Voilà une défaite dont le Parti québécois n’avait pas besoin.

Il vient officiellement de perdre sa seule circonscription dans le Grand Montréal.

À l’exception de Joliette, le PQ est complètement rayé de la carte à l’ouest de la Capitale-Nationale. Il ne lui reste que six circonscriptions au nord-est de Québec. La grande formation de René Lévesque ressemble ce matin à un parti régional.

En 2018, le PQ avait récolté 30,80 % des votes. Cette fois, il a presque obtenu le même pourcentage : 30,06 %. La baisse est minime. Même si c’est une « victoire morale », elle ne change rien au résultat.

Le PQ cherchait désespérément une bonne nouvelle pour donner un coup de frein et casser le discours pessimiste qui plombe le moral des troupes et nuit au recrutement.

Son chef Paul St-Pierre Plamondon a encaissé le choc avec dignité lundi soir. Avec Marie-Victorin qui vient de tomber, il constate l’ampleur du travail qui l’attend dans Bourget, dans l’est de Montréal, où il se présentera en octobre.

« Les circonstances seront autres dans six mois », a-t-il dit en essayant de se convaincre.

Je ne peux pas trop participer à ce qui ressemble à un concours pour trouver la date précise du décès du parti. Il compte encore des militants convaincus et des députés de talent. Avant de prédire leur défaite, il faudrait analyser leurs idées. Mais disons que l’ambiance ne doit pas être formidable ce matin.

Le PQ avait pourtant trouvé un bon candidat, Pierre Nantel. Il avait été député fédéral local et commentait l’actualité dans les médias de Québecor. En plus de cette notoriété, il pouvait miser sur les organisations péquiste et bloquiste, qui comprenaient l’importance de cette bataille.

Certes, son passage chez les verts puis chez les néo-démocrates a pu mélanger des électeurs. Mais c’est aussi le cas de Shirley Dorismond, ex-vice-présidente de la FIQ, le syndicat des infirmières.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Shirley Dorismond et la CAQ ont récolté près de 35 % des votes.

Il y a à peine un an, elle critiquait sévèrement François Legault, en plus de militer pour la reconnaissance du racisme systémique.

Elle pourra maintenant essayer de changer la CAQ de l’intérieur, où elle sera une députée parmi 75 autres. Son arrivée devrait enrichir les débats au caucus.

Marie-Victorin diffère un peu des autres circonscriptions. Elle est plus francophone et moins riche. Elle compte aussi nettement plus de locataires que la moyenne québécoise. Le logement ne semble toutefois pas avoir été un sujet déterminant.

Selon des stratèges de différents partis à qui j’ai parlé, la campagne ressemblait au débat à l’Assemblée nationale. Avec la santé au premier plan.

En tant que parti au pouvoir, la CAQ avait un énorme avantage. Elle a pu tenir l’élection au moment qui l’avantageait : quand l’essentiel des mesures sanitaires avaient été abandonnées et juste après le budget, qui avait entre autres le mérite de redonner 500 $ à pas moins de 98 % des citoyens de Marie-Victorin.

Le scandale du CHSLD Herron est toutefois revenu hanter les caquistes dans les derniers jours. Lundi matin, François Legault était en colère. Il accusait ses adversaires de se livrer à du « salissage » tout en baissant les attentes.

Pourtant, la CAQ s’est beaucoup investie dans cette campagne.

À cause du faible taux de participation, les élections partielles sont avant tout une bataille d’organisation. À la partielle de 2016, à peine 25 % des électeurs inscrits avaient voté. Le but était donc moins de courtiser les indécis peu politisés que de faire voter ses sympathisants. Cela a fonctionné. Cette fois, le taux de participation était de 36 %. Même si c’est faible, cela demeure une hausse notable.

Depuis quelques semaines, le Vieux-Longueuil ressemblait à un studio de photo caquiste. Sur Twitter, les députés et les conseillers politiques s’y sont montrés en train de faire du porte-à-porte avec Mme Dorismond. Ils ont d’ailleurs visité des résidences pour aînés, ce qui n’était pas l’idée du siècle en ce début de sixième vague.

Pourquoi tant d’efforts ? Parce que le plan de la CAQ est de remplacer le Parti québécois. Et aussi parce qu’à l’aube de la prochaine campagne électorale, elle ne voulait pas donner une impression de vulnérabilité.

M. Legault sait que son parti ne restera pas toujours si haut dans les sondages, mais il espère que la descente sera lente et douce.

Il devra toutefois s’assurer de ne pas avoir la tête trop dans les nuages. D’une telle altitude, il est facile de céder à l’arrogance.

Je serais toutefois prudent avant de tirer trop de conclusions de cette élection partielle. De toute partielle, en fait.

En décembre 2011, les libéraux gagnaient facilement dans Bonaventure, avec 49,5 % des votes. Neuf mois plus tard, le résultat fut inverse. C’est le péquiste qui gagnait avec plus de 12 points de pourcentage d’avance.

Dans Argenteuil, le PQ causait la surprise en 2012 en mettant fin à quatre décennies de règne libéral. La chute de ce château fort laissait présager une victoire éclatante de Pauline Marois. Elle a pourtant dû se contacter d’un fragile gouvernement minoritaire l’automne suivant.

La victoire caquiste dans Louis-Hébert en 2017, qui laissait entrevoir la débandade des libéraux de Philippe Couillard, constitue plus l’exception que la règle.

Cela dit, depuis le début de son mandat, la CAQ a une fiche parfaite dans les élections partielles (Roberval en décembre 2018 et Jean-Talon en juin 2019). Cela doit bien vouloir dire quelque chose.

Les libéraux avaient perdu ces deux élections. C’est maintenant au PQ de mordre la poussière. Les vieux partis sont en chute libre. Ici comme en France, d’ailleurs, comme le montre l’écrasement des républicains et des socialistes.

Les solidaires peuvent se réjouir d’avoir battu la candidate conservatrice, la comédienne Anne Casabonne. Ils ont obtenu moins de votes qu’en 2018, mais un tout petit peu plus que leurs appuis nationaux dans les sondages.

Marie-Victorin n’étant pas un terreau fertile pour le parti d’Éric Duhaime, il ne doit pas être trop déçu par ce résultat. Surtout qu’il a battu un parti reconnu à l’Assemblée nationale : les libéraux.

Le PLQ termine cinquième, avec un famélique 7 % d’appuis. Le PQ sombre en même temps que son ennemi historique.

Les temps sont cruels pour les vieux partis.