Lundi, c’est la fête du Travail, la célébration la plus paradoxale de l’année. On fête le travail en prenant congé. C’est comme si, à la Saint-Valentin, la fête des amoureux, on se faisait une soirée entre chums. C’est comme si, à la fête des Mères, on brunchait avec son amant. C’est comme si, à la fête nationale du Québec, on chantait du country en Alberta.

Si c’était la fête des Travailleurs, ça se comprendrait mieux. Rien ne fait plus plaisir à un travailleur qu’une journée de congé. Mais la fête des Travailleurs, c’est le 1er mai. Et que fait-on le 1er mai ? On travaille !

C’est à la fête du Travail qu’on ne travaille pas. Illogique. En plus, la date est mal choisie. On revient des longues vacances d’été. On commence à peine à reprendre notre cycle habituel. Les enfants viennent tout juste de retourner à l’école. La routine s’installe petit à petit. On essaie de réussir notre rentrée. Qu’est-ce qu’on fait ? On ressort ! Mardi, tout sera à recommencer.

C’est le premier lundi de novembre, le premier lundi de décembre, le premier lundi de février, le premier lundi de mars, d’avril ou de mai qu’on a désespérément besoin d’un congé, pas le premier lundi de septembre. C’est du farniente gaspillé. C’est le seul lundi de l’année où l’on n’est pas fatigué ! La preuve, que font la plupart des gens le jour de la fête du Travail ? Ils bizounent. Ils font des petites besognes autour de la maison. Rangent le cabanon. Font du ménage. On n’est pas pour repartir en Gaspésie pour 24 heures.

Et le travail, qu’est-ce qu’il fait, le jour de sa fête ? Rien. Personne ne s’occupe de lui. Il est tout seul. Délaissé. Abandonné. Fermé. On pourrait au moins lui envoyer des fleurs. Lui écrire une carte. Lui dire ce qu’on aime chez lui. Ce qu’on apprécie chez lui. Ça lui ferait du bien. Ça nous ferait du bien.

La plus grande richesse des humains, c’est le temps. C’est ce qu’on a de plus précieux. On sait tous combien on en a eu : 20 ans. 30 ans. 50 ans. 80 ans. On ne sait pas combien il nous en reste : 60 ans ? 30 ans ? 10 ans ? 1 an ?

Si on consacre autant de notre temps au travail, c’est pour qu’il se transforme en argent. Assurément. Mais ça ne peut pas être que pour ça. Perdre sa vie à vouloir la gagner. C’est trop absurde. Le travail, c’est notre apport à la société. Quel qu’il soit, il a son utilité. Voilà pourquoi on est payé. Parce que quelqu’un en a besoin. Parce que quelqu’un va en profiter. Travailler, c’est aider à vivre. Autant celui qui le fait que celui qui le reçoit.

Regardez autour de vous, tout est le résultat du travail de quelqu’un. Des chaussures à vos pieds à la tablette dans vos mains, à ce qu’il y a dedans, au café à côté, à l’avion au loin. Travail, travail, travail. On n’est rien sans le travail des autres. On a des milliards de raisons de fêter.

Je fais partie des chanceux dont le jeu d’enfant est devenu le travail de grand. Jeune, j’écrivais tout le temps, des poèmes, des BD, des chroniques, des comptes rendus de matchs de hockey, des cahiers à anneaux pleins que personne ne lisait. En ce moment, qu’est-ce que je fais ? J’écris encore grâce à vous qui me lirez. Merci, ma job !

Tout le monde n’a pas le privilège d’avoir pu suivre le conseil de Confucius : « Choisis un travail que tu aimes et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie. » Mais j’espère que la majorité des gens retirent une satisfaction de leur travail. Un bien-être. Une reconnaissance. Ne serait-ce que de soi à soi.

Le jour où tout le monde aimera son travail, on aimera le travail de tout le monde. Et le monde sera aimable. Même sur les réseaux sociaux.

Arthur Rimbaud a écrit : « La vie fleurit par le travail. »

C’est beau. C’est vrai.

Mardi, apportez un bouquet au bureau. Question de réjouir votre boulot. Si vous êtes en télétravail, vous pouvez le placer, dès lundi, dans la pièce des Zoom. À côté de votre ordi. L’Apple va en rougir.

Bonne fête du Travail à tous ! J’espère que vous pourrez lui dire que vous l’aimez. Sinon, faites en sorte que l’année prochaine, vous l’aimiez.

Travailler, c’est semer.

Travailler, c’est s’aimer.