Question stupide, si vous permettez.

Voudriez-vous payer plus d’impôt ? Soyez honnête…

Près de 60 % des Québécois disent en payer trop. Un autre 40 % juge la fiscalité adéquate, selon ce que rapporte la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke (CFFP)1 et 2. Ceux qui veulent en payer plus correspondent à la marge d’erreur.

C’est donc sans surprise que le Parti libéral a lancé le bal samedi avec la toute première promesse de baisse d’impôt de la pré-campagne3.

C’est encore plus populaire qu’on le pense.

En 2019, la CFFP relevait notre étrange relation avec la fiscalité. Elle varie peu selon le revenu ou le taux d’imposition.

Parmi ceux qui gagnent moins de 20 000 $ par année, près de la moitié croient payer trop d’impôt. Pourtant, ils n’en versent pratiquement pas.

Chez ceux qui gagnent entre 20 000 et 40 000 $, l’insatisfaction est de 55 %. Pour ceux qui font plus de 100 000 $, elle est à 59 %. Presque la même chose.

Étonnamment, les Québécois ont presque la même perception du fardeau fiscal que le reste des Canadiens. Y compris les Albertains. La différence avec eux n’est que de 4 points de pourcentage.

Dans une étude suivante, la CFFP a vérifié si l’opinion des contribuables se modifiait quand on leur expliquait à quoi servaient leurs impôts et combien ils en payaient par rapport aux autres. Seule une personne sur cinq a changé d’avis. Certains devenaient plus critiques, d’autres moins.

Il faut regarder ailleurs pour trouver le facteur qui influence la perception des contribuables. C’est l’âge.

Les jeunes et les aînés sont plus susceptibles de juger la fiscalité acceptable. Parce que ce sont eux qui utilisent le plus les services publics, comme l’éducation et la santé. Ils voient donc où va leur argent.

Les 25-64 ans sont davantage critiques. C’est aussi un électorat plus volatil que les aînés, et plus mobilisé que les jeunes.

Voilà une première raison qui explique la promesse de Mme Anglade : elle est rentable.

Il y a toutefois un paradoxe.

En 2018, Repère Communication demandait aux électeurs s’ils préféraient une baisse d’impôt ou une bonification des services publics. À peine le quart des répondants choisissait le répit fiscal.

Pourquoi alors les partis promettent-ils les deux en même temps, au risque de se contredire ?

Parce que parler uniquement des services publics, ça ne fait pas gagner.

D’un côté, les grands partis proposent des solutions trop semblables. De l’autre, ils ne sont pas crus. C’est à la fois un problème de visibilité et de crédibilité.

La plateforme libérale en est la preuve.

Les propositions de Mme Anglade en matière de services ne diffèrent pas énormément de celles des caquistes. Vrai, elle critique le troisième lien et le coût des maisons des aînés et se méfie des ressources accordées aux maternelles 4 ans. Mais pour le reste, ses idées sont aussi pertinentes que consensuelles.

En voici un aperçu.

En santé : renforcer les soins à domicile et la première ligne, favoriser l’interdisciplinarité, ajouter des lits à l’hôpital, abolir les heures supplémentaires obligatoires, dépolitiser le Ministère et recruter des employés étrangers tout en reconnaissant leurs diplômes.

En éducation : accélérer la rénovation des écoles, améliorer la qualité de l’air et compléter le réseau de garderies d’ici cinq ans.

Ces engagements sont difficiles à vendre. Les citoyens les ont trop souvent entendus, et ils peinent désormais à y croire.

Voilà donc la deuxième raison qui explique la promesse de baisse d’impôt de Mme Anglade : elle devait attirer l’attention avec autre chose.

Contrairement à la croyance populaire, les partis réalisent la majorité de leurs promesses. Le Polimètre de l’Université Laval l’a démontré pour MM. Couillard et Legault. Reste que celles sur l’accès à un médecin généraliste et sur la qualité des écoles et de l’enseignement sont l’exception. La pénurie de personnel en éducation et en santé sera difficile à régler, peu importe le parti.

C’est le contraire avec la fiscalité. En un coup de crayon, une baisse d’impôt peut être réalisée. D’ailleurs, c’est en matière de coût de la vie que la Coalition avenir Québec a réalisé le plus grand taux de ses engagements.

Mme Anglade veut la doubler sur son terrain. Elle multiplie les mesures ciblant le portefeuille comme la fin de la TVQ sur l’électricité et les produits essentiels, l’exemption de droits de mutation (« taxe de bienvenue ») pour l’achat d’une première propriété ainsi que la gratuité dans le transport collectif pour les étudiants et les aînés.

Est-ce responsable, avec le risque de récession et le choc démographique ? Le rapport attendu en août de la vérificatrice générale sur l’état des finances publiques aidera à répondre. Mais déjà, un indice se trouve dans la plateforme libérale.

À la toute première page dévoilant les engagements, il est écrit ceci : « Il faut se rendre à l’évidence : l’économie est fragile. Nous devons, collectivement, enlever nos lunettes roses »…

1. Lisez « Les promesses fiscales constituent-elles un baume sur le sentiment de payer “trop d’impôts” au Canada ? » de la CFFP de l’Université de Sherbrooke 2. Lisez « L’éternelle question du fardeau fiscal : une approche expérimentale » de la CFFP de l’Université de Sherbrooke

3. Le PLQ veut baisser l’impôt de 1,5 point de pourcentage pour les deux premiers paliers d’imposition (moins de 46 295 $, et 46 295 $ à 92 580 $). Au-delà de 300 000 $, le taux d’imposition augmenterait en contrepartie de 2 points de pourcentage.