Lors de la conférence de presse où ils ont annoncé la fusion de leurs partis, Mouvement Montréal et Ralliement pour Montréal, Balarama Holness et Marc-Antoine Desjardins n’ont cessé de répéter que la discorde et les chicanes étaient chose du passé dans la métropole. 

Or, deux semaines plus tard, on a droit à quoi ? À de la discorde, de la chicane, du mécontentement et, pour plusieurs candidats, au désagréable sentiment d’avoir été bernés.

Pour une déconfiture, c’en est toute une !

Cette fusion improvisée a amené des candidats de l’ancien parti de Marc-Antoine Desjardins, Ralliement pour Montréal, à quitter le navire. Les autres rongent leur frein en secret, me dit-on.

Ils se retrouvent du jour au lendemain au sein d’un parti qui sème la division en ramenant le débat sur la langue à Montréal. Le chef qu’ils n’ont pas choisi propose une consultation sur l’utilisation des langues anglaise et française au sein des institutions publiques et privées, suivie d’un référendum sur le statut linguistique de Montréal.

Avions-nous besoin de cela dans cette campagne ?

Pas vraiment.

Le matin du 30 septembre, alors que les deux candidats sautillaient de joie d’avoir réussi ce coup fumant, j’avais à mes côtés le candidat Jean-François Cloutier, qui avait quitté Équité Montréal en juillet pour se joindre à Ralliement pour Montréal. Il était silencieux. J’ai cru qu’il était heureux de la situation et qu’il avait été consulté.

Pas du tout. Il était tétanisé par l’annonce de cette fusion décidée quelques heures plus tôt. « En fait, j’étais en état de choc, m’a-t-il dit jeudi. Ça m’a d’autant plus étonné que Marc-Antoine me voyait comme son homme de confiance. »

Cette curieuse fusion est le fruit d’un geste irréfléchi fait dans l’urgence. La preuve étant que j’avais rendez-vous avec Marc-Antoine Desjardins le matin de cette annonce pour une entrevue au sujet de son programme. Nous avions convenu de cette rencontre deux jours plus tôt. Or, j’ai découvert en prenant mon café qu’un point de presse était prévu en même temps que notre rendez-vous.

Cette décision surprise explique qu’il n’y ait eu aucune consultation valable auprès des candidats. « Ceux qui étaient avec Ralliement pour Montréal sont maintenant pris dans une aventure qu’ils ne souhaitaient pas », reprend Jean-François Cloutier.

À Patrick Masbourian, mercredi matin, Jean-Pierre Boivin, qui devait représenter Ralliement pour Montréal dans le district de Champlain–L’Île-des-Sœurs, a raconté que les candidats avaient disposé de quelques heures seulement pour prendre leur décision avant la fin des mises en candidature.

Jean-Pierre Boivin a décidé de quitter ce parti pour se présenter comme indépendant. Il devra toutefois mener sa campagne avec des pancartes de Mouvement Montréal.

Pour ce qui est de Jean-François Cloutier et de Brigitte Lamoureux, ils ont pris la décision de ne pas représenter ce parti qui propose des idées contraires à leurs valeurs, je parle de la langue française et du financement du SPVM que Balarama Holness souhaite diminuer.

Ce qui est renversant là-dedans, c’est que les responsables de cette fusion invitent les citoyens à voter pour leur parti parce que, selon eux, chacun y trouvera son compte. « On va avoir des gens qui vont vouloir rendre Montréal bilingue et d’autres qui vont vouloir garder Montréal française. Ceux-là vont m’avoir dans leur camp », a déclaré Marc-Antoine Desjardins plus tôt cette semaine.

Euh… Excusez-moi, mais celle-là, je ne la comprends pas.

Imaginez une fusion (hypothétique) de la CAQ et de Québec solidaire. La première dit qu’il faut aller de l’avant avec le projet de tunnel Québec-Lévis et le second affirme que cette idée est inconcevable. Mais on invite quand même les citoyens à voter pour ce nouveau parti en attendant de prendre une décision.

C’est exactement ce qui se passe avec le mariage improvisé de Ralliement pour Montréal et de Mouvement Montréal. On demande aux électeurs de signer un contrat dont les clauses ne sont pas encore déterminées. C’est tout de même incroyable que cela se produise dans une ville comme Montréal.

On a vu Marc-Antoine Desjardins ramer mardi dernier quand Balarama Holness a ramené la question du bilinguisme. Que voulez-vous, ce sont deux politiciens sans expérience.

Jean-François Cloutier, ancien candidat de Ralliement pour Montréal

J’ai tenté d’obtenir jeudi la réaction d’anciens candidats de Ralliement pour Montréal devenus transfuges bien malgré eux. Seule Patricia Tulasne, qui se présente à la mairie de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, a donné signe de vie. Elle m’a écrit succinctement qu’elle ne commenterait pas cet aspect du programme de son parti « avant l’issue du scrutin ».

Bref, les citoyens qui seraient tentés de voter pour elle ne savent pas à quelle enseigne elle loge. J’ai insisté et elle a ajouté qu’elle se battait « pour son quartier et ses citoyens ».

L’autre chose qui m’échappe dans cette affaire, c’est que lors de la conférence de presse du 30 septembre, on a beaucoup dit que la vision du bilinguisme à Montréal allait être présentée autrement dans les jours suivants. C’est ainsi qu’on a pu esquiver les questions des journalistes portant sur ce sujet.

Mais deux semaines plus tard, le chef de Mouvement Montréal revient à la charge sans avoir mis d’eau dans son vin. Balarama Holness aurait-il des talents d’acteur qui lui aurait permis de rouler aisément Marc-Antoine Desjardins dans la farine ?

Je le pense sincèrement.

Même s’il a très peu de chances de parvenir à ses fins, Balarama Holness crée tout de même un climat de discorde et de division dont on se passerait bien.

Ce qui aurait pu être une troisième voie intéressante est devenu un creuset d’improvisation, d’inexpérience et d’opportunisme.