Définition de valoriser : mettre en valeur, présenter de façon plus avantageuse, accorder une importance plus grande à quelqu’un, à quelque chose.

Il faut se le rappeler, parce que ce n’est pas une pratique très répandue, chacun étant trop occupé à s’autovaloriser. À justifier sa présence. À se mettre en valeur. À défendre sa place. Dans cette jungle autour où l’on se sent, avant tout, soi-même en danger. Où l’on passe son temps à se comparer. Où l’on ne se sent jamais assez apprécié. Toujours désavantagé. Alors, on se sert en premier. Avez-vous vu ce que j’ai fait !? Regardez comme je suis bon ! Selfie, selfie, selfish !

On pense trop souvent à valoriser l’autre quand il est trop tard pour le faire. Quand l’autre n’en peut plus. Quand l’autre menace de partir. Quand l’autre a disparu. Quand on finit par se rendre compte que sans l’autre, on est mal pris. Que notre superbe ne sera plus si superbe que ça. C’est ainsi en amour, en amitié, au boulot. Dans la vie.

Ça fait des années que l’on sait que les conditions de travail des infirmières n’ont pas de bon sens. Qu’elles sont dévalorisantes. Que c’est inhumain d’en demander autant à des gens. Qu’elles ne peuvent pas s’occuper de tous les patients à la fois. Qu’elles ne peuvent pas travailler toutes ces heures en ligne, en première ligne. Qu’elles s’en vont tout droit vers l’épuisement. L’écœurement. L’auto-congédiement.

Leur boss sur le plancher n’a pas réussi à y remédier. Le boss de leur boss, non plus. Le grand boss du boss de leur boss, même chose. Le gouvernement, aucunement. Tous ces dirigeants avaient d’autres problèmes à régler. Plus urgents. Des problèmes qui avaient déjà éclaté. Les problèmes qui s’endurent, on les laisse s’endurcir. On ne s’occupe pas des maux latents, des maux à désamorcer. On attend toujours que ça pète avant de faire quoi que ce soit. Ç’a pété. Pandémie aidant.

Ne voulant pas finir comme DiCaprio, les infirmières abandonnent le bateau. Elles quittent le réseau. C’est assez, le temps supplémentaire obligatoire. Place au temps pour elles, obligé.

Ouais… Ben là, qu’est-ce qu’on fait ? On essaie de les ramener. On essaie de les garder. Comment ? En les valorisant. Et comment se mesure la valeur d’une personne dans notre société ? Par la somme d’argent qu’on est prêt à lui donner. C’est court, c’est incomplet, c’est injuste et discutable, mais c’est ainsi. Offrons une prime. Une grosse prime. Elles vont se sentir importantes. Dollarisées.

Augmenter la rémunération, c’est bien, mais c’est commencer par la fin. Avant la paie, il y a le travail. Et il n’y a pas de salaire assez grand pour subir un travail insatisfaisant.

Alors, quelles sont les mesures prises pour rendre la tâche plus humaine ? C’est là qu’on frappe le catch 22, l’impasse, le cercle vicieux, si vous aimez mieux.

Les conditions sont infernales parce qu’il n’y a pas assez d’infirmières, et il n’y a pas assez d’infirmières parce que les conditions sont infernales. On espère délier le nœud gordien avec l’appât du gain. Ça se pourrait. C’est toujours un argument convaincant, l’argent. Mais on mettrait plus de chances de notre côté si on donnait un aperçu de ce que sera la nouvelle réalité du monde hospitalier.

Ça va être quoi, à moyen terme, leur emploi ? Dans quoi elles s’embarquent ? (En passant, je sais qu’il y a aussi des hommes qui font ce métier, mais pour une fois qu’on peut privilégier le féminin, on ne va pas se priver.)

On fait des tables de concertation pour tout, pourquoi on ne fait pas une table de concertation avec les infirmières, pour savoir comment elles pourraient prendre soin des malades sans devenir malades ? Personne ne connaît mieux qu’elles leur quotidien. Et des façons d’améliorer la situation, elles ne doivent pas en manquer.

J’espère que les infirmières se sentent plus valorisées, aujourd’hui. Pas seulement à cause des primes. À cause de l’intérêt généralisé porté à leur cause. Quiconque est déjà allé à l’hôpital sait qu’elles sont le cœur de cet endroit.

On les tenait pour acquises. Nos anges gardiens. Comme si leur vocation allait les convaincre de tout supporter. Elles ne descendent pas d’un nuage. Il y a des limites à ce qu’on peut leur imposer.

Améliorer le sort des infirmières, c’est améliorer le sort de ceux dont elles prennent soin aussi. Bref, ce sont des efforts bien investis.

Tout ne va pas bien aller.

Tout ne va jamais bien.

Pandémie ou pas.

Mais ce serait déjà beaucoup gagné si les hôpitaux pouvaient mieux aller.

Un peu.