Comme vous, j’ai lu et regardé les reportages sur la gestion déficiente qui frappe le secteur du recyclage, ceux de mon collègue Philippe Teiscera-Lessard et celui de l’émission Enquête.

Les centres de tri, en grande majorité exploités par des entreprises privées, sont durement critiqués. Nous envoyons en vrac verre, papier, carton, métal et plastique à ces centres, avec pour résultat que le pourcentage inexploitable est considérable.

Quand j’entends parler de l’inefficacité des centres de tri, je me demande toujours à quel moment la chaîne se brise. Je reviens souvent à la même question : pourquoi avons-nous cessé de trier à la source ?

Souvenez-vous : au départ, on nous demandait de séparer les matières dans les bacs. Et ces matières étaient recueillies et transportées en respectant cette division.

Puis, sans doute parce qu’on a cru que nous serions plus nombreux à prendre part à ce projet de société, on nous a dit de sacrer tous nos déchets recyclables dans le même bac. Et pour réaliser des économies, on a aussi pris la décision de cesser le transport sélectif et de tout balancer dans les bennes des camions.

Je repensais une fois de plus à cela quand je suis tombé sur un texte fort intéressant de Jean-Claude Thibault, porte-parole d’Opération Verre-Vert, comité citoyen de Val-Saint-François, MRC de 32 000 habitants. Ce billet, publié dans La Tribune, rejoint ma pensée à bien des égards.

Intitulé « Le grand coupable, le bac pêle-mêle », ce texte dit que le « vrai coupable » de cette impasse, c’est le bac fourre-tout que nous utilisons. Selon Jean-Claude Thibault, nous sommes en face d’un « vrai désastre sur les plans économique, écologique et social ».

Jean-Claude Thibault pense que la première étape à franchir (avant que le gouvernement ne prenne véritablement les choses en main), c’est d’isoler la récupération du verre. Mais pour cela, il faut mettre à la disposition des citoyens un système qui leur permet de faire ce geste.

C’est d’ailleurs pour cela que Verre-Vert est né, en 2014. Après avoir visité des centres de tri, les membres du collectif ont compris que le verre brisé créait de sérieux problèmes à l’étape du tri. « Il a fallu investir des sommes faramineuses dans des technologies pour démêler ce qu’on nous demande de mêler à la source », dit Jean-Claude Thibault.

Au départ, sept conteneurs ont été installés à Val-Saint-François. « Recyc-Québec nous a dit que si on amassait 200 tonnes de verre la première année, notre projet serait concluant. Oh surprise ! on a atteint 333 tonnes ! »

Les bouteilles et contenants recueillis sont directement transportés (grâce à une aide de Recyc-Québec) vers une entreprise qui conditionne (en le broyant) le verre. L’étape suivante est celle de la fonderie.

Vous aurez remarqué qu’on saute ainsi l’étape du centre de tri.

Le débat du tri en amont suscite un véritable débat et divise les voix du monde du recyclage. Une étude commandée par Recyc-Québec en 2019 a permis l’analyse de ballots produits par 22 centres de tri au Québec.

Seule la moitié des centres ont accepté de faire part de leurs résultats. Dans la plupart des cas, aucune contamination par le verre n’aurait été détectée dans les ballots de carton ondulé, de papier mixte, de papier journal ou de polytéréphtalate d’éthylène.

Les centres de tri défendent l’idée que les ballots qu’ils produisent ne sont pas contaminés et qu’ils peuvent accueillir le verre. La raison semble évidente. « Si j’ai moins de verre à transformer, ça va me coûter plus cher à opérer et je vais en avoir moins à vendre », a déclaré Nathalie Drapeau, directrice générale du centre de tri de Grande-Rivière au journaliste de Radio-Canada Alexandre Duval.

Selon des experts, le verre serait lui-même contaminé par des matières dites infusibles provenant de matériaux comme la céramique ou la porcelaine que les gens mettent dans leur bac.

Chose certaine, on s’entend sur une chose : le mélange des matières complique le travail des centres de tri et fait diminuer, dans bien des cas, la qualité des produits destinés à être recyclés.

« Lors de la commission parlementaire sur la valorisation et le recyclage du verre, en 2019, on s’est fait dire que la qualité du verre que nous offrons est supérieure », m’a dit Jean-Claude Thibault.

Selon lui, une quinzaine de MRC du Québec englobant environ 150 municipalités ont adopté un système de tri du verre à la source. Plus de 7000 tonnes de verre sont ainsi récupérées chaque année au Québec.

Une fois de plus, ce sont de petits groupes de citoyens qui trouvent des solutions à des problèmes enfouis sous la bureaucratie, un manque de volonté, des jeux politiques et des entrepreneurs qui n’ont qu’un seul objectif : obtenir de plus gros profits.

Je dis bravo à ces citoyens, et aux administrations municipales qui les appuient, qui créent des systèmes parallèles qui améliorent une organisation visiblement déficiente.

Maintenant, à quand une politique claire de « redevances à la performance » pour encourager les municipalités à adopter de telles mesures ?

L’élargissement de la consigne des contenants de boissons qui s’étendra aux bouteilles de vin et de spiritueux de la SAQ sera une étape cruciale dans la récupération et le recyclage du verre. Pourvu que des méthodes rigoureuses de tri et de transport soient appliquées.

Nous en sommes au stade de projets pilotes. Il sera intéressant de voir les résultats qui émaneront de cela. Pour le moment, une certaine réticence ou méfiance est exprimée.

Jean-Claude Thibault me disait qu’il entend régulièrement des gens faire part de leurs doutes quant au succès de la consigne avec les bouteilles provenant de la SAQ.

« À ceux-là, je réponds que ça fait 60 ans que nous rapportons nos bouteilles de bière à l’épicerie. »

Le buveur de vin deviendra-t-il un adepte de la consigne comme l’est le buveur de bière ? Je laisse cet autre sujet aux sociologues.

La récupération du verre à Montréal

Un projet pilote de récupération du verre est reconduit pour une deuxième année à Montréal. Jusqu’au 31 décembre, on peut déposer ses bouteilles et ses contenants en verre à l’un des deux points de dépôt, situés dans le stationnement de la SAQ Dépôt du Marché central et dans celui de la place Fleury.