On a commencé à entendre parler d’une éventuelle série intitulée La guerre en Ukraine, durant le temps des Fêtes. Trop absorbés par Emily in Paris, on ne s’y est pas attardés. Même qu’en janvier, plusieurs ont prétendu que La guerre en Ukraine n’aurait pas lieu. Des raisons économiques étaient en jeu.

Puis, le 24 février dernier, BANG ! La guerre en Ukraine explose sur nos écrans. Campagne publicitaire monstre, tous les médias ne parlent que de ça. On n’a pas le choix de la regarder.

Le premier épisode est captivant. La Russie attaque l’Ukraine, en bombardant plusieurs villes. Des avions, des chars, des quartiers ravagés. Des scènes rappelant le déclenchement d’un conflit mondial. Tout pour nous sentir concernés.

On regarde La guerre en Ukraine en rafale. Scotchés devant notre télé. Du matin jusqu’au soir. Comme toute bonne série, le succès réside dans la profondeur des personnages. Ici, on est gâtés.

Dans le rôle du méchant, le président de la Russie, Vladimir Poutine. Le cheveu rare, les petits yeux visqueux, le visage sans expression, le ton sans émotion, le discours de dénazification. Toujours en costard-cravate sombre. Son décor : une immense table, longue comme l’agonie, à laquelle il s’assoit à un bout et son convive, à l’autre. Un plan digne du Dictateur de Chaplin. Un tyran fou digne de James Bond.

Dans le rôle du bon, le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky. Le cheveu fourni, les yeux francs, la barbe comme Bruce Willis dans Armageddon, le ton passionné, le discours allié. Toujours en tenue de combat. Son décor : les rues de Kyiv qu’il parcourt courageusement. Un plan digne d’Apocalypse Now de Coppola. Un héros digne de Marvel, sans super pouvoir, mais avec super vouloir.

Et dans les rôles secondaires, des milliers de résidants entassés dans des abris ou traversant les frontières. Des histoires d’amour et de familles endeuillées, à vous fendre le cœur.

Deuxième épisode : l’armée russe s’empare de Tchernobyl, l’horriblement célèbre centrale nucléaire. Une série qu’on avait regardée, l’année dernière. On aime toujours ça quand deux séries se croisent. On se sent plus intelligent, en terrain de connaissance.

Troisième épisode, l’action ne manque pas : plusieurs crimes de guerre révélés, étonnante résistance du peuple ukrainien, menaces d’utilisation d’armes atomiques proférées par Poutine et sanctions économiques mises en place par l’Occident. Les sanctions économiques, c’est le bout ennuyeux de la série, mais le reste est bouleversant.

Quatrième épisode, durant lequel on réalise que ce ne sera pas une série éclair de six épisodes. Le 100jour, déjà (quoique ce soit plus facile de dire déjà quand on n’est pas là-bas). Les négociations sont rompues. La Russie occupe 20 % du territoire. L’Ukraine s’accroche. Et le reste du monde s’habitue.

On va se rendre à au moins 12 épisodes, sinon 18. Une deuxième saison est aussi à prévoir, même si l’auditoire commence à baisser. C’est que ça tourne en rond. En février et en mars, ça occupait toutes nos pensées, mais là, on est rendus en juin, on en a assez des villes détruites, des propos sanguinaires de Poutine et même des appels à l’aide de Zelensky. Ça n’a pas plus le même effet. Ça devient répétitif.

Bon, bien, c’est décidé, on lâche La guerre en Ukraine. Ça devient anxiogène. Vivement la quatrième saison de Stranger Things !

Quoi ? La guerre en Ukraine n’est pas une série Netflix. Et pendant qu’on s’en désintéresse peu à peu, de plus en plus de gens continuent de mourir.

C’est facile pour nous de regarder autre chose, mais pour les Ukrainiens, il n’y a pas d’autre chose.

Pour nous, ce ne sont que des images, dans le fil infini des images qui glissent sous nos yeux. Pour eux, c’est le monde dans lequel, ils sont pris, même les yeux fermés.

Comment faire pour ne pas se lasser de la guerre en Ukraine ? Comment faire pour qu’elle ne s’enlise pas dans le sable mouvant de notre indifférence ? Je ne le sais pas. C’est pour ça que je le demande. Poser la question, c’est être encore interpellé, mais pour combien de temps ?

C’est le dernier sursaut de sensibilité, avant que la guerre en Ukraine ne rejoigne toutes ces intolérables injustices que nous avons fini par tolérer, injustement.