Les arcs-en-ciel se font plus discrets, tout comme ceux qui croient que « ça va bien aller ».

Comment résumer l’humeur collective ? Ce n’est plus de l’espoir, et ce n’est pas encore de la colère. La population semble s’être arrêtée quelque part entre ces deux pôles, montre notre sondage CROP. Elle est résignée, et cela ne menace pas trop le gouvernement caquiste.

Après tout, l’espoir est dangereux. Il crée des attentes. Il se magasine des déceptions. Mais les sondés sont rendus ailleurs.

Pas moins de 69 % des répondants croient que le Québec ne sera pas « retourné à la normale » d’ici une ou deux années.

Aux prochaines élections, en octobre, ils ne seraient donc pas surpris ou choqués de devoir encore suivre certaines consignes sanitaires. Et si rien ne change, François Legault obtiendra une autre victoire écrasante.

Malgré tout, des lumières jaunes s’allument.

Le taux de satisfaction à l’égard de sa gestion de la pandémie baisse et cette tendance est lourde. En scrutant le sondage à la loupe, on remarque que le pourcentage de gens « peu ou pas satisfaits » a bondi depuis le début de la pandémie, de 12 % à 47 %.

Bien sûr, on peut pardonner aux caquistes l’état du réseau de la santé, qui est la responsabilité des gouvernements précédents. Mais cela n’excuse pas la lente distribution des tests rapides, la gestion du dossier de la qualité de l’air dans les écoles, les messages contradictoires à la veille de Noël et d’autres épisodes difficiles de la pandémie.

Après quatre vagues, on s’attendrait à ce que le gouvernement ait appris de ses erreurs.

En prenant du recul, on relativise la chute. M. Legault a gagné les élections de 2018 avec 37,4 % des voix, et ses appuis ont augmenté dans les mois suivants. Au début de la pandémie, il récoltait plus de 50 % des intentions de vote. C’était un pic, et la descente était inévitable. Pour lui, l’important est que cette pente soit douce. Et même si la baisse s’est un peu accélérée depuis l’arrivée du variant Omicron, elle est loin d’être vertigineuse…

Ce qui est surtout stable, c’est l’impopularité des partis de l’opposition. Aucun d’entre eux ne réussit à dépasser 20 %, le seuil à partir duquel les votes donnent plusieurs sièges dans notre mode de scrutin.

Consultez le site Qc125, un agrégateur de sondages

Depuis janvier, le Québec affiche un des pires taux de décès des pays industrialisés. Pourtant, l’aiguille bouge à peine pour l’opposition.

Peut-être parce que malgré leurs critiques, les gens doutent que les autres chefs auraient fait mieux.

À l’automne 2020, les libéraux accusaient le gouvernement caquiste de menacer la « paix sociale ». On n’est pas rendus là.

Plus le temps avance, plus les sondés jugent les consignes trop sévères (7 % en mars 2020 contre 33 % maintenant) et veulent retrouver leur liberté. Mais le noyau dur des contestataires demeure faible et stable. Ceux qui refusent de suivre les règles ne forment qu’environ 5 % de la population, et ce taux n’a pas varié significativement depuis le début de la crise.

Une fatigue pandémique s’observe. Moins de sondés ressentent aujourd’hui le « devoir » de respecter les consignes ou de les « suivre à la lettre ». Ces taux sont passés de 91 % à 86 %, et de 89 % à 80 %. Malgré cette baisse, l’adhésion aux mesures reste forte.

Les Québécois ne se rebellent pas. Ils ne se désolidarisent pas non plus. Mais ils sont fatigués et irritables, et ils se permettent de petites transgressions. C’est aussi devenu cela, vivre avec le virus.

Les 18-34 ans devraient tout de même inquiéter le premier ministre. Ils sont nettement plus insatisfaits et moins craintifs du virus. Si les mesures durent trop longtemps, ils risquent de ne plus y adhérer.

M. Legault avoue subir d’intenses pressions pour déconfiner le Québec. La Santé publique lui recommande d’attendre un peu.

D’ailleurs, il y avait peu de choses à annoncer jeudi en conférence de presse, à part la mise à jour de la métaphore de la « lumière au bout du tunnel ». La nouvelle version : cette lumière se voit mais on ignore à quelle distance elle se trouve…

Le taux de satisfaction mesuré par CROP porte sur la gestion de la pandémie. Léger a déjà évalué que c’était le maillon faible du gouvernement caquiste.

M. Legault aimerait sans doute parler d’un autre sujet. Ou du moins, parler de la responsabilité d’une autre catégorie de citoyens : les non-vaccinés.

Même si la paix sociale n’est pas menacée, les tensions augmentent bel et bien. Le taux de sondés favorables au passeport vaccinal obligatoire dans les grands commerces (68 %) ou à une taxe imposée aux non-vaccinés (65 %) est supérieur à celui des personnes satisfaites par la gestion de crise.

Cela n’est pas propre au Québec. Selon un sondage Maru publié jeudi, deux Canadiens sur trois sont favorables à la vaccination obligatoire, et 27 % sont même d’accord pour mettre brièvement en prison les non-vaccinés !

En France, Emmanuel Macron a nui au climat social en insultant les non-vaccinés pour des raisons électorales. Le resserrement du passeport vaccinal se défend pour des raisons de santé publique, mais rien ne justifie d’injurier des citoyens déjà méfiants des autorités. Il est donc rassurant que Lionel Carmant, le très poli ministre délégué à la Santé, vienne de recevoir le mandat de convaincre les non-vaccinés d’obtenir leurs doses.

En attendant, notre système de santé tient encore au duct tape, et la population s’y est désensibilisée. Cette résignation fait mal, mais ce n’est pas le gouvernement caquiste qui en paye le plus gros prix.