. Ou une tondeuse à gazon en train de rendre l’âme. Ou un séchoir à cheveux en feu. Ou l’intro d’un groupe de death metal.

C’est une alerte d’Environnement Canada. Je comprends qu’elle veut attirer l’attention, mais sa qualité sonore nous donne plus le goût de nous sauver dehors, ce qui ne serait pas la chose à faire :

« Environnement Canada a émis kisssh… alerte de tornade kisssh… régions suivantes… »

Oh boy ! Une tornade !!! Je suis tout ouïe.

« Corn, Oulanges, Dreuil, Leyfield, Ahute, Harnois… »

Ben voyons ! On perd une syllabe sur deux, tellement ça griche !

« Awdon, Ontréal… »

Ontréal ! Montréal ! C’est ici, Montréal ! Un avertissement de tornade à Montréal, de mémoire de Montréalais, c’est la première fois. Qu’est-ce qu’on fait ?

« Kissssshhhhhhh ! Mettez-vous immédia… koussshhh ! À l’abri, si un phénomèèèèèène météooooooorologique mena… kisssh s’approssssshhhhh. »

Merci, Environnement Canada, de penser à nous. Cette alerte sauve des vies. Mais est-ce possible d’améliorer l’intelligibilité du propos ? On dirait que la personne qui lit le message est pognée dans la tornade. On dirait que l’enregistrement date de la Seconde Guerre mondiale.

Nous sommes à l’ère de l’intelligence artificielle, il doit y avoir moyen que l’on comprenne mieux le très important avertissement. Pour l’instant, il est plus paniquant que rassurant. Cela dit, encore merci de m’avoir averti.

Parce qu’en ce moment, rien ne laisse présager que ça va tornader. Il fait même plutôt beau. Et les prévisions de la météo, depuis quelque temps, sont, disons, aléatoires. S’il y avait un Bet.99 des paris météorologiques, les experts perdraient beaucoup d’argent. Mais une alerte, c’est une alerte, on ne niaise pas avec ça, je range mon doute et je ferme les fenêtres.

Encore le son d’un grille-pain en train d’exploser. Deuxième alerte. Je tends l’oreille. Je saisis les trois mots essentiels : tornade, Montréal, abri. Du coup, le ciel s’assombrit. Plus que ça, le ciel noircit. Puis le ciel se met à tomber. À faire peur aux Gaulois.

Troisième alerte, quatrième alerte, cinquième alerte, il y a plus d’alertes qui jouent, cet après-midi, à la radio, que de chansons de Taylor Swift. La dernière est pour nous avertir d’une tornade maritime. C’est quoi, une tornade maritime ? Sur les réseaux sociaux, une personne demande si c’est une tornade qui arrive une heure plus tard. Le message ne le précise pas. Est-ce parce qu’il est tombé tellement d’eau sur la ville que nous faisons maintenant partie des Maritimes ?

Le soleil est revenu. La tornade attendue, elle, n’est pas venue. Elle a préféré visiter Ottawa et Mirabel. On l’a échappé belle.

Quel drôle d’été ! Les incendies de forêt, le smog, les inondations, les glissements de terrain, les tornades. La nature se déchaîne parce que nous l’avons enchaînée. L’été 2023 est, pour le simple citoyen que je suis, le premier été où les changements climatiques deviennent réalité. Avant, ce n’était pas aussi évident. Il y avait bien des canicules, mais il y a toujours eu des canicules.

Cet été, c’est plus étrange, ce qui se produit. En quelques semaines, on a subi plus de pannes d’électricité qu’au cours des dix dernières années. Ç’a peut-être pas rapport. Mais ça crée une certaine fragilité. Jamais nos plans n’ont été aussi perturbés par le temps. On sent que quelque chose est en train de se dérégler. Et ces inconvénients sont, en fait, une répétition. La répétition de la fin du monde. On en est loin. Ce n’est même pas le commencement de la fin. C’est le commencement du commencement.

Des alertes d’Environnement Canada, on n’a pas fini d’en recevoir. Des fils électriques endommagés, on ne fait que commencer à en réparer. Des villes et villages sinistrés, nos politiciens n’ont pas fini d’en visiter. Profitons des répétitions, pour mieux nous organiser, pour mieux nous prémunir. Et prendre les mesures pour éviter le pire.

Malgré tout, l’été demeure la belle saison.

À nous de ne pas l’enlaidir.