Alerte pour Paul St-Pierre Plamondon : la campagne à venir dans Marie-Victorin n’est pas qu’une belle occasion de se faire élire à l’Assemblée.

C’est aussi un piège auquel il pourrait ne pas survivre.

À la suite de la démission de la députée Catherine Fournier, devenue mairesse de Longueuil, une élection partielle doit être organisée.

Le chef du Parti québécois (PQ) refuse pour l’instant de dire s’il s’y présentera, et il a raison. Il a plus à perdre qu’à gagner. Surtout s’il dévoile son jeu avant ses adversaires.

À première vue, sa candidature serait logique. Après tout, les péquistes ont remporté les 11 dernières élections dans Marie-Victorin. Le siège donnerait une visibilité qui manque cruellement à leur chef. Il pourrait donner la réplique à François Legault à la période de questions.

Mais le risque est énorme.

Quand un nouveau chef de l’opposition officielle se présente à une élection partielle, les autres partis lui laissent le plus souvent la voie libre. Sauf que le PQ n’a plus ce statut.

Les solidaires misent sur un effondrement du PQ. Ils ne se priveront pas de lui opposer un adversaire. Même chose pour la CAQ – selon mes informations, elle annoncera ses couleurs ce samedi.

Et ce n’est pas tout. Avec son habituelle fascination morbide pour la mutinerie, Martine Ouellet divise à nouveau le mouvement indépendantiste en créant un nouveau parti. Elle a déjà annoncé sa candidature et n’attend que les caméras pour faire le procès de son ancienne famille.

Le chef conservateur Éric Duhaime pourrait également profiter de la tribune pour envoyer un candidat créer des controverses à haute visibilité médiatique.

Seuls les libéraux ne présenteraient personne. Mais étant donné leur faiblesse dans les sondages, ils semblent surtout vouloir éviter l’humiliation.

En 2018, la majorité péquiste a fondu dans Marie-Victorin. Mme Fournier a gagné par seulement 705 votes contre la caquiste Martyne Prévost, femme d’affaires peu connue du grand public. Avec sa domination dans les sondages, la CAQ pourrait cette fois attirer une vedette.

Des péquistes rêvent qu’une victoire surprise relance leur parti, mais une défaite l’assommerait. M. St-Pierre Plamondon se présenterait au débat des chefs avec l’aura du perdant. S’il se rend jusque-là.

Et même s’il gagnait, il aurait passé de précieuses semaines à faire du porte-à-porte à Longueuil au lieu de parler à l’ensemble de la population lors des conférences de presse à l’Assemblée nationale.

De toute façon, il n’y a pas d’urgence. La partielle doit se dérouler d’ici avril. François Legault ne la déclenchera pas avant janvier au plus tôt.

Le chef péquiste devrait être prudent avant d’ouvrir son jeu. S’il s’avance, la CAQ pourrait lui opposer un poids lourd pour lui asséner le coup de grâce.

On me dit que le PQ aurait au moins une autre personne sérieuse en tête pour être candidate. Il serait sage en effet d’avoir plusieurs cartes à jouer. Car les prochains mois seront décisifs pour son avenir.

Il est devenu cliché de parler de la mort du PQ. N’empêche que le parti est bel et bien menacé.

Si rien ne change, la CAQ se dirige vers une victoire écrasante. M. St-Pierre Plamondon pourrait toutefois en faire un argument.

Un nationaliste pourrait se dire que même si le PQ n’est pas son premier choix pour gouverner, il doit survivre. Pour garder l’option indépendantiste en veilleuse et pour faire pression sur M. Legault dans des dossiers comme la langue.

La faiblesse des libéraux n’est toutefois pas forcément avantageuse pour M. St-Pierre Plamondon. Bien des libéraux francophones baby-boomers sont passés à la CAQ, ce qui nuira au PQ dans les courses serrées.

Les sondages sont plutôt déprimants pour M. St-Pierre Plamondon. Selon Léger Marketing, son parti récoltait en octobre 13 % des intentions de vote chez les francophones, à égalité statistique avec Québec solidaire. À peine 3 % des sondés croient qu’il ferait le meilleur premier ministre. C’est moins qu’Éric Duhaime.

Mais il reste quelques lueurs d’espoir. Il est le chef le moins connu, donc celui qui a le plus de chances de faire changer l’opinion à son sujet.

Ajouter un peu d’émotion à son discours cartésien ne nuirait pas.

Durant la pandémie, les Québécois se sont ralliés derrière M. Legault. Le chef péquiste espère que cet effet s’émoussera, assez pour qu’il s’approche de la zone payante des 20 % d’intentions de vote.

Par ailleurs, le parti a remboursé sa dette, ce qui l’aidera à faire campagne.

Et enfin, il y a la cause.

Le tiers des électeurs se disent encore indépendantistes. Bien sûr, cela ne signifie pas qu’ils en font une priorité ou que cela détermine leur vote. Mais certains pourraient vouloir maintenir en vie le parti qui a historiquement défendu cette option.

Pour M. St-Pierre Plamondon, la question de la prochaine campagne pourrait être : croyez-vous que le Québec doive garder un contrepoids indépendantiste ? Que le PQ est nécessaire pour faire pression sur les nationalistes plus modérés de la CAQ ?

Même si M. St-Pierre Plamondon ne peut pas le formuler ainsi lui-même sans avouer sa faiblesse, il doit espérer que les électeurs se fassent cette réflexion.

Ce n’est pas la stratégie la plus enthousiasmante. Mais en ce moment, je n’en vois pas beaucoup d’autres.