Il y a beaucoup de noms à apprendre ce matin. Rarement des élections municipales ont porté au pouvoir autant de nouveaux maires et – surtout – de mairesses. 

Montréal est l’exception. Les quatre autres plus grandes villes changent de dirigeant.

Le pouvoir change de main entre autres à Longueuil, Laval, Gatineau, Québec, Sherbrooke, Saguenay, Terrebonne, Granby, Drummondville et Rimouski.

La plupart de ces gagnants sont verts dans tous les sens du terme. Ils sont plus jeunes, et plus sensibilisés aussi à l’environnement. Le meilleur exemple est Catherine Fournier. Elle n’a que 29 ans. Elle fait partie de cette génération qui a grandi en entendant parler de réchauffement climatique et qui vivra assez longtemps pour en subir le pire.

Lors de la campagne de 2017, les candidats parlaient beaucoup de développement économique. Ce discours se fait plus rare.

« Les villes, ce n’est plus de la gestion quotidienne », a lancé Catherine Fournier peu après avoir appris sa victoire. Comme elle, Stéphane Boyer (Laval, 33 ans) et Évelyne Beaudin (Sherbrooke, 33 ans) ont un profil plus social qu’économique.

Ils parlent davantage de choses qui ne se chiffrent pas. Comme la qualité de vie et les espaces verts.

Mme Beaudin l’a d’ailleurs rappelé peu après son élection en soirée : un de ses engagements est de protéger les parcs et d’améliorer la mobilité durable.

Pour comprendre cette insistance, on n’a qu’à lire le document de consultation de la nouvelle Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement du gouvernement caquiste. On y apprend que 76 % de la croissance des villes s’est faite dans les milieux boisés et humides. Il en reste de moins en moins.

La pandémie a rappelé l’importance des parcs. À chaque année qui passe, ils deviennent à la fois plus rares et plus précieux, à cause des canicules qui tendent à s’intensifier. Gatineau a aussi eu un avant-goût de l’avenir avec deux inondations et une tornade depuis 2017.

À la COP26, à Glasgow, l’heure est au pessimisme. Les pays échouent encore à prendre au sérieux les cris d’alarme des climatologues. Vu du Québec, cela peut paraître abstrait. Certains citoyens sont résignés et d’autres, découragés. Ils se sentent impuissants.

Mais sur le plan local, les gens sentent qu’ils peuvent faire une différence. Et, autre grosse différence, les gestes requis n’exigent pas de sacrifices. Au contraire, ils améliorent leur qualité de vie. Un quartier sans îlot de chaleur avec des arbres et un parc pour les enfants : voilà des propositions plus consensuelles que clivantes.

D’où le début de virage dans cette campagne. Aux traditionnels candidats proches des chambres de commerce, on en entend désormais d’autres qui se fient plutôt aux urbanistes. Ils parlent moins de développer le territoire que de le réaménager.

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À Québec, le gouvernement caquiste fait face à une opposition faible et divisée. Cela rendra encore plus important le rôle de ces nouvelles mairesses et de ces nouveaux maires.

Cela dit, cela ne ressemblera pas à une guerre, loin de là.

Dans les derniers mois, le gouvernement caquiste a versé une aide spéciale de 880 millions pour compenser la perte de revenus en transport collectif des villes. Et en début de mandat, il a aussi signé un nouveau pacte fiscal qui instaure un mécanisme pour leur transférer l’équivalent d’une partie de la TVQ.

Même si les villes manquent encore de sources de revenus, l’ouverture de la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, a fait en sorte que ce n’était pas un enjeu majeur de campagne.

La relation entre Québec et les municipalités n’est donc pas mauvaise. Mais le véritable test à venir portera sur le logement et l’aménagement urbain.

Des maires pris dans le vieux modèle de développement, comme à Saint-Lin–Laurentides, élargissent encore leur périmètre urbain avec de prétendus écoquartiers, sans même vérifier si leurs infrastructures le permettent – il manque d’eau pour un nouveau quartier. Québec devra leur serrer la vis.

Mais d’autres maires poussent déjà dans la direction opposée, et la nouvelle génération portée au pouvoir y contribuera. Ils seront des alliés dans des dossiers comme ceux vus à Châteauguay et à Rosemère, où des élus réclament à Québec des pouvoirs pour bloquer les projets de promoteurs dans d’anciens golfs ou des boisés.

Et, bien sûr, il y a le logement.

Durant la pandémie, Montréal a affiché un solde migratoire net. À cause de la flambée immobilière, de jeunes familles se sont réinstallées dans les couronnes nord et sud. Mme Fournier et M. Boyer représentent cette nouvelle réalité. Après sa victoire, le nouveau maire de Laval a promis d’organiser un sommet à ce sujet avec sa collègue de Longueuil.

Le gouvernement Legault n’aura pas le choix de les écouter, en habitation comme en environnement. Ils incarnent une génération qui a hérité bien malgré elle d’une crise en environnement et en logement. Et malgré sa fougue, elle aura besoin d’aide de Québec pour s’y attaquer.