Charles III est couronné, aujourd’hui, roi du Royaume-Uni, de Grande-Bretagne, d’Irlande du Nord, de 14 royaumes du Commonwealth, soit d’Antigua-et-Barbuda, de l’Australie, des Bahamas, du Belize, du Canada, de la Grenade, de la Jamaïque, de la Nouvelle-Zélande, de la Papouasie–Nouvelle-Guinée, de Saint-Christophe-et-Niévès, de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, des îles Salomon et de Tuvalu. En plus d’être gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre. C’est big. Dans un C. V., ça paraît bien. Mieux qu’un stage au Burger King.

Voilà pourquoi des millions et des millions de personnes, partout sur la planète, suivent présentement cette cérémonie historique. Pourtant, Charles III n’a le pouvoir d’ajouter une piste cyclable dans aucun des territoires dont il est le chef d’État. Encore moins de construire un troisième lien.

Le carrosse, le cortège, le trône, l’onction d’huile, le sceptre, la couronne, tous ces symboles de puissance ne sont que des vestiges du passé. Le 13 octobre 1399, quand Henri IV fut couronné, dans l’abbaye de Westminster, avec à peu près le même fla-fla, la quiche aux épinards en moins, on glorifiait le maître absolu de ses sujets. Lui, c’était le boss. Le Souverain Suprême. Il ne t’aimait pas la face, envoye au cachot ! Il décidait de tout. Maintenant, le roi ne décide de rien. Il fait semblant. Il fait comme si.

La monarchie constitutionnelle est à la politique ce que la lutte est au sport.

Roman Reigns est le champion universel de la WWE (World Wrestling Entertainment). Il possède la ceinture dorée sertie de diamants. Lui aussi a reçu l’onction d’huile, mais on l’a beaucoup plus huilé que Charles III. Roman Reigns a toujours sa famille à ses côtés, surnommée The Bloodline, La lignée du sang. Il exige le respect total de toutes les autres superstars de la lutte.

Pourtant, si Roman Reigns règne sur la WWE, c’est parce que la WWE en a décidé ainsi. Toutes ses victoires ont été scénarisées par la grande organisation. Comme tout ce que promulgue le roi d’Angleterre est rédigé par le gouvernement démocratiquement élu.

PHOTO JOE CAMPOREALE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS/REUTERS

Le lutteur Roman Reigns (à droite), le 2 avril dernier

Le couronnement de Charles III, c’est comme le Royal Rumble de la WWE, pour l’apprécier, il faut accepter la convention.

Les fans de la lutte savent bien que tout est arrangé, que les rivaux ont été prévenus s’ils doivent perdre ou gagner, mais ils ont décidé de croire que tout est vrai. Que les bons sont vraiment bons. Que les méchants sont vraiment méchants. Et que les bons battent vraiment les méchants. C’est pour ça qu’ils crient, qu’ils applaudissent, qu’ils huent. Parce qu’ils embarquent dans le jeu. Et ça leur fait du bien. Tant mieux pour eux.

Les fans de la royauté savent bien que tout est arrangé, que Sa Majesté peut rester couchée durant les dix prochaines années, son royaume ne s’en rendra même pas compte, mais ils ont décidé de croire que le roi est un vrai roi. Qu’il est l’être le plus important qui soit. Et qu’il veille sur eux. C’est pour ça qu’aujourd’hui, ils crient, ils applaudissent, ils sont émus. Parce qu’ils embarquent dans le jeu. Et ça leur fait du bien. Tant mieux pour eux.

La lutte est une activité rassurante. On sait qu’au bout de tous les combats, de toutes les souffrances, de toutes les frustrations, la fin sera heureuse. Notre préféré va gagner. Ce qui n’est pas toujours le cas dans les autres sports. Fans du CH et des Bruins, vous comprenez.

La royauté est une institution rassurante. On sait qu’au milieu de tous les politiciens ambitieux, emportés, illuminés, qui veulent tout changer, il y a un bon monsieur ou une bonne madame qui nous font croire que rien ne change.

Durant les trois prochains jours, les antimonarchistes ont le choix.

Soit de regarder ces célébrations royales en critiquant, en maugréant, en dénonçant, comme un anti-lutte assistant à un gala, en ne cessant de répéter à tout le monde : c’est arrangé, c’est arrangé, c’est arrangé !

Soit de laisser passer la parade. De regarder un autre poste. En laissant ceux que ça excite profiter du moment.

De toute façon, la ferveur est beaucoup moins grande que celle qui régnait, il y a 70 ans, au couronnement d’Élisabeth II.

La royauté britannique durera aussi longtemps qu’il y aura assez de gens qui voudront y croire. Ou faire semblant d’y croire.

C’est ça qui a changé depuis Henri IV. Avant, les gens dépendaient des rois. Aujourd’hui, les rois dépendent des gens.

Parfois, le progrès a du bon.

Vive le roi !

Mais surtout, vive le progrès !