Ce qui se passe à Témiscouata-sur-le-Lac pourrait avoir lieu dans plusieurs municipalités du Québec. Cette histoire est celle de deux anciennes villes fusionnées qui, 10 ans après un mariage de raison, font encore chambre à part. C’est aussi l’histoire d’un projet d’aréna qui a ravivé une vieille rivalité.

Les municipalités de Cabano et de Notre-Dame-du-Lac ont été fusionnées en 2010 pour devenir Témiscouata-sur-le-Lac, une ville située non loin de Rivière-du-Loup et de Trois-Pistoles. Cette municipalité de 5000 habitants est notamment connue pour avoir eu parmi ses habitants le chanteur Roch Voisine, qui y a passé une partie de son adolescence.

Au moment de la fusion, chacune de ces villes avait son aréna.

Celui de Notre-Dame-du-Lac (aréna Jacques-Dubé) avait besoin d’une cure de rajeunissement. Un plan directeur a été mis sur pied pour le moderniser et il a été décidé, en 2014, qu’il serait le bâtiment principal pour les sports de glace.

PHOTO MARIO PELLETIER, INFO DIMANCHE

L’aréna Jacques-Dubé, à Notre-Dame-du-Lac

Mais l’effondrement du centre sportif Phil-Latulippe situé à Cabano, en avril 2017, est venu chambouler ce plan. Gilles Garon, le maître d’œuvre de la fusion et premier maire de Témiscouata-sur-le-Lac, a proposé un projet de deux glaces, une artificielle dans le secteur Notre-Dame-du-Lac et une autre dans un aréna réfrigéré à Cabano.

Ginette Bégin, originaire de Notre-Dame-du-Lac et entrepreneure bien connue dans sa région, connaît ce dossier sur le bout de ses doigts. Elle me l’a détaillé pendant une heure.

Le choix d’un aréna réfrigéré à Cabano a déplu à certaines personnes. Il y a eu un mouvement pour avoir également une glace artificielle à Cabano. C’est là que la chicane a pris.

Ginette Bégin, originaire de Notre-Dame-du-Lac et entrepreneure

Les résidants et les élus municipaux sont alors entrés dans un long et ardu processus de consultations, d’études, de comités, de marches citoyennes et de soirées d’information offertes par les deux camps, celui qui voulait deux patinoires artificielles et celui qui voulait que le secteur de Notre-Dame-du-Lac accueille l’aréna principal.

Je précise ici, car je suis persuadé que vous vous posez la question, que les deux anciens arénas sont séparés par une dizaine de kilomètres.

Face à cette tension et cette polémique, le maire Gilles Garon a remis sa démission et Gaétan Ouellet a été élu en octobre 2018. Dans la foulée, le projet a alors pris la forme d’un seul aréna à Cabano et d’un centre communautaire à Notre-Dame-du-Lac.

En octobre 2020, à la suite d’une consultation référendaire sur le règlement d’emprunt entourant cette nouvelle formule, le camp du Oui l’a emporté dans une proportion de 66 %.

Dans les années 1970, Notre-Dame-du-Lac devait accueillir une polyvalente. Mais après une « nuit des longs couteaux », la population a appris au petit matin que l’établissement scolaire allait être construit à Cabano. Certains habitants n’ont toujours pas digéré cet affront.

Cette histoire d’aréna a réveillé de mauvais souvenirs. Et elle est venue rappeler que les fusions municipales passent par de petites révolutions. Mais Ginette Bégin persiste et signe : Notre-Dame-du-Lac était le chef-lieu du secteur et on tente de lui faire perdre ce titre. Ce dénouement a complètement déchiré la population. « Il y a une incroyable fracture sociale, dit Ginette Bégin. Il y a des familles qui ont éclaté. Moi, par exemple, je ne parle plus à ma sœur et à mon beau-frère. »

Ginette Bégin, qui affirme que cette histoire n’est pas liée à une rivalité entre les deux anciennes municipalités, mais plutôt à une mauvaise gestion des fonds publics, est remontée loin dans le temps pour me parler de la relation entre les deux anciennes municipalités.

On est en train d’absorber Notre-Dame-du-Lac. Ils veulent faire de nous un rang de campagne. On se fait dépouiller de tout. C’est terrible, ce qu’ils sont en train de faire. Ils déracinent toute une communauté.

Ginette Bégin

Mario Pelletier est journaliste pour Info Dimanche. Il a souvent couvert ce dossier au cours des dernières années. Il croit que l’alliance des deux municipalités ne passe pas auprès d’une certaine tranche de la population du secteur Notre-Dame-du-Lac, particulièrement les personnes âgées.

« Ces gens n’ont jamais accepté ce regroupement, dit-il. Mais pour les plus jeunes et les nouveaux arrivants, cela ne pose pas problème. On le voyait dans les assemblées. Cela dit, ça va prendre une ou deux générations avant que tout le monde parle de Témiscouata-sur-le-Lac. »

Le maire Gaétan Ouellet reconnaît que la tempête a été intense et qu’elle continue de l’être. Mais il croit que le temps et le « gros bon sens » sauront arranger les choses. « Les citoyens ont compris que deux arénas auraient coûté trop cher chaque année aux contribuables pour les faire rouler. Installer l’aréna à côté de l’école secondaire, à Cabano, c’était la logique même. Les gens ont réalisé ça. »

Gaétan Ouellet ne tentera pas de briguer la mairie de Témiscouata-sur-le-Lac en novembre prochain. Il tentera plutôt d’obtenir la préfecture de la MRC de Témiscouata. « Il faut que le prochain maire et les conseillers travaillent ensemble à faire vivre la fusion. Il ne faut pas la boycotter ou la torpiller. C’est fini ce temps-là. »

Les travaux de construction de l’aréna et du centre communautaire sont en cours. Un budget de 21,5 millions de dollars, subventions de Québec et d’Ottawa comprises, est prévu. On espère inaugurer les deux bâtiments en 2022, à temps pour la Saint-Jean.

Un beau gros party rassembleur pour l’ouverture de cet aréna, c’est tout ce que je souhaite aux habitants de Témiscouata-sur-le-Lac.