J’étais suffisamment mélangé avec les mesures sanitaires annoncées au cours des dernières semaines au Québec, mais celles de mardi m’ont achevé. Je ne peux m’empêcher, moi qui ai été jovial comme dix durant le temps des Fêtes, de voir là une perte de contrôle.

Nous étions dans la brume. Nous voilà plongés dans un épais brouillard.

En soi, la mesure qui dit que les personnes doublement vaccinées et asymptomatiques voient leur isolement réduit de 10 à 5 jours devrait nous encourager.

Mais dans la foulée, on nous rappelle que ces personnes doivent continuer à faire preuve de prudence.

Moi, ça ne m’encourage pas. Ça m’inquiète.

Ça m’inquiète parce que l’expérience des derniers mois m’a appris que plus tu assouplis les règles, plus tu assistes à un relâchement, à des écarts de conduite, à de petites tricheries. À tout ce que nous avons vu, finalement, durant le temps des Fêtes.

Je ne sais pour vous, mais partout autour de moi, j’ai entendu des histoires de règles non respectées, d’accolades à profusion, de groupes agrandis et tutti quanti.

Résultat : dans à peu près chaque famille, il y a aujourd’hui des personnes infectées.

Nous ne sommes pas les premiers à procéder à cet assouplissement des mesures. D’autres provinces canadiennes l’ont fait avant nous, de même que les États-Unis. Les professionnels de la Santé publique affirment que l’on peut passer à cette étape sans problème.

Mais de nombreux experts mettent en doute cette décision. Mardi, immédiatement après cette annonce, des médecins et des professeurs en microbiologie et en infectiologie y sont allés de diverses mises en garde.

Après cinq jours, on peut être encore contagieux. Si on ne porte pas un masque adéquatement et en permanence et si on ne respecte pas les règles de distanciation physique, on peut représenter un risque pour notre entourage.

En fait, on se retrouve dans une curieuse situation : la vaccination fait en sorte que les symptômes s’amenuisent. Beaucoup de gens doublement vaccinés qui sont actuellement frappés par la COVID-19 vous diront que ça se résume bien souvent par un nez qui coule.

Cela nous amène à prendre de telles décisions afin de pallier d’autres problèmes – la pénurie de main-d’œuvre, notamment. Mais on oublie que les personnes asymptomatiques ou celles qui ont de petits symptômes peuvent infecter des personnes vulnérables.

Les risques qu’évoquent les experts prudents sont ceux-là.

Beaucoup de travailleurs sont en télétravail. Mais on oublie que beaucoup d’autres se rendent tous les jours dans une entreprise, un commerce ou une manufacture. Ces isolements réduits risquent de créer des climats difficiles, sinon tendus.

La question de la vie familiale risque d’être un beau casse-tête. Comment les membres d’une même bulle, en pleine rentrée scolaire tardive, vivront-ils avec la présence d’un membre qui a des symptômes ou reçoit un test positif ? Comment arriver à un calcul juste ? La marge de manœuvre n’est pas grande.

L’autre aspect important de l’annonce de mardi touche l’accès aux tests PCR, qui seront maintenant réservés à une clientèle prioritaire. Cela veut dire que si vous voulez savoir si vous êtes positif, vous devez vous en remettre aux fameux tests de dépistage rapides (je rappelle que lors d’un retour des États-Unis, le gouvernement fédéral exige un résultat de test PCR, jugé plus sûr qu’un test rapide).

Voulez-vous qu’on en parle ? Leur distribution est un véritable désastre. Ce fut une erreur de confier cela aux pharmacies privées. On est pratiquement dans la maison des fous. Une pharmacie exige que vous ayez un dossier chez elle, l’autre non. Une pharmacie vous oblige à passer par le web pour obtenir un rendez-vous, l’autre non. Une pharmacie accepte les réservations au téléphone, l’autre non.

C’est n’importe quoi !

Aucune pharmacie ne sait à quel moment elle va recevoir son stock. Et c’est quand elle l’apprend que l’on peut aller sur le web ou faire la file pour obtenir sa précieuse boîte.

« On devait recevoir notre boîte entre 10 h et 15 h », m’a dit une employée de ma pharmacie avant les Fêtes.

Mettre la main sur une boîte de tests est une occupation à temps plein.

Et voulez-vous bien m’expliquer comment se fait-il qu’une pharmacie d’une petite ville reçoive une caisse de 108 boîtes de tests alors qu’une pharmacie du centre-ville de Montréal, qui a 15 fois plus de clients, en reçoit… la même quantité ?

On nous promet de nouveaux arrivages de tests cette semaine. Québec a décidé de prendre les devants et de ne pas attendre Ottawa. Bravo ! Donc, 3 millions de tests (soit 600 000 boîtes) devraient arriver ce mercredi. J’espère que la distribution sera plus efficace.

Si vous n’avez pas un test rapide sous la main, sachez que si vous avez des symptômes compatibles avec la COVID-19, vous serez considérés comme infectés. Et vous devrez vous isoler cinq jours.

Il reste la question du recensement des cas positifs. En remettant la responsabilité du dépistage entre les mains de la population, le gouvernement perd le contrôle sur le nombre de cas.

Savoir qu’il existe 15 000 cas dans les hôpitaux, les rues, les commerces et les demeures du Québec est une chose. Mais ne pas savoir qu’il y en aurait plutôt 40 000 ou 60 000 est une autre chose.

Du brouillard, que je vous dis. Et il ne fait que s’épaissir.