Faudrait-il exiger une preuve vaccinale pour assurer une rentrée en présentiel dans les universités ?

Aux États-Unis, la question fait l’objet de vifs débats, mettant en évidence le fossé entre démocrates et républicains.

Oui ! disent les uns. Pas question ! répondent les autres.

Alors que plus de 400 universités américaines, dont Harvard, Berkeley et Columbia, exigent de leurs étudiants qu’ils soient vaccinés pour avoir accès à leurs campus, un premier cas s’est retrouvé devant les tribunaux. Huit étudiants ont tenté de faire invalider les nouvelles règles sanitaires de l’Université de l’Indiana. Un juge fédéral a tranché la semaine dernière : une université peut imposer la vaccination à ses étudiants et à ses employés « dans l’intérêt légitime de la santé publique ».

Bien sûr, dans une société libre et démocratique, chacun a le droit de faire ses propres choix pour sa santé. Cela comprend le droit de faire des choix néfastes – refuser des traitements qui pourraient vous sauver la vie ou fumer au péril de votre santé. Mais cela ne comprend pas le droit d’imposer ses choix néfastes aux autres, de les rendre malades ou d’empêcher des patients d’être soignés à temps en engorgeant les hôpitaux.

À moins d’un mois de la rentrée, alors que le variant Delta se fait menaçant, les mêmes questions pourraient se poser chez nous.

Si la couverture vaccinale n’est pas suffisante dans un milieu donné, serait-il éthiquement acceptable d’exiger un passeport vaccinal pour assurer une rentrée en présentiel ?

Réponse courte : oui.

Dans cette phase de la pandémie, où le choix de certains de ne pas se faire vacciner pourrait entraîner une flambée de cas et l’adoption de mesures encore plus liberticides pour tous, les bénéfices collectifs dépasseraient les inconvénients.

« Si la situation épidémiologique l’impose, je pense que ce serait tout à fait acceptable de dire : “Si vous n’avez pas été vacciné, il y a quand même des conséquences à vos choix. Et parmi ces conséquences : vous allez suivre vos cours en ligne alors que d’autres vont être en classe” », me dit Jocelyn Maclure, professeur de philosophie à l’Université McGill et président de la Commission de l’éthique en science et en technologie.

La bonne nouvelle pour les étudiants, c’est qu’il semble que ce ne sera pas nécessaire d’en arriver là. Malgré le retard dans la vaccination des jeunes adultes, Québec, satisfait par les taux de vaccination des étudiants, garde le cap sur un retour en présentiel dans les cégeps et les universités.

Le plan annoncé le 31 mai par la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, prévoyait une rentrée en présentiel si 75 % des Québécois de 16 à 29 ans sont pleinement vaccinés. Or, même si cet objectif n’est pas atteint dans la population en général, la vaccination va bon train au sein de la population étudiante. Plus de 80 % des personnes qui fréquentent un cégep ou une université ont reçu leur première dose, et une majorité a déjà reçu sa deuxième ou pris rendez-vous pour l’obtenir.

Si la tendance se maintient, on pourrait ainsi éviter une autre saison de désenchantement à tous les étudiants dont la santé psychologique a déjà été mise à rude épreuve par le confinement et l’enseignement à distance.

Si c’est certainement un soulagement pour les étudiants, ça ne veut pas dire pour autant que l’on est sortis du bois.

« C’est clair que l’automne va être une période difficile », me dit Gaston De Serres, médecin-épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

« Avec un variant comme Delta qui est plus contagieux, c’est sûr que les gens non vaccinés offrent un terrain de choix pour qu’on ait encore une remontée peut-être pas si légère du nombre de cas. »

Cela n’est pas sans conséquence, même pour des jeunes de 20 ans. « Oui, le risque d’être hospitalisé et de décéder quand on a 20 ans est très faible. Ce qui est pour moi très préoccupant, c’est la COVID longue », souligne le DDe Serres. Cette forme encore méconnue de la maladie, dont on parle trop peu, peut entraîner de lourdes séquelles, même chez des jeunes.

Il faut savoir qu’à cause du variant Delta, la cible de 75 % de couverture vaccinale initialement fixée pour atteindre l’immunité collective n’est plus suffisante. Il faudra viser plutôt autour de 85 %, précise le médecin-épidémiologiste.

Si certains hésitent encore à se faire vacciner, le virus, lui, n’hésite pas. Que vous soyez « antivax », hésitant, procrastinateur ou juste insouciant, il s’en balance. Ceux qui ne sont pas adéquatement vaccinés – qui représentent près de 90 % des patients hospitalisés pour la COVID-19 au Québec – font son bonheur.

Dans un tel contexte, si on veut éviter les scénarios catastrophes à la rentrée, il n’y a qu’une chose à faire, rappelle le DDe Serres.

« C’est sûr que d’un point de vue de santé publique, que les gens se dépêchent d’avoir leurs deux doses avant l’automne, c’est de loin la chose la plus importante. »