La semaine dernière, la Sûreté du Québec a fait quelque chose d’absolument scandaleux et ce n’est heureusement pas passé sous le radar : la police provinciale a rappelé aux piétons et aux cyclistes d’adopter des comportements sécuritaires… Quel culot !

Vélo Québec est monté au créneau plus vite qu’un Lance Armstrong dopé à l’EPO larguant le peloton au mont Ventoux⁠1 : « On n’en revient pas. C’est vraiment choquant. C’est comme si on baissait les bras et qu’on se disait qu’au fond, les automobilistes, on n’arrivera pas à les changer », a déclaré Magali Bebronne, directrice des programmes.

Chez Piétons Québec, même indignation : « Le message qui ressort de cette campagne, c’est que c’est uniquement aux cyclistes et aux piétons que revient le fardeau d’assurer leur propre sécurité », s’est insurgée la DG, Sandrine Cabana-Degani.

Dans le communiqué de la SQ⁠2, on pouvait lire des rappels et conseils aux cyclistes et aux piétons…

Piétons : Traverser à l’intersection, respecter les feux pour piétons, vérifier la circulation avant de traverser, établir un contact visuel avec les conducteurs, « sinon présumer qu’ils ne les ont pas vus », être vigilant en présence de véhicules lourds…

Cyclistes : Être prévisibles et signaler leurs intentions, être visibles, porter un casque, respecter la signalisation et les priorités de passage…

Je souligne ici que mes premier et quatrième paragraphes étaient sarcastiques et que je considère que la Sûreté du Québec n’a rien fait de scandaleux.

Je considère en revanche que les gens de Vélo Québec et de Piétons Québec ont saisi là une occasion pour déchirer leur chemise à peu de frais et faire parler de leurs causes respectives sans nuance.

La Sûreté du Québec organise ponctuellement, de concert avec la Société de l’assurance automobile du Québec, des « opérations nationales concertées » de partage de la route qui ciblent les comportements dangereux. Et celle qui se déroule du 28 avril au 4 mai cible les piétons et les cyclistes. L’immense majorité de ces campagnes vise les automobilistes avec des rappels de sécurité.

Tapez « opération nationale concertée » dans Google, avec « Sûreté du Québec », et vous le constaterez : la plupart de ces opérations ciblent les automobilistes, depuis les 10 années qu’elles existent. Dans ce contexte, faire un mauvais procès à la SQ en lui imputant un parti pris anti-piéton est de la mauvaise foi.

Avant d’aller plus loin, je le précise : bien sûr que les voitures et les camions représentent les plus grands dangers sur les routes. Personne ne conteste cela. Il faut les cibler avec des campagnes de sensibilisation et des sanctions, pour les discipliner. Tout cela existe, par ailleurs.

J’ajoute que les pouvoirs publics ont la responsabilité d’aménager le paysage urbain pour limiter les interactions malheureuses et j’applaudis chaque nouveau sens unique, chaque saillie de trottoir, chaque Réseau express vélo, chaque piste cyclable comme je l’ai fait mille fois ici et à la radio.

Les choses changent, mais pas assez vite, il faut le dire et le redire.

Cela étant dit (et redit), il faut vivre dans un monde parallèle pour ne pas constater que DES piétons et DES cyclistes se comportent d’une façon quasiment suicidaire.

Des piétons qui traversent n’importe où n’importe comment, en regardant leur téléphone cellulaire, c’est fréquent. Ce n’est pas baisser les bras ni même manquer de sensibilité que de leur rappeler de se protéger.

Selon Piétons Québec, si je comprends bien, le piéton devrait traverser la rue en regardant droit devant lui, sans jamais vérifier si les voitures qui doivent s’immobiliser à l’intersection vont bel et bien le faire parce que… le piéton a priorité.

Ça va changer quoi, la « priorité piéton », si ledit piéton passe trois mois au centre de réadaptation Lucie-Bruneau parce qu’il a omis de jeter un coup d’œil en traversant, parce que c’est à l’automobiliste de faire son arrêt obligatoire ?

Les cyclistes aussi ont besoin de rappels. Rouler à l’envers dans les sens uniques en regardant son téléphone, brûler stops et feux rouges puis se ficher complètement de la signalisation sur le REV : c’est quotidien, à Montréal. On ne blâme en rien cet usager vulnérable en lui rappelant de s’aider un peu (mes mots, pas ceux de la SQ).

Note de service pour Piétons Québec et Vélo Québec : idéologiquement et socialement, je suis de votre bord. Dans ce journal et à la radio, j’ai mille fois dit la nécessité de calmer les transports des chars et applaudi la révolution – c’en est une – qui a commencé à changer les rues de Montréal ces 15 dernières années…

Si je trouve, moi, que vous êtes de mauvaise foi là-dessus, imaginez la moyenne des ours.

Et finir la révolution de transports urbains moins centrés sur le char ne se fera pas sans la moyenne des ours.

Faque… Arrêtez donc de crier au loup.

PARLANT DE VÉLO — Vous avez été à peu près un million à me reprocher d’avoir écrit que j’avais roulé sur le mont Royal avec mes écouteurs, en me disant que a) c’était illégal b) dangereux pour moi et c) un mauvais exemple.

D’abord, je précise : je le sais.

Et le seul endroit où je le fais, où je prends le risque (minime), c’est… sur la montagne. Pourquoi ? Parce que le risque pour ma sécurité est nul.

Dans les rues de la ville, je ne porte jamais mes écouteurs. Pas parce que c’est interdit, mais parce qu’il y va de ma survie. Je veux entendre les chars qui arrivent derrière moi. Sur le chemin Olmsted, sur le mont Royal, il n’y a pas de voitures.

Et si la police m’intercepte sur la montagne ?

Je vais payer le ticket sans vous demander de contribuer à mon GoFundMe.

Quant au mauvais exemple que je pourrais donner, réglons ça avec un décret omnibus : je refuse d’être un modèle pour qui que ce soit.

Quant à la poignée de lecteurs qui m’ont reproché d’avoir écouté de la musique à vélo sur la montagne comme si j’étais à la tête d’un gang de mafieux qui fabrique des chapeaux avec la fourrure de chatons kidnappés dans les ruelles, vite, allez me dénoncer au poste de police le plus proche : ça vous fera une activité.

1. Lisez le texte « Une campagne de la SQ ciblant uniquement piétons et cyclistes dénoncée » 2. Lisez le communiqué de la SQ