Un premier forum sur la violence armée à Montréal aura finalement lieu à compter de ce jeudi. C’est enfin l’occasion de débattre et de trouver des pistes de solution à ce grave problème qui nous a fait vivre une année 2021 absolument terrible.

Disons-le d’emblée, le sens du mot forum n’a rien de public ici. L’évènement, organisé par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et la Ville de Montréal se déroulera à huis clos, sans la présence de public, de familles de victimes et de journalistes.

Je trouve dommage que ce sujet crucial qui touche la réalité montréalaise soit traité de la sorte. S’il y a un aspect de la vie urbaine qui mérite d’être regardé et de passer par un énorme prisme, c’est bien celui-là. Mais bon, nous ne sommes pas en face d’enfants de chœur, après tout.

« Ce sont des enjeux sensibles, m’a dit Alain Vaillancourt, conseiller de la ville dans l’arrondissement du Sud-Ouest et responsable de la sécurité publique au comité exécutif. Il y a des gens qui étaient réticents à venir s’exprimer si cela était public. »

J’ai compris que l’un des « enjeux sensibles » auxquels Alain Vaillancourt fait référence touche la transmission de l’information. Il est évident que cet aspect sera au cœur des discussions. Pour le moment, les institutions scolaires, les organismes communautaires ou les maillons du réseau de la santé qui voudraient donner des renseignements pertinents à la police peuvent difficilement le faire.

Il faut absolument qu’on trouve un moyen d’améliorer ça. Il faut le faire en respectant la confidentialité et en maintenant la confiance dans le milieu. C’est un défi.

Alain Vaillancourt, conseiller de la ville dans l’arrondissement du Sud-Ouest et responsable de la sécurité publique au comité exécutif

Et ce défi doit passer par des changements législatifs. Cela veut donc dire une collaboration des autres instances politiques et du temps, beaucoup de temps.

Lors de ce type d’exercice, il y a des choses qu’on n’aime pas entendre, mais qui doivent être dites quand même. C’est souvent celles-là qui bousculent et améliorent le système. J’ai demandé à Alain Vaillancourt s’il craignait que son administration se fasse accuser de contrôler les idées qui seront présentées lors de ce forum.

« Ce n’est pas notre intention, ajoute Alain Vaillancourt. Tout le processus a été transparent. Je comprends la frustration de ceux qui ne pourront être là. Cela dit, j’espère que ce forum ne sera pas le dernier. »

Cette situation suscite l’ire de l’opposition officielle, qui déplore que la tenue de cet évènement, qui avait d’abord été annoncé en novembre avant d’être annulé en janvier, ait été confirmée il y a quatre jours seulement.

« À ma grande surprise, mon directeur des sports et loisirs m’a annoncé il y a une semaine qu’il avait été invité par le SPVM à ce forum, m’a confié Abdelhaq Sari, conseiller dans Montréal-Nord et porte-parole d’Ensemble Montréal en matière de sécurité publique. Qui organise véritablement ce forum ? Comment peut-on oublier des élus de Montréal-Nord, Saint-Léonard et Rivière-des-Prairies, où des enjeux de violence armée sont très importants ? »

Abdelhaq Sari n’a pas vu la liste des participants à ce forum qui va s’étendre sur trois jours, soit le 24 février, de même que les 17 et 31 mars. En après-midi, mercredi, Alain Vaillancourt a promis de la faire parvenir. Mais l’équipe de communications de Valérie Plante m’a finalement dit « ne pas pouvoir partager la liste complète pour des raisons de confidentialité envers nos partenaires ».

Je rappelle qu’il s’agit d’un forum, pas d’une enquête, pas d’un procès. On ne demandera pas aux participants de faire de la délation ou de nommer des noms. On leur demandera de réfléchir à des pistes de solution. Mais bon, on peut comprendre que certaines personnes craignent d’être victimes de représailles.

Pour la première journée du forum, 178 personnes sont inscrites en matinée et 115 en après-midi. Des représentants des CIUSS, de la Direction régionale de santé publique, des centres de services scolaires et de divers organismes communautaires vont y participer.

Abdelhaq Sari m’a dit qu’il reçoit de nombreux appels d’organismes qui se demandent pourquoi ils ne sont pas là. « Ça soulève beaucoup de questions sur la transparence et la démocratie municipale. Pour moi, c’est un forum politique. »

Les autres grands absents à cet évènement sont les Montréalais, ceux qui vivent dans les quartiers concernés ou les autres. Sur le site du SPVM, on dit que c’est « ensemble qu’on peut renverser la vapeur », mais que « le forum s’adresse spécifiquement aux partenaires institutionnels stratégiques et communautaires (sur invitation seulement) ».

C’est aussi ce qu’on a dit aux médias qui n’auront pas accès aux présentations et aux discussions. On promet toutefois qu’un porte-parole sera disponible pour des entrevues à la fin des journées du 24 février et du 31 mars.

Le problème de la violence dans la métropole est d’une grande importance. Il m’apparaît normal que, dans une ville ouverte et démocratique comme Montréal, les idées qui seront amenées et débattues lors de ces trois journées puissent être rapportées par les médias afin que la population ait le sentiment de faire partie de cet exercice, étant donné qu’elle n'a pas de droit de parole.

Entre les journées 24 février et du 31 mars, un atelier d’une journée rassemblera un groupe de jeunes, le 17 mars. « On va placer les jeunes au centre de la démarche », a dit Valérie Plante lundi, lors d’un point de presse.

Dans ce contexte, pourquoi ne pas avoir ajouté une journée avec des citoyens ? Ça aurait été simple de le faire, bénéfique et thérapeutique.

L’idée de ce forum est venue après que trois adolescents, Meriem Boundaoui, Jannai Dopwell-Bailey et Thomas Trudel, ont été tués par arme blanche ou arme à feu sur le territoire de Montréal.

Ce problème a été un enjeu majeur des dernières élections. Il a de nombreuses ramifications et il est d’une extrême complexité. Problèmes sociaux, racisme, gangs de rue, drogue, prostitution, contrôle des armes de poing… Tout cela fait partie de ce problème qui a pris une effrayante ampleur au cours des derniers mois.

Ce n’est pas un forum de trois jours qui va tout régler, certes. Mais c’est le début de quelque chose qui ressemble à une volonté de freiner le monstre. Espérons qu’on ressortira de cela avec une véritable synergie et des mesures qui quitteront vite le papier pour se transposer dans la rue.